Inutile de passer par 4 chemins, disons-le d'office, Inside N°9 est la meilleure série anglaise de la décennie. Je sais bien qu'il y a matière à discussion car les anglais sont très au-dessus de tout le monde en Europe. Que Black Mirror a tutoyé les sommets lors des deux premières saisons, qu'il n'y aurait pas eu Veep sans The Thick of it, que beaucoup sont tombés en pâmoison devant Years and years, ou que Sherlock a raflé de nombreux prix et a contribué à stariser Benedict Cumberbacht. Mais il convient de rétablir la vérité. La série de Reece Shearsmith et Steve Pemberton domine tout ce petit monde gentiment, et sans trop forcer.
30 minutes inside
Devant les 4 saisons de ce programme de la BBC, on pense immanquablement à de prestigieux auteurs classiques : Edgar Poe, Hitchcock, Agatha Christie. Des artistes cruels, imaginatifs qui n'hésitaient jamais à mettre de l'humour dans leur noirceur et qui refusaient de se placer en autorité morale dans leur univers. Un sort malheureux s'abattant bien souvent sur leurs personnages.
Et c'est également la marque de fabrique de ce duo, qui s'était alors illustré dans des séries amusantes mais qui ne s'embarrassaient pas d’exigences aussi élevées. La Ligue des Gentlemen & Psychoville rappelaient un peu Little Britain, autre programme outrancier qui misait sur l'humour trash, les rires enregistrés agressifs, et les "catch phrases" (mécanismes comiques que Ricky Gervais a en horreur, mais dont on peut reconnaître l'efficacité). Toutes les facilités liées à ces séries ont été gommées dans ces épisodes qui ne dépassent jamais les 30 minutes.
Avec Inside N°9, le duo entre dans la cours des grands et signe des mini huis clos à l'humour noir qui innovent plus que bien des comédies d'1h30 U.S pleines de bons sentiments. Car les créateurs l'avouent, ils sont incapables de choisir entre l'humour et le drame. "À chaque fois qu'on écrit un scénario sombre, on a besoin de mettre des blagues dedans, sinon on a le sentiment que c'est incomplet". Le style est reconnaissable entre mille : C'est verbeux, précis, sanglant, le plus souvent avec un twist à la fin, et ça démontre systématiquement une réelle maîtrise de la narration.
Close to me.
Dans l'épisode 2 de la saison 1, "A quiet night in", deux cambrioleurs s'attaquent à un tableau d'art contemporain entièrement blanc chez un particulier très riche. Aucun mot n'est échangé durant l'épisode. C'est un bijou de mise en scène et de tension où les événements les plus inattendus trouvent une parfaite cohérence. Chaque épisode peut sembler familier ou redondant, mais ils constituent toujours des petites expériences scénaristiques brillantes.
Parmi les sommets on peut détacher : La couchette, Cold comfort (filmé uniquement à travers des web cam et des caméras de surveillance), Tom and Gerri, Bernie Clifton's Dressing Room (mon préféré), Once remove (avec sa construction à la Memento), The 12 Days of Christine (au montage poignant), Sardines (on pense évidemment au clip de Cure, Close to me), Tous valent la peine d'être vus et célébrés.
Si la série est aussi brillante ce n'est pas uniquement en raison de l'écriture incisive. Il faut mettre en lumière les performances incroyables de ces deux acteurs qui charbonnent dans les rôles les plus farfelus qu'on puisse imaginer. Deux caméléons avec un sens de l'observation ultra développé qui appartiennent à la race des Vittorio Gassman, Michel Serrault et autres Peter Sellers. Des types capables de faire rire sans le moindre complexe à l'aide de blagues potaches, de foutre les jetons ou d'émouvoir sans pathos. Ces palettes ultra étendues donnent une imprévisibilité remarquable à la série. Surtout que ces personnages très travaillés sont abandonnés à jamais une fois l'épisode en boite (c'est de l'anti Copycomic par excellence).
La nouvelle saison débarque cette semaine, et c'est une bonne raison pour prendre le train en marche (dans la voiture 9 évidemment).