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Prenant place (symboliquement ?) en 1988, date de la première œuvre de ce mouvement cinématographique "Jaganrei" par Chiaki Konaka, l'histoire est un écho à son passé, à cette vague qui a propulsé le cinéma japonais à l'international.


Bien au-delà du fan-service, la série reprend les codes de la charte Konaka qui ont fait l'identité même de la J-Horror. Penser à ancrer la présence surnaturelle dans le monde réel. Ou encore, la scène de terreur ou la rencontre esprit/victime, qui de part sa mise en scène particulière, traduit la vision de la peur dans le cinéma japonais ("Ring", "Ju-On", "Kaïro", "La Mort en Ligne", "Retribution", etc.). Et bien d'autres points dramaturgiques...


Difficile de résumer l'histoire avec précision de cette saison 1, tant elle est bordélique parce qu'elle s'étale sur 10 ans, il y a de nombreuses ellipses et des flashback qui se mêlent aux présent. Tout cela est cependant justifié, créant ainsi un monde en déséquilibre, mêlant réel et surnaturel. Donc pour faire simple, il y a une maison hantée par un esprit vengeur, qui va filer la poisse à tous ceux qui pénètrent à l'intérieur. Et en général ça finit dans le sang.
Cependant la résumer n'est pas très aguicheur, d'autant plus que la série possède quelques rebondissements, parfois casse-tête, mais qui nous tiennent en haleine. Même s'il y a trop de personnages qui nous perdent un peu, leurs diverses péripéties nous terrifient et nous font prendre un peu plus conscience que le mal peut se terrer partout, comme s'il n'y avait pas d'échappatoire.


Une fois encore, dans la tradition J-Horror, on retrouve la figure de l'onryō, ce spectre féminin vengeur. Représentée dans l'imaginaire collectif et le folklore, en robe blanche et cheveux noirs. Traduisant une profonde solitude qui engendre de la tristesse et donc de la haine.
C'est d'ailleurs ce que la série nous raconte avant tout, c'est une histoire de destruction des cellules familiales. Adultères, enfants rejetés et maltraités, piété filiale disparue, matricide, etc. En somme, ne pas protéger et privilégier sa famille, conduit à sa perte. À l'heure d'aujourd'hui où l'individualisme prend du regain, où l'on est plus dépendant de la technologie, tout comme les artistes Japonais des années 80-90 le voyaient avec l'avancée moderne fulgurante de cette époque... La série, réalisée par Sho Miyake et écrite par Hiroshi Takahashi Takashige Ichise, renvoie à la même morale finalement.


D'ailleurs la mise en scène, bien qu'un peu forcé par moments, veut bien nous faire prendre conscience du contexte dans lequel évolue ces personnages. Tous les faits divers sordides qui ont marqué les années 80-90 au Japon sont présent et envahissant, à travers les JT télé ou encore la radio. Ces sont les seules informations qui nous parviennent par ces médias. Vague de disparitions, attentats, meurtres, comme ceux cités de Tsutomu Miyazaki et Seito Sakakibara. Tout cela pour nous faire prendre conscience d'un monde défaillant, qui dépasse les hommes et qui nous empêche de les comprendre. Ce monde surnaturel est donc anecdotique, il prend des formes effrayantes pour nous montrer ce qui se trouve juste à côté de nous. Les esprits ne viennent pas des enfers, ou du purgatoire, ils sont parmi nous, car ils naissent dans notre monde.


Concernant l'avis général sur l'écriture de la série, sa mise en scène et son découpage en terme d'épisode, c'est globalement un bon résultat. J'admire leur capacité à filmer ces espaces exigus qui nous font suffoquer, avec notamment la présence d'obstruction visuelle. Le tout rendant les séquences claustrophobique et refermant le piège sur nous-même comme sur les personnages.
S'ajoute à ça une belle photographie, surtout lorsque que les espaces intérieurs sont baignés dans une lumière chaude propre au cinéma japonais, jouant sur des effets de silhouettes avec les personnages. On reste sur une dualité de dominante jaune/bleue qui contraste bien et parfois du noir et blanc avec beaucoup de grain pour les scènes de flash-back qui pour le coup sont un peu trop sensationnelles. Au début de la saison, le rythme du récit est un peu trop rapide. L'épisode 1 semble un peu gâché, notamment pour la scène de terreur qui passe très vite. On ressent moins la dilatation du temps sur laquelle les cinéastes de la J-Horror aiment bien s'appuyer. Permettant de montrer explicitement ce qu'est la vraie peur. Celle de l'attente de la capacité à rationaliser, de savoir si nous sommes en danger ou non, si ce que l'on voit est réel ou ne l'est pas. Ce qui aurait permis aussi de prendre des pauses par rapport à toutes les histoires des différents groupes de personnages qui s'entremêlent. Cet épisode pilote est d'ailleurs un peu court aussi pour présenter les personnages, les lieux et l'histoire...
Mais globalement la série fait plaisir à voir, car le suspens est présent est bien maîtrisé. Les scènes chocs s'enchaînent, ce qui montre aussi un cinéma J-Horror plus violent, plus dérangé et plus esthétique qu'à l'époque de cette vague. On sent que des cinéastes comme Sono Sion ou Takashi Miike, ont laissé eux aussi leurs empreintes dans le cinéma thriller/horrifique japonais. Une presque banalisation de la violence qui n'est que le reflet d'une société qui en redemande. Car le regard est ce qui est primordial dans la J-Horror. Il fait le lien entre le conscient et le subconscient. Les images que l'on perçoit vont nourrir aussi nos cauchemars. Et c'est justement par le regard, du fait de voir cette maison et ces esprits, que les personnages deviendront victimes. Tout comme Reiko a vu la cassette dans "Ring", Yumi qui ne voyait le fantôme démembrer son amie que par la télévision dans "La mort en ligne", où ceux qui verront le sourire de Kuchisake-onna dans "Carved". Mais plus que victimes, ils sont témoins. Témoins de la solitude et de la tristesse de ces êtres. Car non, ce ne sont pas des films d'horreur que vous regardez, ce sont avant tout des drames familiaux. Je n'ai pas peur de dire que les films de Kore-eda racontent la même chose que ceux de la J-Horror.


Cette série est plus qu'un hommage, car elle fait peau neuve et peut faire espérer un retour de ce mouvement, même s'il n'aura pas autant d'ampleur qu'à son époque. Car justement, cette série nous le fait comprendre, si ça marchait avant, c'est parce que ces films racontaient la société des années 90. En attendant Takashi Shimizu avec son dernier film "Howling Village" (2019) est toujours dans la course, prêt à nous montrer que le cinéma japonais n'a pas fini de nous faire peur. Alors, un second souffle ? (pour ma part, je le souhaite !)

Ellossan
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le 14 juil. 2020

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