Le 4 avril 2004, j’étais devant Canal Jimmy, chez mon père qui avait les chaînes du câble et m’a donc permis de voir pas mal de choses en avance dans un monde pré-torrent, du genre Scrubs ou la neuvième saison de Friends. Et là, sans prévenir, débute le générique le plus étrange et flippant que j’ai pu voir sur mon petit écran. Des cartes de tarots qui prennent vie, des images de la Grande Dépression et de la montée du nationalisme en Europe, des rituels du Ku Klux Klan… Et puis en voyant apparaître le logo de Carnivale, je me rappelle en avoir lu le plus grand bien dans Series Mag de cette nouveauté HBO et je m’installe avec grande curiosité devant le pilote. Puis le second épisode. Puis plus rien car il m’a fallu rentrer chez ma mère et plus moyen de voir la suite d’un récit qui m’avait hypnotisé. L’histoire d’un jeune homme qui se retrouve à travailler pour une foire ambulante en pleine Dust Bowl et traverse l’Amérique avec une bande de freaks pendant qu’un prêtre avide de pouvoir tente d’agrandir son influence. Ces deux là sont liés et représentent la lutte entre Bien et Mal, faisant de cette série une tentative ultra-ambitieuse de réaliser la plus grande et passionnante parabole biblique de la télévision moderne.
Mais ça j’en savais rien : déjà parce qu’à 14 ans, j’avais pas saisi la double lecture. Et puis parce qu’il me faudra attendre 2011 pour enfin visionner Carnivale dans son intégralité, c’est à dire 24 épisodes de symboles religieux, d’ésotérisme et surtout, d’émotions. Parce que ne croyez pas la réputation de la série qui est celle d’une œuvre non aboutie et confuse. Si son annulation nous prive en effet d’une véritable conclusion et est ultra-frustrante au vu des cliffanghers du series finale, la série parvient à ne pas être seulement un résidu de mystère sur fond de combat manichéen. C’est avant tout une aventure très humaine, avec une galerie de personnages hauts en couleurs et une atmosphère unique qui vous transporte en pleine Grande Dépression et devrait se regarder juste entre Boardwalk Empire et Band of Brothers – il faudrait un jour regarder dans l’ordre les fictions américaines qui nous parlent de son Histoire. Si quelques effets spéciaux n’ont pas forcément bien vieillis, le casting est toujours convaincant – Clancy Brown, Clea DuVall et Tim DeKay en tête – et la bande originale de Jeff Beal – également responsable de celle de Rome – est très belle. Je garde un souvenir frissonnant de l’enterrement de Dora Mae, d’un Jonesie retrouvant ses jambes et des insomnies de Ben. Je garde un souvenir mémorable de Carnivale, qu’il ne faut pas hésiter à redécouvrir cet été. Ce sera une expérience plus satisfaisante qu'un Lost, croyez-moi.