Plus c'est long... moins c'est bon. :(
"Les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures", a-t-on coutume de dire - sans doute pas sans raison. C'est, en tout cas, le constat auquel on pourra arriver au terme des douze épisodes de Katanagatari, série "différente" orientée Chambara, qui n'est hélas jamais à la hauteur de ses (grandes) ambitions.
A trop vouloir tout délayer (plaisanteries, donc, mais aussi dialogues et combats - jusqu'à l'intrigue elle-même !), histoire de justifier son ratio inhabituel de 50 minutes par épisode, Katanagatari réduit son orgueil à de l'arrogance, et son badinage "subversif" (du moins semble-t-il se concevoir ainsi) à un narcissisme déplacé.
Parce que voilà, c'est mathématique : on ne peut pas occuper 50 minutes quand on n'a de la matière que pour 35 ; et si s'acharner à tenter de faire illusion, dans ces conditions, peut paraître d'abord honorable (voire courageux), au fil du temps, les tentatives n'apparaissent que plus tristes et plus agaçantes les unes les autres.
Oh, soyons juste, il y a de l'idée, dans Katanagatari. Du style, du rythme, c'est clair, ça change. Mais pas assez. Et c'est précisément là que le bât blesse. On a beau avoir envie d'y croire, de lui laisser sa chance, on a beau s'obliger à fermer les yeux sur tel ou tel défaut, tel ou tel problème d'équilibrage, à chaque fois qu'on parvient à passer outre et qu'on soupire de soulagement, la série se tire une, deux ou trois nouvelles balles dans le pied (ceux qui l'ont vue en entier me diront que c'est de circonstance).
Katanagatari se veut atypique mais, passé ses deux beaux génériques d'introduction, troque son audace formelle contre un classicisme (à peine) déguisé, contre-nature ici, et seul l'épisode 6 exploite convenablement un character design pourtant pas dénué d'intérêt (on est loin de la folie visuelle d'une série comme Soultaker, paradoxalement beaucoup moins prétentieuse).
Katanagatari se veut astucieuse, intelligente, mais il faut le croire sur parole car à aucun moment, elle ne s'avise d'en apporter la preuve. Difficile de croire à une brillante stratège dont les plans sont simplistes et sans génie (surtout quand à côté de ça, on lit Liar Game...) et qui se joue soi-disant des gens comme s'ils étaient des pions sans que jamais cela ne se laisse percevoir.
Katanagatari se veut antimanichéenne mais, en oubliant d'aimer ses personnages et à trop vouloir jouer la carte de l'esbroufe, ne livre qu'une galerie de stéréotypes creux et sans envergure (mention spéciale à Emonzaemon, l'antagoniste "charismatique" le plus horripilant de ces deux dernières décennies - il peut bien critiquer les derniers mots de Maniwa Penguin, le bougre, mais les siens ne sont pas moins pitoyables, bien au contraire...) (si quelqu'un veut m'offrir un punching-ball Emonzaemon à Noël, je ne suis pas contre).
Katanagatari se veut également profonde et émouvante, avec ses twists à la Clamp des grands jours (mais si, souvenez-vous : Rg Veda, Tokyo Babylon, X...), sauf que les Clamp, elles, ne se contentaient pas de les jeter à la figure du spectateur sans avoir préalablement préparé le terrain, donné des pistes, fait en sorte que ces twists soient l'aboutissement de quelque chose, et pas un soubresaut scénaristique gratuit pour tenter de donner un peu de densité à un propos qui en manque cruellement. Tout comme elles auraient fait en sorte que ces twists soient crédibles, d'ailleurs, et pas complètement tirés par les cheveux (ça aussi, c'est de circonstance).
Car si l'on peut pardonner la retenue dont Katanagatari fait preuve dans le jusqu'au-boutisme (à quoi bon, cependant, vouloir sortir des sentiers battus si c'est pour le faire sur la pointe des pieds ?), la maladresse satisfaite d'elle-même qui en noyaute l'écriture, les personnages sans consistance qui, parfois, laissent deviner quelques tiraillements intérieurs réjouissants, la logorrhée sans fin et sans finesse qui en alourdit les moindres sursauts créatifs, arrivé en fin de parcours, on ne pourra que jeter l'éponge, à bout de nerf et de patience, en découvrant que ce qui aurait pu n'être qu'un petit divertissement sympathique, anecdotique et imparfait mais globalement bien troussé... avait un scénario !
Et un bon.
Un scénario que l'auteur n'a semble-t-il jamais jugé bon d'exploiter, d'annoncer, d'intégrer à sa trame, préférant combler ses vides par plus de vide encore, et répondre au bavardage par le bavardage comme d'autres font sonner le fer par le fer. Alors quand, tardivement, il réalise qu'il n'a plus de place à lui accorder,il fait ce qu'il sait faire de mieux (comprendre : de pire) : il le brade comme un dernier jour de solde à - 70%-tout-doit-disparaître en le fourrant de force (et jusqu'à ras-la-gueule) dans la bouche d'un personnus-ex-machina qu'il amène là exprès, le temps d'un nouveau monologue plus interminable que jamais, avant d'en remettre deux couches toutes aussi imbitables dans l'épisode suivant. Et ça, ben... bienveillance ou pas bienveillance, c'est pas du boulot.
On réalise trop tard qu'il y avait une vraie substance, en arrière plan de Katanagatari, et qu'on est juste complètement passé à côté.
Ce qui nous fait un tragique point commun avec l'équipe en charge de son développement, et rend l'échec final d'autant moins pardonnable.
D'où cette note de "1", que Katanagatari ne mérite pourtant pas vraiment.