Quand la flotte britannique est victime dans le Golfe Persique de ce qui semble être une attaque iranienne, la nouvelle ambassadrice des USA en Grande-Bretagne, Kate Wyler, se trouve projetée au milieu d’une intrigue géopolitique globale aux enjeux potentiellement dévastateurs. Elle peut compter sur l’aide – peut-être pas vraiment désintéressée – de son mari, Hal Wyler, l’un des politiciens US les plus chevronnés et… machiavéliques, mais également sur la coopération du ministre britannique des affaires étrangères, Austin Dennison, un jeune homme brillant qui va très vite la séduire.
Présenté de cette manière – sans spoiler excessif – l’intrigue de The Diplomat (la Diplomate en VF) n’est pas forcément très attirante : on pense a priori à une nouvelle version « woke », comme disent les réactionnaires de tout poil, de 24 Heures Chrono, matinée d’intrigues sentimentales vaguement à l’eau de rose, soit un programme Netflix des plus standards. Et, même si en effet, quasiment tous les personnages de pouvoir sont ici féminins ou noirs, tandis que la plupart des boomers blancs sont plus ou moins des ordures, il est difficile d’adresser une critique sérieuse à la nouvelle série de Deborah Cahn, tant on tombe rapidement sous le charme de The Diplomat. C’est que Deborah Cahn, un nom pas forcément très connu de la télévision US, a coproduit des classiques de poids comme Grey’s Anatomy, Homeland et… The West Wing (A la Maison Blanche) ! Et il est immédiatement évident que le vrai programme de Cahn, c’est de reprendre, à peine réactualisée, la grande « forme sorkinienne » : un programme ambitieux, puisqu’il s’agit, comme chez le maître Aaron Sorkin, de réduire la quasi-totalité de « l’action » à des dialogues débités à la mitraillette par des personnages aux QIs exponentiels, qui passent leur temps à courir dans des couloirs, à aller et venir à toute allure entre ambassades et ministères, entre USA et GB, tout en se manipulant et se mentant les uns aux autres en permanence.
Cette fête ininterrompue de l’intelligence ennuiera inévitablement ceux qui préfèrent les flingues brandis par des héros invincibles, mais fatiguera encore plus ceux qui ont horreur de trop réfléchir devant leur série : The Diplomat ne prémâche rien, et c’est à nous de faire marcher notre propre cerveau pour suivre les foudroyants raisonnements de personnages tentant de déjouer, à l’aide de leur seule intelligence et capacité de conviction, une conspiration au plus haut niveau de l’état.
S’il n’y avait que ça, The Diplomat serait déjà une réussite, mais il y aussi le génie du casting qui porte la série à l’incandescence : Keri Russell, déjà marquante dans The Americans, est formidable en femme de pouvoir pas très propre sur elle (une idée géniale en soi !), tandis que David Gyasi irradie d’un charme lumineux, et Ato Essandoh est un délicieux, et très drôle, conseiller politique particulièrement brillant en dépit de son jeune âge. Mais, et cela ne devrait surprendre personne, c’est une nouvelle fois le génial (et nous pesons nos mots) Rufus Sewell qui vole toutes les scènes où il apparaît, et ajoute un nouveau rôle de taille à sa filmographie, après celui de John Smith, le grand patron nazi de l’Amérique uchronique du Maître du Haut Château. Sewell exsude une classe vénéneuse, toujours parfaitement équilibrée par de troublants éclairs de sincérité, voire d’ingénuité enfantine : il est énorme, et constitue à lui seul l’une des grandes raisons de regarder The Diplomat.
Si en 8 épisodes de 50 minutes parfois épuisants de complexité (The Diplomat n’est pas une série que l’on peut réellement « bingewatcher »), cette première saison ne boucle pas totalement son histoire, le dernier épisode, magistral, offre quand même une solution possible à l’énigme que tentent de résoudre les Wyler, ce qui fait qu’on ne sortira pas trop frustrés du cliffhanger final. En attendant une seconde saison que l’on espère aussi réussie.
[Critique écrite en 2023]
https://www.benzinemag.net/2023/05/14/netflix-la-diplomate-la-disciple-daaron-sorkin/