Saison 1 :
Le point de départ de "Happy Valley" n'est pas d'une originalité foudroyante, puisque nous avons affaire à une copie extrêmement fidèle du scénario de "Fargo" (le film), transposé de l'Amérique profonde à l'Angleterre profonde : même cause, mêmes effets, dans un cadre tout aussi brutal, puisque le délabrement social du Yorkshire s'accompagne de vices tout aussi extrêmes : cupidité, toxicomanie, violence et perversions diverses, nous ne sommes pas vraiment dépaysés (c'est encore une fois noir de chez noir..) par rapport au thriller des Coen Bros, même avec l'accent typique du Nord de l'Angleterre qui vient replacer celui des bouseux du Dakota. La particularité de cette première saison, c'est néanmoins une construction assez originale, puisque le climax du thriller se situe dans le quatrième épisode - très éprouvant -, et que les deux derniers épisodes se focalisent sur l'impact psychologique et familial du drame, offrant au téléspectateur une redescente d'adrénaline un peu surprenante. Ce n'est néanmoins pas un véritable problème, "Happy Valley" s'attachant, à la manière Loach, pourrait-on prétendre, à décrire par le menu et les interactions sociales dans la petite ville qui sert de cadre à l'action, et le fonctionnement des différents couples et structures familiales impliqués dans l'affaire. Il est clair que le pessimisme que dégage "Happy Valley" ne sera pas du goût de tous, et que, par rapport à "Broadchurch" auquel on pourrait la comparer, voici une série nettement plus radicale. [Critique écrite en 2018]
Saison 2 :
"Happy Valley" fait donc partie des rares séries TV dont la seconde saison surpasse clairement la première, et vient s'inscrire du coup parmi nos coups de coeur du genre bien spécial de la "série anglaise". Si les prémisses de la saison inquiètent un temps, puisqu'il semble au départ que Sally Wainwright nous propose de poursuivre la même intrigue, on se rend vite compte que, un peu à la manière des grands polars scandinaves (oserons-nous une fois de plus la référence à l'incontournable "The Killing" ?), il s'agisse cette fois de plusieurs intrigues parallèles, imbriquées mais pas trop (heureusement !), qui permettent d'approfondir notre compréhension de cette société misérable et profondément malade (du chômage, de la misère, du manque de véritable structure - voir la scène saisissante des policières "volontaires" !). L'aspect "thriller" se déploie cette fois bien plus amplement sur la totalité des six épisodes de la saison, qui culmine donc dans une dernière heure superbe de noirceur désespérée. La combattivité butée de Catherine Cawood, incarnée avec fermeté et charisme par Sarah Lancashire, place d'ailleurs ce personnage à la fois profondément blessé et pourtant animé par un bel esprit de résistance morale et sociale, parmi les plus beaux personnages féminins de la série télévisuelle récente. Ce n'est pas rien, et on attendra maintenant une troisième saison qui viendra, on l'espère, couronner cette jolie série un peu trop discrète. [Critique écrite en 2018]