Alors qu’une cinquième saison de la série télévisée de la BBC, "Inside No. 9", a été dévoilée en février dernier sur les petits écrans outre-manche, et que nous attendons sa parution en France, il nous semble pertinent de nous préparer en revenant sur ce petit « bijou » (comme on dit quand on n’a pas peur des clichés !) de la télévision britannique.
Steve Pemberton et Reece Shearsmith, deux acteurs / scénaristes de TV, quasiment inconnus chez nous, sont aux commandes de ce projet singulier depuis 2014, avec l’ambition de proposer des saisons de 6 épisodes de 30 minutes. Chaque épisode raconte une histoire unique, présentant un mélange d’humour noir (souvent très noir…) et de drame policier ou psychologique, voire même avec, occasionnellement, des touches de fantastique, voire d’horreur. Mais le défi que se sont lancé Shearsmith et Pemberton, c’est de surprendre leurs téléspectateurs dans chaque épisode grâce un « twist » dans le scénario, survenant en général dans la dernière partie, voire dans les toutes dernières images. Bien entendu, cette célébration du twist scénaristique conduit occasionnellement à un sentiment de jeu un peu forcé, voire même d’assister à un exercice de style développé surtout pour le plaisir de ses créateurs ! Ce n’est là toutefois qu’un léger bémol, tant l’originalité systématique des sujets et l’efficacité de la narration sont permanentes, tout au long des 4 saisons…
Une autre idée remarquable derrière le concept de "Inside No. 9", dont le titre illustre le fait que le seul point commun à toutes ces fictions est le fait qu’elles se déroulent derrière les murs de maisons ou d’appartement situés au… numéro 9 (n’est-ce pas pour autant une référence « pop culture » au fameux « Number 9 » des Beatles de l’album blanc ?), c’est que Pemberton et Shearsmith jouent systématiquement dans tous les épisodes, souvent les rôles principaux, parfois des rôles secondaires : il est, avouons-le, parfaitement réjouissant de les voir apparaître à chaque fois avec des âges, des statuts sociaux, des apparences, des comportements différents, et même si le reste du casting est systématiquement impeccable, c’est forcément la versatilité de leurs performances caméléonesques qu’on gardera à l’esprit…
Bien évidemment, la nature anthologique de la série nous expose à des déceptions régulières, avec certains épisodes très faibles que l’on s’empressera d’oublier pour ne retenir que les moments de bravoure, certains à proprement parler exceptionnels, qui ont valu à Inside No. 9 de nombreuses récompenses à travers les années. Ainsi le sublime "A Quiet Night In" (second épisode de la première saison), quasi entièrement sans dialogue, est une merveille d’intelligence, tant dans son écriture que dans sa mise en scène, exploitant magistralement l’architecture d’une maison moderne : ne serait-ce que pour cette demi-heure-là, Inside No. 9 aura gagné sa place au sommet des meilleures séries TV britanniques !
"The 12 Days of Christine" (second épisode de la seconde saison), sur une idée plus simple que celle de la plupart des autres épisodes, s’avère quant à lui un magnifique moment d’émotion tout en déployant une véritable profondeur existentielle. "The Riddle of the Sphinx" (3ème épisode de la 3ème saison), d’une cruauté extrême et sans une goutte d’humour, a ses adeptes, mais il est difficile de nier l’impact de "To Have and To Hold" (Saison 4 – épisode 4), un pur chef d’œuvre qui met à jour toute la monstruosité qui peut se dissimuler derrière une vie ordinaire. Suivant ses propres goûts, on se réjouira du mauvais esprit très « Monthy Python » de la farce sur les chasseurs de sorcières de "The Trial of Elizabeth Gage" (Saison 2 – épisode 3), ou on appréciera la construction à rebours, façon "Memento", du thriller "Once Removed" (Saison 4 – épisode 3).
Mais dans tous les cas, il est impossible de nier deux choses : d’abord que c’est lorsque Shearsmith et Pemberton sont le plus fidèles à une description des idiosyncrasies de la société britannique qu’ils sont le plus pertinents ; et ensuite que le point commun le plus évident entre toutes ces histoires, c’est bien qu’elles se passent toujours dans un seul endroit (un appartement ou une maison, bien sûr, mais aussi une étable, un wagon-couchette, une salle d’exposition dans un musée, un couloir d’hôtel, une loge de théâtre, un restaurant, une salle de réunion, etc., et qu’il s’agit donc avant tout de fictions de confinement… parfaitement appropriées à l’époque que nous vivons !
[Critique écrite en 2020]
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