[Saison 1] Ça commence vite et fort, ça finit vite et bâclé, avec qui plus est un cliffhanger honteux. Entre les deux, l'arc narratif se dilue trop souvent dans des sous-intrigues qui se laissent regarder, mais passablement inégales. Certaines font remplissage, d'autres s'avèrent inattendues et rafraîchissantes.
A part son début tonitruant, le meilleur de House of Cards se trouve d'ailleurs dans une poignée de ces scènes « gratuites », comme des bouffées d'air frais, qui concernent quasiment toutes le personnage de Claire Underwood, femme du député et personnage principal incarné par Kevin Spacey.
Par petites touches, Robin Wright donne vie à l'une des rares figures complexes de ce thriller politique où le manichéisme règne en maître. Ce qui colle à cet univers froid et brutal, et passe plutôt bien grâce à une mise en scène efficace, mais qui aurait néanmoins gagné à faire preuve d'un peu plus de subtilité.
Trop de personnages, surtout les seconds rôles, sont en effet simplistes, certains faisant notamment preuve d'une naïveté confondante, qui nuit à la vraisemblance. Mention spéciale à Zoe Barnes, journaliste jouée par Kate Mara, dont la jeunesse et l'arrivisme n'excusent pas l'absence totale de conscience qu'elle a, pendant la majeure partie de la saison, de se faire grossièrement manipuler.
Et pourtant, pour peu que l'on aime la violence feutrée des coulisses du microcosme politique, House of Cards arrive à séduire, par une photographie soignée et une bande son qui instille une tension sourde et étouffante, un casting réussi, et une intrigue assez convenue mais qui dépeint joliment les liaisons incestueuses entre politique, médias, business et ONG, et les articulations entre différents échelons et facettes de chacun de ces univers. La peinture d'un journalisme en mutation, ébranlé par les évolutions technologiques, constitue au passage l'un des bons points de la série.
Le tout forme un tableau d'une noirceur sans concession, une plongée dans les rouages sordides du pouvoir sous toutes ses formes, entre façade rutilante et arrières-cours glauques, dans la lutte incessante et sans merci des intérêts particuliers.
Une voie déjà empruntée par de nombreux films et séries, et dans laquelle House of Cards ne se montre malheureusement pas tout à fait à la hauteur de ses ambitions. Mais la sauce prend plutôt bien, la série compensant en partie ses défauts par une efficacité très hollywoodienne. Et se rattrapant là où l'on ne l'attend pas forcément : car si son personnage principal a toutes les caractéristiques du parfait salaud, elle sait aussi à l'occasion, notamment par le biais des scènes conjugales, fouiller sous l'édifice psychologique et intellectuel impitoyable qu'il a bâti au service de son ambition sans borne, montrer comment il en est arrivé là et en quoi son parcours est, au fond, très humain.
Un numéro d'équilibriste qu'on aurait aimé mieux dosé, plus constant, plus poussé, plus fin... Reste que c'est peut-être dans cette ambivalence, et ce qu'elle laisse transparaître, en filigrane, d'un discours sur la nature humaine, que House of Cards se montre le plus intéressant.
Mais à trop courir après l'efficacité, à trop verser dans le simplisme, à trop chercher une dramatisation à l'excès, tout en se diluant par moments dans des digressions dispensables, la série a tendance à se perdre en route et laisse cette promesse en chantier, à peine esquissée.
Le tout résulte en une fiction très regardable, mais qui hésite à trancher entre des procédés pragmatiques et éprouvés, et des ambitions plus élevées dont elle ne se donne pas complètement les moyens, et dont on sent confusément que, mieux maîtrisée, elle aurait sans doute pu prétendre être beaucoup plus. Ce qui n'empêche pas d'apprécier.
[Saison 3] Un démarrage (trop) lent, mais une montée en puissance bien maîtrisée, qui culmine dans un épisode 6 jouissif - et tellement d'actualité -, avant de repartir explorer des territoires plus intimistes.
Où il se confirme, aussi, que le véritable coeur de House of Cards, malgré les apparences, n'est pas Frank Underwood mais sa femme, Claire, toujours brillamment interprétée par Robin Wright.
Une grande série, qui ne prend peut-être pas la direction qu'on pouvait pressentir à l'origine, mais qui sait régulièrement, à sa façon, se hisser à un très haut niveau et offrir quelques vrais moments de grâce.