Non, la rhétorique n'est pas une langue morte

Le regard rieur du philosophe.

La voix posée et mélodieuse de l'orateur.

Et une pléiade de discours bien d'ajourd'hui pour montrer la rhétorique à l'oeuvre dans le vivant, dans l'actuel.

Les émissions de Victor Ferry ressuscitent un art - plutôt qu'une science - que beaucoup pensent disparu ... ou artificiellement encore survivotant dans les bien trop visibles questions rhétoriques de Nicolas Sarkozy, dans les anaphores à la "C'est vrai" de Mitterand ou à la "Moi président" de François Hollande. Ce que l'actualité médiatique livre de prises de parole un tant soit peu marquante, inattendue, attendue, en chaque cas édifiante, Victor Ferry l'analyse cliniquement, non en axiologie mais en stratégie oratoire.

L'homme ne fait pas unanimité, certes, ici sur Sens Critique comme sur Youtube: mais qui est prophète en son pays ?

L'homme s'est égaré, parfois, dans des déserts consacrés à la machine économique ou aux cris des chiens qui aboient. Oui, parfois, la caravane s'est arrêtée pour des haltes inutiles et la voix de son chauffeur s'est affadie à vouloir camper celles de ses détracteurs. Mais qui est infaillible ? Quandoque bonus Homerus dormitat !

L'homme a ses idées qu'on ait en droit de ne pas partager: tout enseignement, toute nouvelle n'est pas parole d'éavangile mais talent d'un maître à faire sien et à ne pas enterrer dans le jardin de ses pensées.

Mais l'artisan a su exploiter un oeuf de Colomb: commenter intelligemment des vidéos qui nous concernent et qui s'adressent quotidiennement à nous, loin des commentateurs stériles de BFM TV et CNEWS et des explorateurs en quête des oiseuses incongruïtés qui farcissent les net.

Mais l'artisan a aussi remis en avant l'utilité de la beauté musicale, formelle, théâtrale, en un mot, poétique, de la littérature, qui est en soit une forme de rhétorique. Permettant à ses auditeurs d'élire une oeuvre à lire tout en suggérant des pistes pour d'autres lectures: Marcel Aymé voisine alors Orwell, Boulgakov et bien d'autres !

Mais l'artisan sait toujurs aussi se réinventer sans changer de cap: donner à chacun une parole qui ait du poids pour que chacun puisse être le changement qu'il ou elle veut dans le monde.

Il faut y voir un amoureux de la rhétorique telle que l'aimait Pétronne, non poussiéreuse mais jetée dans la vie, analysant non plus des discours qui n'ont plus cours mais cherchant le génie même dans la basse syntaxe contemporaine, quand il est possible de le trouver.

Il faut y voir aussi une institution du citoyen à se sortir des pièges oratoires du politique ou du quotidien. Car cet art est vital et on souffre quand on enseigne le français à se voir refuser le droit de faire cultiver les fleurs de rhétorique pour ne pas perdre des élèves, que l'on préfère faire devenir de bons consommateurs.

Cette série d'émissions sur la rhétorique appliquée à des exemples vivants est une belle réussite d'un universitaire qui a décidé de faire sortir ses contemporains de la caverne médiatique, d'encourager ses pairs à cultiver le l'art de Saint Antoine de Padoue malgré la méfiance organisée contre elle et d'inviter ceux et celles qui le souhaitent dans son atelier de rhétorique pour se reproduire à la façon de Kat selon Jean-Baptiste Botul.

Un bel atelier à fréquenter sans modération et que j'aime à visiter quand le temps me le permet.