Production I.G est une studio d’animation qui a, à son palmarès, des séries (Kuroko’s Basket, Psycho Pass, Haikyû!!) ainsi que des films d’animation (Ghost in the Shell, Dead Leaves, L’île de Giovanni) qui m’ont bien plu. Se fier au nom du studio n’assure, évidemment, en aucun cas que ce que l’on va voir sera satisfaisant mais cela fait partie de mes heuristiques de jugement, au moment de choisir quels animés de saison regarder.
En voyant que Production I. G s’occupait de l’animé Joker Game, j’ai noté l’animé parmi ceux à suivre. Au terme des douze épisodes, le résultat est plutôt décevant.
A l’origine Joker Game est un roman de Koji Yanagi (deux autres suivront : Double Joker et Paradise Lost), adapté en film live en l'année dernière. Un manga adaptant l’animé est même du voyage. Pas très surprenant par les temps qui courent.
Quand j’ai pris contact avec la série j’étais très intéressé par l’époque (avant et pendant la Seconde Guerre mondiale) en plus du mot d’ordre de l’agence D : ne pas mourir, ne pas tuer. Un sacré challenge pour des espions ! Sans m’attendre à une quelconque fidélité historique (l’animé prenant certaines libertés) j’espérais voir une série proposant une réflexion sur l’espionnage, ses limites, le point de vue des agents, leur rapport avec l’armée impériale et au monde qui les entoure.
Si ces éléments ont été abordés : i) ils l’ont été de manière inégale ; ii) même si on nous dit que les espions ne peuvent pas tout faire, gagner une guerre à eux seuls, ceux de l’agence D sont hors catégorie. Après deux premiers épisodes pour planter le décor, on enchaîne avec des épisodes proposant des histoires indépendantes (même si une intrigue s’étend sur deux épisodes : 8 et 9, avec un titre qui n’est pas sans rappeler l’un des romans de Koji Yanagi : Double Joker). Et là c’est le drame. Ou presque.
A part le lieutenant-colonel Yûki, fondateur de l’agence D, je ne suis pas arrivé à retenir le nom des 8 espions qui officient. Pire, j’ai eu du mal à les différencier : à part leur coupe de cheveux leur visage est assez proche. Cette uniformité a des avantages pour l’animé mais pour le téléspectateur c’est moins clair. (A noter qu'il n'y a que des hommes dans l'agence D. Yûki s'expliquera sur ce point : le problème des femmes c'est qu'elles tuent quand ce n’est pas nécessaire. D'autres peuvent aussi trahir leur pays et passer du côté allemand de la force...).
Mais ce n’est pas si grave car, quel que soit l’agent, le résultat est toujours le même : peu importe qu’il soit en France, en Angleterre, en Allemagne ou en Chine, sur terre ou sur mer, capturé ou non. A la fin ce sont eux les vainqueurs. Ils battent à plate couture tous ceux qui se mettent en travers de leur route. On ne peut que féliciter leur formation. Cela diminue donc l’intérêt de la série : quand le résultat est connu à l’avance vaut-il encore la peine de regarder ? Surtout que les missions d’espionnage sont réduites à peau de chagrin. Il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent, peu de tension (ou alors artificielle) tout étant déjà fait ou presque. Faire tenir une mission en un épisode doit être à ce prix.
En plus d’être les meilleurs, les espions de l’Agence D ont aussi des capacités exceptionnelles : l’un siffle et des dauphins apparaissent ! L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux peut aller se rhabiller. Tel autre passe une partie de son voyage en train avec un pigeon dans sa veste : indétectable.
Les épisodes offrent aussi quelques situations qui ne sont pas toujours compréhensibles : tel espion peut prendre l’enfant d’une femme pour l’emmener voir des dauphins et personne ne dit rien, résoudre une affaire de meurtre d’espion britannique sous les yeux de ces derniers alors qu’on ne lui a rien demandé. Je n'ai pas non plus très bien compris pourquoi celui qui est présenté comme le crack des renseignements britanniques (Howard Marks) devait être, physiquement, différent des autres ni pourquoi tel espion qui a subi de la chirurgie esthétique a toujours les mêmes oreilles (manque de bol ce ne sont pas des oreilles qui permettent de passer icognito).
De manière plus incidente, on remarque quelques erreurs sur des mots orthographiés en français ou des chaussures inversées pour un espion de l'agence D (épisode 6).
Il y a quelques mois, les deux saisons de l’animé Gate nous proposaient une vision enchantée des forces d’autodéfense japonaises qui, avec un geek en chef de file (Itami) administraient la leçon aux « primitifs » de l’autre côté de la porte. Il y avait alors de quoi s’interroger sur ce qui émanait de cet animé et sur une « propagande » discutable et tellement grossière qu'elle finissait par faire rire.
A mes yeux, Joker Game est un Gate dépouillé, en partie des excès de celui-ci, mais qui fait un panégyrique de l'agence D et de ses hommes. A cet égard la série tient peut-être plus du nanar que d'un vrai animé d’espionnage. Pour adapter le propos de Gary Lineker à notre contexte, on pourrait dire qu'avec Joker Game l'espionnage est une activité qui se joue à neuf contre neuf, et à la fin, c'est l'Agence D qui gagne.