Mais sire, faut pas prendre ce qu'on dit au sérieux, vous savez bien qu'on est des cons nous ! »
Je n'avais vu jusque là qu'une partie des épisodes de Kaamelott lors de leur diffusion sur M6. J'étais assez assidu lors des premières saisons, puis je suis passé à autre chose car la série me faisait marrer, mais sans plus. Sans doute comme bon nombre de téléspectateurs, en fait.
Plus tard, à l'occasion d'une soirée spéciale en prime-time, j'ai découvert un des épisodes du livre V, l'avant-dernier. J'ai été vraiment déboussolé par la différence de ton, le nombre incalculable de références à des épisodes que je n'avais pas vu et la différence dans la réalisation. Des travellings ! Des plans larges ! Mais où sont les blagues et les jeux incompréhensibles de Perceval ?
Deux ans plus tard, c'est en souvenir de ces bons moments passés devant Kaamelott que je me suis décider à commander l'intégralité des six coffrets DVD de la série. Je viens de terminer de visionner le tout dernier épisode il y a moins d'une heure, j'en profite donc pour écrire une critique à chaud.
J'ai à présent l'intime conviction que cette série ne peut pas être classée dans un genre en particulier.
Beaucoup la considère comme une série humoristique. A juste titre, mais uniquement pour les deux premiers livres. Les jeux des mots à tors et à travers, les quiproquos invraisemblables et les disputes lors des repas sont absolument dignes des moments les plus drôles de Louis de Funes, à qui la série est d'ailleurs dédiée. Ces scènes seront tellement efficaces que certaines en deviendront véritablement cultes.
Mais ce style disparait assez rapidement pour laisser place à un autre registre.
Cela commence avec le livre III. L'univers de Kaamelott a été scellé par les deux précédents livres. La véritable légende du roi Arthur, de son épée et de sa quête du Graal commence. Les ennemis du héros commencent à se manifester, on commence à percevoir un arc scénaristique entre deux disputes.
Tout ceci se met définitivement en place dans le livre IV, où les blagues se font plus rares au profit d'une histoire beaucoup plus complète. Les scènes extérieures, jusqu'alors extrêmement rares, sont à présent courantes. On commence à voir du pays, l'univers de Kaamelott s'étoffe vraiment. L'humour reste présent, mais on sent qu'il ne dépend que de la bonne humeur des principaux personnages.
Or, cette bonne humeur disparait progressivement dans le livre V. On assiste à la descente aux enfers du héros et au basculement de la série dans un registre dramatique. La naïveté et lucidité touchantes de Perceval (« Mais sire, faut pas prendre ce qu'on dit au sérieux, vous savez bien qu'on est des cons nous ! »), contrebalancent avec la morosité ambiante de la fin de ce livre, et nous évitent de sombrer dans une profonde déprime. Mais les gags ont bel et bien définitivement disparus et ont laissé place nette aux questions existentielles d'Arthur.
Je trouve ce livre vraiment très bon et j'applaudis le tour de magie d'Alexandre Astier. Qui d'autre, en France, aujourd'hui, serait capable de transformer une série humoristique tout public en une série traitant des questions existentielles d'un héros des légendes bretonnes, tout en gardant une cohérence dans cet univers ? J'ai été le premier a avoir été trompé (dans le bon sens du terme) : on m'a baigné dans l'univers arthurien durant 4 livres, où j'ai accroché grâce à des gags, et j'ai plongé dans une piscine dramatico-dramatique sans m'en rendre compte. Et j'ai adoré, moi qui ne suis pas tellement fan de ce genre de registre en temps normal. Chapeau.
Enfin, un dernier mot sur le livre VI. On revient aux sources de Kaamelott, 15 ans en arrière, pour compléter toutes les parties du puzzle jusqu'à présent manquantes. Astier nous donne toutes les réponses de sujets qui amenaient à des gags auparavant. Par exemple, « pourquoi Arthur refuse de coucher avec Genièvre » ? On pouvait penser qu'il s'agissait d'une simple question de physiques et de mariage arrangé, mais la réponse va encore plus loin.
Puis on se rend compte que ce livre VI sert en réalité de rebond à une suite de Kaamelott.
Ce n'est pas terminé, j'en suis le premier heureux. Le dernier épisode de la saison VI réussit à lui seul à relancer la machine et à donner suffisamment de matière pour que tout ceci ne s'arrête pas de sitôt.
Vivement.
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