Larry et son nombril
7.7
Larry et son nombril

Série HBO, Max (1999)

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Vous ne connaissez probablement pas Larry David, mais aux Etats-Unis, ce comédien sexagénaire est un dieu vivant. Co-créateur de la série Seinfeld, il a dirigé les 7 premières saisons et a plus que largement inspiré le personnage de George Costanza : toutes les invraisemblances qui lui sont arrivées sont tirées de la vie de Larry David, mais ce dernier, épuisé par le rythme de travail sur un grand network, est parti se dorer la pilule pendant quelques années avec tous les millions qu'il avait gagnés. En 1999, soit un an et demi après le final de Seinfeld, il signe pour HBO un "mocumentaire" intitulé Curb Your Enthusiasm où on le suit au quotidien dans sa quête de remonter un spectacle de stand-up. Suite au succès de ce "stand alone", Curb deviendra une série rapidement acclamée par la critique.

Alors que la plupart des comédies nous montrent des héros bien sous tous rapports, Larry est dépeint comme un bonhomme candide, cynique et névrosé qui exècre les conventions sociales. Il passe le plus clair de son temps à remarquer des détails absurdes du quotidien, et une fois qu'il les a en tête, il est incapable de s'en désintéresser. Imaginez-vous un enfant de 10 ans riche et capricieux, et vous aurez une image plutôt réaliste du personnage principal. Ce qui surprend tout de suite, c'est sa voix et sa façon de parler : on a l'impression d'entendre un alter ego de Jerry Seinfeld. Même sens du détail insignifiant, même sens de l'humour : Curb est clairement dans la continuité de Seinfeld, mais alors que cette dernière respectait les codes de la sitcom américaine, "Larry et son nombril" ressemble plus à un documentaire filmé avec une pauvre caméra DV, où le héros serait un Larry David légèrement désinhibé. Oubliez les rires enregistrés, oubliez les décors en carton-pâte : Curb est une série plus adulte, voire plus élitiste que Seinfeld.

Probablement traumatisé par ses 7 années à pondre des scénarios et des lignes de dialogues à un rythme effréné, Larry David a désormais choisi l'improvisation : les acteurs n'ont pas de textes, mais juste une trame globale de la scène qu'ils vont devoir enregistrer. Les conversations sonnent donc plus vrai, et elles sont moins formatées que ce qu'on peut voir d'habitude à la télé. Il y a parfois quelques longueurs, mais quand la sauce prend, le résultat est autrement plus gratifiant que si les acteurs s'étaient contentés de réciter leurs textes. Leon, qui apparait à partie de la saison 6, en est le meilleur exemple : ses discussions salaces avec Larry sont absolument réjouissantes, et le naturel de ces dialogues n'aurait JAMAIS pu être retranscrit de la même façon si les textes avaient été écrits à la virgule près. Autre gros bénéfice dû à l'improvisation : les rires. Pour la première fois à la télévision, on entend des comédiens rire naturellement, à commencer par Larry. Ce dernier n'est d'ailleurs pas un acteur à proprement parler, et on le voit souvent sourire pendant les prises, ce qui donne un petit côté amateur et spontané à la série.

On suit donc LD dans son quotidien de semi-retraité, avec sa ravissante femme Cheryl, son agent Jeff et ses amis aisés : certains d'entre eux ont été créés de toutes pièces pour les besoins de la série, mais la plupart sont de vrais amis de Larry qui incarnent leur propre rôle. Les guest stars sont également assez nombreuses, et vous apercevrez au gré des saisons Shaquille o'Neal, Alanis Morissette, Martin Scorsese, David Schwimmer ou encore Ben Stiller.

Dans sa vie de tous les jours, Larry se rend dans un bureau pour se donner bonne conscience et faire croire à sa femme qu'il est occupé, mais il n'y fait pas grand-chose, si ce n'est discuter de tout et de rien avec son ami Richard Lewis. Il passe en fait le plus clair de se temps libre à jouer au golf et à se rendre dans des restaurants chics. Là où ça devient drôle, c'est que dans chaque épisode, Larry s'intéresse à un détail absurde et en fait tout un fromage. Il n'a aucun scrupule à dire aux gens ce qu'il pense vraiment, il sort facilement de ses gonds, et il passe une bonne partie des épisodes à entrer en conflit avec de parfaits inconnus sur des sujets complètement futiles. En définitive, quoi qu'il fasse et quelle que soit la nature de ses intentions, il se met toujours dans des situations impossibles et finit irrémédiablement par se faire ridiculiser en fin d'épisode. Larry David est probablement un peu maso sur les bords, et il a d'ailleurs déjà avoué en interview que les scènes qu'il préférait tourner étaient celles où il se faisait hurler dessus par les autres personnages...

Les épisodes sont à ce propos brillamment construits : il y a souvent plusieurs histoires qui se déroulent en parallèle, et elles finissent inlassablement par se rejoindre, au détriment du pauvre Larry. Dans la plupart des saisons, il y a également un arc narratif qui s'étale sur les 10 épisodes : Larry investit dans un restaurant, répète pour une comédie musicale, ou accueille une famille dont la maison a été détruite par l'ouragan Katrina. Mais son plus grand coup, c'est lors de la saison 7 qu'il l'a réalisé : LD avait toujours juré qu'il n'y aurait jamais de réunion de Seinfeld sur NBC, et il a eu l'intelligence d'organiser ces retrouvailles dans son propre show télévisé sur HBO. On assiste ainsi aux préparatifs de ce comeback de l'autre côté de la caméra : meetings avec les 4 acteurs, sessions d'écriture en binôme avec Jerry, répétitions, tournage, tout y passe !

Au final, je ne peux que vous conseiller de regarder cette comédie. Très atypique dans sa forme, elle risque de vous surprendre lors des premiers épisodes, et pas forcément en bien. Vous trouverez probablement que c'est mal filmé, qu'il y a trop de bavardages inutiles, et que le quotidien de Larry n'est pas passionnant. Mais si vous vous accrochez et que vous vous habituez à ce nouveau type de sitcom, la récompense n'en sera que plus grande : Curb Your Enthusiasm nous permet de retrouver tout l'imaginaire farfelu et le génie comique de Larry David dans une comédie qui ne prend pas ses téléspectateurs pour des idiots.
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le 6 janv. 2011

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chtimixeur

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