Invincible revisite l’univers des super-héros avec une dose de fraicheur et de « réalisme ». Entendons-nous bien, nous ne sommes pas devant The Dark Knight. L’aspect véridique ne provient pas d'un univers sombre post 9/11 mais des relations tissées entre les personnages dans leur vie quotidienne, de la découverte des premières fois adolescentes et de la violence exprimée graphiquement. Ce qui fait la force de la série, c'est le caractère tragique et inéluctable des événements, la prise de conscience de sa mortalité, le désespoir existentiel qui vient couvrir le destin de nos fragiles héros, qui tentent pourtant de garder le sourire.
Invincible, c'est un récit d'initiation qui raconte la vie de Mark Grayson (Steven Yeun), un jeune garçon sympathique et maladroit qui se découvre des pouvoirs. Ce n’est pas une grosse surprise : son père, Nolan (J. K. Simmons), Omni-man pour le grand public, superstar provenant d’une autre planète, Viltrum, est lui-même doté d’une force extraordinaire. Nolan défend les humains contre des attaques d’aliens, en compagnie des Gardiens du Globe. Dans sa vie privée, il s’est casé avec Debbie (Sandra Oh), une humaine.
Mark, de part la génétique, grandit et accueille donc ses nouvelles responsabilités, cette force intérieure (et sexuelle) avec beaucoup d’impatience et sans cynisme aucun. Il découvre et apprivoise son corps, comme tous les autres adolescents, avec des jeunes de son âge. Atom Eve (Gillian Jacobs) est son pendant féminin et pose des choix différents, tout en instaurant un dialogue intéressant sur l'utilité qu'on doit donner à sa vie, en tant qu'être doté de pouvoir incroyable (ou, par miroir, en tant qu'être humain).
Mark va aussi très vite connaître les défauts du métier : gérer sa double-vie au collège, sa relation avec Amber (Zazie Beetz), sans pouvoir annoncer au monde entier sa nature de super. Mais aussi, et peut-être plus important encore, gérer la mort. C’est ce qui rend la série assez gore, trash et fun, d’un certain côté : quand un coup est donné, il est vraiment donné. Grosse révélation : dans la vie, les gens meurent. On oublie le premier Avengers, où New York était vidée de ses habitants en 3 minutes, sans blessés. Ici, les inconnus, les civils meurent, les cervelles éclaboussent, les yeux éclatent, le sang gicle. On a mal pour eux/elles. Les héros ne peuvent sauver tout le monde, il faut faire des choix. D'ailleurs, les héros meurent aussi.
L’animation 2D est décomplexée et dynamique, les plans immobiles ne sont pas légions sans non plus que la série ne tende vers un montage épileptique. Les scènes sont bien découpées, les effets visuels des combats sont conçus avec soin. Lorsque les personnages ne sont pas en train de se battre, Invincible réserve aussi des scènes assez drôles, surtout autour du personnage naïf de Mark Grayson.
Le monde des super-héros étant parfois vite neutralisé par son propre postulat (combats à n’en plus finir contre des vilains méchants, sans beaucoup de suspens) à quelques exceptions près (pour ne pas les citer, les films de Chris Nolan, ou encore Deadpool et Logan), la série opte parfois pour des choix classiques, un nouveau bad guy apparaissant à chaque épisode.
Pourtant, la fin emballante du premier épisode laisse voir que les super-héros sont loin d’être invincibles, et qu’ils peuvent mourir, eux aussi. Cela relance par moment toute la dynamique "super" du show, loin de la binarité blanche/noire, du bien et du mal qu'on voit à n'en plus finir chez Marvel. Ici, un nuage gris survole nombre d'identités, de personnages dont on ne comprend pas vraiment leurs actes, leurs paroles, leurs réactions. Le mystère règne, malgré le fait que les scénaristes ne semblent pas pressés de dévoiler les clés de l'intrigue, et peut-être est-ce pour le mieux ?
Quand à la fin, on se prend le dernier épisode dans le visage, tout comme nos héros, on est un peu sur le cul. C'est (un peu) la fin de l'innocence. Le mensonge de toute une vie est dévoilé sans honte ni remords. La mort rôde et nous fait frissonner. Le monde ne sera plus jamais le même. Mais les adolescents, si.