La digne suite

La série animée Avatar : Le dernier maître de l'air avait été un énorme succès, et dire qu'elle a marqué notre génération serait un doux euphémisme. En même temps, devant la beauté de l'animation, l'harmonie de la musique, le scénario intelligent, les personnages attachants, comment rester indifférent ? Il était logique que, tôt ou tard, une suite se fasse. Et évidemment, en tant que grand fan de la première série, même si j'ai mis du temps, j'ai regardé cette deuxième.

Ici, la "magie" d'Avatar a été supplanté par un univers de fantasy urbaine : le monde a connu un bond technologique en l'espace de 70 ans et les personnages d'Avatar sont vieux. On nous livre donc de nouveaux personnages ayant plus ou moins de rapports avec les anciens. Mais les personnages principaux en sont totalement différents.

Nous suivons donc Korra, nouvelle Avatar et maîtresse de l'Eau de la tribu du pôle sud. Construite comme étant relativement différente d'Aang, on a là une héroïne fougueuse, rebelle, curieuse et impulsive qui sera destinée à subir beaucoup d'épreuves, mais j'y reviendrai après.

Contrastant avec la première série animée, tant dans la construction de ses episodes que dans le traitement de ses personnages, même si certains archétypes ressortent. Contrairement à Avatar, il y a un antagoniste principal par saison, ainsi vais-je donner mon avis saison par saison avant de donner mon point de vue général.

La saison 1, je ne vais pas m'attarder là-dessus car je la considère comme correct, sans plus. Et c'est un peu frustrant que la première saison soit la moins bonne, car elle est seule qui est censée nous présenter les personnages et nous familiariser avec eux. Or, aux premiers abords, Korra subit un entraînement qu'on a déjà vu mille fois auprès d'un maître qu'on a déjà vu mille fois, à savoir Tenzin, fils de Aang. Même si il faut avouer que le fait qu'elle ne maîtrise pas l'air dès le début va en continuité avec la série précédente, permettant d'établir un lien. Petit à petit, on nous présente les autres protagonistes : les frères Mako (que je nommerai le beau ténébreux) et Bolin (ou Soka-bis) ainsi que Asami, mécanicienne de talent que je trouver sous-exploitée tout le long de la série. Malheureusement, la première saison s'attarde selon moi beaucoup trop sur les relations amoureuses entre les personnages, et je trouve que ça ralentit le récit plus que ça ne le sert.

En parallèle, la saison 1 frappe fort en nous présentant le premier système politique extrémiste : le communisme, subtilement représenté par les Egalistes. Amon est un méchant badass, mais au final, il restera juste badass, et encore. Si l'idée est bonne, malheureusement, son histoire sera somme toute classique car on aura finalement affaire à l'homme "qui fait une généralisation à partir d'un gars." En l’occurrence,

En plus, une fois le masque retiré, il perd toute crédibilité. De plus, le combat final de la saison 1 manque cruellement de punch, tout en se finissant en une happy-end finalement bateau. Les autres méchants de la saison, particulièrement son frère, m'ont plus plu, mais il n'empêche que cette saison 1 m'a paru être en demi-teinte après Avatar qui ne m'avait (quasiment jamais) déçu.

Lorsque j'ai commencé la saison 2, je dois avouer que j'étais un peu sceptique. D'un côté, cela faisait du bien d'avoir un début de saison un peu plus intimiste, en nous présentant la famille de Korra (bon, l'oncle dès que je l'ai vu j'ai su qu'il serait l'antagoniste). De plus, la saison 2 porte sur le thème des esprits, ce qui fait qu'elle se rapproche davantage de la première série. Néanmoins, les episodes classiques s'enchaînaient et le scénario peinait à se construire. Puis est arrivé le double episode sur les origines de l'Avatar.

J'y reviendrai plus tard sur l'animation de la série, mais ce double episode est un grand cru en matière d'animation. Inspiré de l'animation traditionnelle japonaise, c'est audacieux pour une production du genre, et ça sert vraiment le récit qui s'inscrit comme une fable. Selon moi, la série prend vraiment son envol à partir de ce moment-là. J'ai toujours quelques regrets, comme le fait que pour moi, Unalaq est clairement sous-exploité en tant "qu'antagoniste à idéologie". Là où Amon répétait sans cesse ses motivations, Unalaq en a des bonnes au début avant de devenir un méchant somme toute classique.

D'ailleurs, la saison 2, de part son scénario, ressemble presque à une saison finale. La fin de la saison 2 est largement meilleure que la saison 1 avec un combat final digne de ce nom, volontairement manichéen. Ce n'est pas encore parfait mais c'est à ce moment-là que j'ai su que j'avais affaire à une bonne série.

Parce que la saison 2 a permis d'établir la troisième et la quatrième, qui sont mes préférées, et c'est là qu'on voit que le scénario est très bien écrit, puisque tout le reste de la série portera sur les conséquences des événements de la deuxième saison, avec notamment la présence importante du Monde des Esprits. En l'occurrence, la saison 3 est de loin pour moi la meilleure et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, je pense que Zaheer est peut-être l'un des meilleurs antagonistes des deux séries. Ca fait du bien de voir quelqu'un aux réelles bonnes intentions, et au lieu d'être agressif et assoiffé de pouvoir, il peut s'asseoir tranquillement et parler avec l'Avatar. Il est rusé, intelligent, et défend une idéologie tout à fait respectable. Après, même si son discours prône l'anarchisme "sauvage", ce n'est pas quelqu'un de mauvais. En revanche, les membres du Lotus Rouge, un peu sous-exploités, sont réellement méchants, mais bon, je suppose qu'il fallait contraster. A défaut d'être réellement développés, il faut avouer que leurs pouvoirs sont classes.

Et deuxièmement, l'avantage de la saison 3 est de nous faire explorer d'autres horizons. Zaofu est une ville disposant de bien plus de charmes que Republic City, et la relation entre Sue et Lin est excellemment construite, de tel sorte que ça m'a convaincu que cette série est tout autant construite par ses personnages secondaires. Enfin, le combat final est une merveille d'animation, ils ont tout donné et ça se voit. Franchement, j'ai adoré cette saison 3.

Pour conclure, la saison 4 est un peu en deçà et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, l'humour y est un peu trop présent. Peut-être que la saison 3 était trop dramatique, mais trop de légèretés peut nuire à une bataille finale épique. Aussi, si on était déjà rebuté par le bond technologique du début de la série, la présence des Mécas risque de plus faire penser à Code Geass qu'à Avatar.

Toutefois, selon moi, la saison 4 vaut toujours le coup d’œil, ne serait-ce que pour son antagoniste qui est ma deuxième préférée après Zaheer et qui représente ici une dictatrice militaire qui avait de bonnes intentions. Kuvira, bien que figurante dans la saison 3, était d'ailleurs la seule à être déjà apparue avant la saison où elle devient principale. Aussi, je pense que Korra connaît ici son meilleur traitement, même si cela en impute à d'autres personnages secondaires : Tenzin devient tertiaire et ne parlons pas de son frère et de sa sœur qui disparaissent quasiment de l'intrigue, supplantés par un prince Wu insupportable nonobstant ses bonnes idées vers la fin. Aussi, le combat final est sympathique, mais c'est malheureusement tout. Je n'étais pas trop fan de l'idée d'un Méca Géant comme boss de fin, mais malgré les horripilantes scènes d'humour, ils s'en sont bien sortis, même si

Et le duel final Korra vs Kuvira vaut tout de même le coup d’œil, quoique largement inférieur à celui de la saison 3.

Je passe maintenant à l'aperçu général. J'aimerais admettre que ces quatre saisons de 13 episodes forment un tout, mais c'est un peu délicat. Néanmoins, il y a des remarques générales que je peux faire.

En terme de qualités techniques, je n'ai rien à redire. Très bonne dans les deux première saisons, l'animation est sublime à partir de la saison 3, particulièrement dans son combat final virevolté. C'est coloré, beau, et ça ne se contente pas de l'être : c'est aussi très dynamique (la plupart du temps). Comme pour Avatar, les combats entre maîtres contribuent à la réussite de la série. Les décors sont magnifiques malgré un Republic City trop terne, les personnages ont d'excellents design, amplifiés par leurs expressions faciales variés, le Monde des Esprits est une réussite visuelle. Quant à la musique, rien à redire, c'est tout aussi immersif et harmonieux.

En ce qui concerne les personnages, c'est un peu plus discutable. Avec le recul, j'apprécie plutôt Korra. Elle est parfois insupportable avec ses airs rebelles caricaturaux, mais j'apprécie les protagonistes qui en prennent "plein la figure". C'est ce qui permet de les faire évoluer et de les définir.

Pour les autres protagonistes, Mako et Bolin sont sympathiques, mais pas forcément mémorables. Bolin connaît une bonne évolution, mais Mako demeure "le beau ténébreux" jusqu'à la fin. Quant à Asami, j'ai l'impression qu'hormis quelques passages de la saison 1 et de la saison 4, elle est restée fort en retrait, et c'est dommage, car je l'apprécie.

Les antagonistes ayant déjà été évoqués, il reste une flopée de personnages secondaires. Sue et Lin restent pour moi celles qui connaissent le meilleur traitement, notamment lors de la saison 3. Il en va de même pour Tenzin lors des saison 1 et 3, dommage qu'on ne l'ait pas beaucoup vu dans la dernière. Sa famille est sympathique, mais assez mal exploitée je trouve (et Meelo a vite fait de devenir insupportable). Revoir les anciens d'Avatar m'a bien plu : ils ont un beau rôle en tant que personnages mineurs, ils n'en font ni trop ni trop peu. Quant aux autres, on a le droit à beaucoup de comic-relief, notamment Varrick, génie excentrique, ou le prince Wu dans la saison 4 qui devient vite insupportable. La famille de Korra disparaît quasiment de l'intrigue après la saison 2, même si le père fait encore quelques furtives apparitions, notamment dans un final de saison 3 où il m'a paru inutile. L'écriture des personnages est assez inégale, mais ils forment tout de même un tout cohérent.

Enfin, pour le scénario, j'ai globalement une bonne impression, mais il a fallu du temps pour qu'il se mette en place. Finalement, l'idée qu'un antagoniste représente une idéologie politique extrémiste est très bien exploité à partir de la saison 3, à savoir pour les deux saisons où

Plus que d'être une série animée de divertissement, c'est un véritable questionnement politique et social. Et j'aime définitivement ce type de dessins animés qui peuvent être vus à plusieurs degrés de lecture, qui ont des antagonistes recherchés, qui ne sont pas pourris par des dizaines de stand-alones inutiles et qui sont, par-dessus tout, intelligents. Oui, c'est très différent d'Avatar, un peu inférieur et davantage inégale, il y a beaucoup de défauts, mais ça reste pour moi une très bonne série d'animation et je ne regrette pas de l'avoir vu. C'était un véritable plaisir de replonger dans cet univers, de vivre des moments forts intenses, riches en émotions, sourire devant la légèreté, profiter de l'animation.