Si Kaamelott a un tel vivier de fans sur Internet, c'est sûrement parce qu'elle est très proche à bien des égards de la websérie. Format court, humour omniprésente, univers médiéval teinté de fantastique, moyens relativement limités, équipe constituée dans un premier temps d'un groupe d'amis passionnés qui assument souvent plusieurs fonctions, voire de membres de la même famille, il y a une inventivité et un esprit "Do it Yourself" qui viennent surmonter le manque de moyens pour transporter le spectateur dans un univers à l'identité forte.
Kaamelott n'a d'ailleurs au début pas grand chose de plus qu'une bonne websérie, si ce n'est un jeu d'acteurs à toute épreuve (les acteurs venant tous du milieu du théâtre) et une écriture imparable. La réalisation notamment est sur les premières saisons très basique, se contentant le plus souvent de plans fixes et de champs-contrechamps. La caméra se focalise sur le personnage qui parle, car c'est ce qu'il dit qui est important.
Les effets spéciaux et décors, sont eux aussi basiques ; jamais on ne verra les dragons, serpents géants et autres hydres à deux têtes pourfendus ou fuis par nos fiers chevaliers, pas plus que les envahisseurs burgondes, vandales, saxons armés jusqu'aux dents ou les machines de guerres de Léodagan. De même on remarquera que les pièces du château ou les donjons visités se ressemblent souvent étrangement, ou que la dernière seconde d'un épisode (son sans image) est régulièrement utilisée pour placer l'effet sonore d'un élément difficile à filmer.
Et pourtant, malgré ces contraintes techniques, auxquelles s'ajoute le cahier des charges de M6 (épisodes indépendants les uns des autres, accessibles à tous publics, production en masse...), force est de constater que Kaamelott vit ! Son univers est crédible, ses personnages surtout sont un énorme point fort : aisément reconnaissables, ils ont chacun une profondeur agricole (psychologique ça marche aussi) insoupçonnée qui rend leurs actions crédibles.
Perceval n'est pas simplement un abruti : il ferait n'importe quoi pour être "reconnu en tant que tel" par Arthur, ingénu mais parfois plus malin qu'on le croit ; il est fort en math et passionné par l'espace, il possède une "destinée exceptionnelle" mais n'en a pas conscience. C'est bien parce que c'est un personnage complexe et cohérent qu'on ne s'en lasse pas après 6 saisons... J'ajouterais qu'il est systématiquement débile, mais toujours inattendu.
Ce qui fait Kaamelott, on le retrouve selon moi surtout dans ces premières saisons, machine à fous rires faisant feu de tous types d'humour, galerie de personnages hauts en couleurs, usine à phrases cultes... Des épisodes comme Unagi ou la Botte Secrète resteront ceux qu'on regarde inlassablement au point de les connaître par cœur.
Pour autant, la direction prise dès la fin de la saison 3 et concrétisée par les saisons 5 et 6 était à mon avis la meilleure chose à faire. Il était nécessaire de raconter une véritable histoire sur des épisodes plus longs, d'apporter un ton plus sérieux, de venir mêler au comique le dramatique. Sans cela Kaamelott aurait fini par tourner en rond (certains épisodes de la saison 3 en étaient d'ailleurs les premiers symptômes, à multiplier les guests et étirer les blagues).
C'est le revers de la médaille : des personnages tellement bien écrits qu'ils en seraient devenus prévisibles, d'autant qu'Alexandre Astier (qui écrit tous les dialogues, en plus de réaliser, de composer la bande-son, de jouer le rôle principal et de roxxer du poney) a un style reconnaissable. C'est déjà un exploit que d'avoir écrit 300 épisodes sur le même filon sans l'avoir épuisé.
Aussi le changement, énorme prise de risque, est-il bienvenu, d'autant qu'il se fait tout en douceur et de façon remarquable, évitant les clichés et les facilités et s'accompagnant d'une montée en gamme au niveau de la musique et de la réalisation. Astier se permet de plus en plus de liberté et d'effets de styles (tournage en extérieur, fondus enchaînés sur des ralentis dans la saison 6 par exemple). Jusqu'au point culminant que constitue ce long plan du dernier épisode où Arthur raconte son rêve à Perceval tandis que la caméra se rapproche progressivement de lui...
Alors, je dis oui à Kaamelott, merci à Astier et lui renouvelle toute ma confiance pour tout projet qu'il pourrait porter à l'avenir, Kaamelott Résistance en premier lieu (vivement que ces querelles juridiques soient terminées) !
PS : Je sais que mon titre ne veut absolument rien dire, mais je trouvais ça plutôt classe. On pourrait envisager une traduction comme "Il faut battre le fer tel qu'il est" ce qui ne veut pas dire grand chose non plus.