Kaos est LA bonne surprise de cette rentrée 2024 sur nos petits écrans. Cette série joue avec une version modernisée du Panthéon Grec et choisit d'adapter le mythe d'Orphée, qu'on a rarement vu sur nos écrans. Le petit twist étant dans le mot "modernisé" puisque l'action se déroule dans une Crète dystopique où les dieux seraient connus et considérés comme des milliardaires tout puissants, ou des super-héros : le spectateur est dans un monde connu.
Une adaptation pertinente de la mythologie :
La mythologie grecque n'a pas le vent en poupe au cinéma. C'est dommage parce que j'en suis un grand fan, et que j'ai lu cet été l'oeuvre de Madeline Miller (Le chant d'Achille et Circé).
À la suite du film Troie, une flopée d'adaptations minables choisissaient le volet de l'action dans les années 2010 (Hercule, le Choc des Titans, Percy Jackson...) et depuis, plus rien.
En 2024, Kaos met totalement de côté l'action, pendant 8 épisodes qui se concentrent autour d'une histoire simple (une prophétie qui se réalise), d'un jeu politique et surtout des acteurs qui donnent vie à une vision moderne des Dieux qu'on connait tous :
Zeus est un dieu cruel et auto-centré, campé par un Jeff Goldblum au sommet de son art. Il a créé ce monde et le gère d'une main ferme, vivant dans la peur que tout lui échappe.
Héra est une femme de pouvoir terrifiante, qui joue des coudes dans un monde d'hommes.
Hadès est un DRH fatigué et concerné par son travail, loin du méchant des mythes.
Poséidon est un dieu oisif et fêtard, qui ne fait que profiter du luxe que lui offre son statut.
Dyonisos est le plus "humain" de ces dieux, malgré son appétence pour la fête.
Le mythe d'Orphée (qui part aux enfers pour récupérer sa femme) est un prétexte pour opposer l'humanité et des dieux qui amassent toujours plus sans laisser rien aux autres. Loin d'en faire la quête d'un seul homme contre l'immensité, Kaos choisit d'en faire un combat marxiste du peuple contre les happy few. C'est une idée qui n'a que trop peu été adaptée et qui trouve tout son sens à notre époque.
Netflix différent d'Amazon et Disney ?
Je parle souvent dans mes critiques du caractère woke des adaptations d'Amazon et Disney. Sur leurs productions, il est devenu quasi systématique d'avoir droit à l'inclusion forcée de minorités dans le seul but de faire des audiences, ou de la pub (merci les gens qui s'écharpent en commentaires), ce qui résulte en des produits où l'histoire et la cohérence passent au second plan. L'obsession des personnages féminins forts qui font du kung fu comme les actionner masculins des années 80 est un bon exemple (coucou Galadriel).
Netflix est plus intelligent en incorporant parfaitement les sujets dits "wokes" dans Kaos :
Pour reprendre l'image du personnage féminin fort : Dans le mythe d'Orphée, Eurydice n'est qu'une demoiselle en détresse. Dans Kaos, elle est le point central de toute l'histoire en étant le personnage qui a le courage de changer les choses et de faire face aux dieux et à son destin. Quand à la diversité, elle est partout, dans les genres et la sexualité, dans les couleurs de peau et les origines, sans que ce ne soit un sujet car chaque personnage vient avec son background et s'incorpore dans une histoire plus globale.
Les preuves de la réussite :
Au delà des acteurs, tous incroyables et bien castés (quand tout le monde est bon c'est qu'il y a quelqu'un qui les chapeaute bien), il y a une BO parfaite qui sert bien une histoire divine teintée de mélancolie : tous les titres sont partis dans mes playlists, quelque chose qui devient rare !
Le choix de faire des dieux grecs une allégorie des milliardaires se double d'une obligation de jouer de la satire et de se moquer d'eux. Au lieu d'en faire des débiles, l'humour vient de leur toute puissance qui les rend soit paranos, soit laxistes. C'est parfait !
Kaos est LA série de la rentrée, surtout pour ceux qui aiment la mythologie grecque. Que la mayonnaise prenne alors que le tout aurait pu être une bouillie classique de plateforme est une surprise assez énorme, due aux acteurs, aux costumes, et peut être à Netflix qui regagne un peu d'estime chez moi.