Japon, au début de l'été 1966. Kaoru Nishimi traîne sa mélancolie. Lycéen de première année, il doit encore déménager, cette fois de Yokosuka à Kyushu. D’un naturel calme et studieux, Kaoru ne fraye pas beaucoup avec ses camarades de classe, ne s’attache pas à ceux qu’il sait devoir quitter bientôt et qui bien souvent le traitent comme un paria du fait de son statut de nouveau.
Très introverti et focalisé sur ses études (du fait des hautes attentes de sa famille), il ne trouve refuge que dans le piano classique. Sujet à de fréquentes crises d'angoisse, Kaoru a pris pour habitude d'aller se prendre un grand air salvateur quand ça ne va pas. Aussi, quand dans sa nouvelle classe, il sent le malaise venir, il se précipite sur le toit du lycée.
C’est là qu’il va rencontrer Sentaro Kawabuchi, un mauvais garçon notoire, au visage orné d'une cicatrice, qui bien sûr est sur le toit car il sèche les cours. Et que lui seul détient les clefs, comme le bon caïd du coin. Classique, certes.
Cette rencontre va totalement changer la vie de Kaoru. Grâce à ce camarade de classe que tout oppose à lui, il trouve la première personne qu'il peut appeler un "ami". Classique encore.
Il va aussi se rapprocher de Ritsuko Mukae, la présidente de la classe, qui l’a bienveillamment pris en charge dès son arrivée. Elle est la fille d'un propriétaire de magasin de disques. Un peu moins classique là déjà.. C’est d’ailleurs par ce lieu un peu suranné, au sous-sol dédié à l’exercice de la musique, que tout sera possible et que le trio va créer des liens très forts. Magique. Notre adolescence au garage, version jazz.
Kaoru va pleinement se laisser entraîner par la passion de Sentaro pour cette musique dont il scande la mesure avec ses baguettes de batteur dès qu’il en a l’occasion.
Dans cette ville japonaise du bord de mer, les sixty se jouent sur un air américain plutôt rock and roll et nos deux amateurs de jam session n’en seront que plus liés d’être limite anachroniques dans leur environnement estudiantin qui préférera plus volontiers la pop des groupes Beattles like.
Sise dans une ville au charme désuet, cette histoire est donc celle d'un parcours initiatique. Watanabe a pris soin de l'évolution de son trio.
Elle est narrée avec une tonalité particulièrement élégante et subtile. On va au-delà du vu et revu duo composé du timide coincé apparié à la brute au grand cœur et de la niaise indécise (même si ça dégouline par les trous de la tartine par moment, ne le nions pas). Même Ritsuko, qui semblait au départ être un peu transparente, va s'affirmer en tant que jeune fille.
Le parcours de nos trois lycéens permet en outre de développer des thèmes intéressants, car nos personnages traduisent bien une sorte de mal de leur époque. Une époque "où l'économie allait plus vite que le progrès social", où les familles sont souvent malmenées.
Kaoru ne connaît pas sa mère, Sentarô, abandonné par la sienne a été recueilli par sa tante et son oncle (alcoolique), et on suppose que la mère de Ritsuko est décédée. Ces situations familiales nous donnent à voir des personnages avec une fêlure, c'est précisément ce qui va les rassembler et les rendre intéressants.
Ils essayent d'oublier, ou intériorisent, mais leur amitié va peu à peu leur permettre de s’ouvrir et se confier, ce qui bien sûr rendra la profondeur de leur lien plus que crédible.
A noter aussi que ce Japon de la fin des années 60 est le théâtre de nombreux mouvements sociaux (étudiants, contre l'occupation américaine, contre la guerre du Vietnam ...) ce qui va permettre d'intégrer l'histoire de Junichi, crooner trompettiste au parcours assez trouble, grand frère de substitution pour Sentarô.
Une galerie de personnages secondaires tout aussi intéressants complète cette fresque historique et sociale.
Sur la facture de la série, rien à redire
Ost. Impeccable. Sous la direction de Yoko Kanno, qu’on ne présente plus. Elle a choisi et adapté de grands classiques jazz pour l'occasion mais elle aurait aussi joué les morceaux interprêté par Kaoru. C'est sa 4ème collaboration avec Watanabe. Leur complicité a encore une fois payé. Merci pour cette jouissance auditive.
Ensuite, l'animation. Impeccable. Aussi. Fluide, naturelle, précise jusque dans la correspondance entre les notes et les mouvements de main des personnages. Le dessin élégant n'est est que mieux servi.
Enfin, le doublage. Impeccable. Encore.
Comme pour Cowboy Bebop, Watanabe a choisi un découpage en session. Chaque épisode de Kids on the Slope est donc nommé d'après un morceau. Du lourd. Même si on reste loin de la série culte, on ne peut que jubiler devant cette ode au jazz.