Les animes japonais proposent des sujets bien divers mais je dois dire que trouver une oeuvre réussie et authentique sur les jeux-vidéos n’est pas une mince affaire malgré l’affinité entre les deux cultures « nerd ». High Score Girl n’est peut-être pas un anime exceptionnel mais s’avère être l’exception comblant un manque, et bien plus encore en ce qui me concerne.
Ayant suivi les débuts d’High Score Girl, le parcours du manga est une péripétie à part entière que je ne peux m’empêcher de partager. Imaginez : un mangaka, Oshikiri Rensuke, passionné par les jeux-vidéos de son enfance, sur consoles et en salle d’arcade principalement, décide en 2010 de baser son nouveau manga sur le sujet. Il plonge ses lecteurs au début des années 90 aux côtés du jeune Haruo. Avec lui, nous découvrons le développement des technologies vidéoludiques au Japon ses premières consoles grand public, l’arrivée des premiers jeux de combats à succès (notamment Street Fighter 2), etc.
C’est engageant, c’est nostalgique, et c’est même trop authentique pour certains. En effet, l’utilisation de vraies licences dans le manga n’a pas plu au développeur SNK (King of Fighter, Mark of the wolves) qui décide de poursuivre en justice Oshikiri Rensuke pour avoir, supposément, outrepasser ses copyrights. Cette action a pour effet de quasiment stopper la parution du manga. Nous sommes alors en 2014, High Score Girl était un succès au point qu’une adaptation animée avait d’ores et déjà été annoncée. Bref le tout est catastrophique et il faut attendre 2015 pour qu’un arrangement à l’amiable soit trouvé, ce qui se traduit notamment par une reparution de l’oeuvre et des scènes remaniées afin que les produits SNK soient moins présents (mais pas totalement absent heureusement). On remarquera par ailleurs, non sans une pointe d’amusement, qu’un autre manga basé sur les jeux d’arcade sera publié à partir de 2018 sous l’égide de SNK (Lever Gacha Archives).
Le pire étant passé, High Score Girl retrouve sa place légitime et même le projet d’adaptation reprend sa phase de production pour une diffusion en l’été 2018. Cependant, comme pour ajouter de l’amertume à autant d’années d’attente, la série se révèle rapidement être une réalisation 3D avec seulement une douzaine d’épisodes prévus, assurant une oeuvre incomplète. Les fans de la première heure se retrouvent naturellement désabusés et c’est avec un certain scepticisme qu’ils découvrent High Score Girl le 14 juillet sur le Netflix japonais.
Surprise cependant, la 3D ne détracte pas des charmes de l’oeuvre originale. On retrouvera un style un peu old-school et « chibi », caractéristique de l’auteur et convenant parfaitement à l’histoire racontée. Même si cette approche ne sera pas au goût de tous, je dois avouer que dans ce cas l’utilisation 3D n’a pas été bâclée et exploite merveilleusement les visages expressifs qui parsèment le manga.
Le contenu est tout aussi bien retranscrit et malgré un premier épisode assez timide, l’anime séduit rapidement grâce au fanatisme ludique contagieux d’Haruo. Le thème du jeu-vidéo est omniprésent mais l’appréciation envers l’anime ne sera pas proportionnel au nombre de titres de jeux d’arcades connus pour autant. Une certaine affinité envers ceux-ci aidera certes à apprécier certaines subtilités mais nul besoin d’un Ken Bogard derrière l’épaule pour comprendre les joies du stick. Regarder High Score Girl, c’est avant tout se replonger dans l’enfance, le plaisir innocent de découvrir des trésors vidéoludiques et voyager les étoiles aux yeux dans chaque cartouche. C’est ce sentiment de nostalgie, bien plus universel, qui est au coeur de l’oeuvre.
Cela dit High Score Girl n’est pas seulement une lettre d’amour pour les pixels d’antan. La série laisse également une place au parcours d’Haruo à travers l’enfance et l’adolescence. Ce récit de l’ordinaire se déroule avec un ton souvent léger et des touches d’absurdités mais grâce à des dialogues très naturels et une présentation maîtrisée, l’oeuvre arrive à évoquer ces périodes de jeunesse de manière bien plus convaincante que la plupart des séries se voulant être réaliste.
La romance en particulier occupe une place grandissante au fil des épisodes et se construit tout en retenue autour de trois personnages : Haruo, la mystérieuse Oono et l’ordinaire Hidaka. On ne va pas se mentir, l’anime n’innove pas dans le domaine mais arrive presque à exceller de par son écriture. L’excentricité dont fait preuve High Score Girl pourra en tromper plus d’un mais le développement des protagonistes et l’alchimie entre ceux-ci permettent une intrigue aussi prenante qu’humaine.
Se doter de personnages attachants, plutôt que de se centrer uniquement sur les jeux d’arcade, pose un gros problème : on veut forcément connaître la fin de l’histoire. Heureusement, High Score Girl a fini, après de longues attentes anxieuses, a fini par être complété par 3 OVA ainsi qu'une saison finale (voir autres critiques).
En bref, High Score Girl est bourré de qualités et a terminé dans ma liste des meilleurs animes de 2018. Comment cela est possible pour une série entièrement 3D, se basant sur un triangle amoureux et sur la niche des jeux-vidéos d'arcade ? Je ne peux que vous encourager à vous perdre dans ce mystère.