(Saison 1)
J’ai adoré lire la trilogie du problème à trois corps, surtout les deuxième et troisième tomes. J’ai aussi beaucoup aimé l’adaptation en série produite par le groupe chinois Tencent, très respectueuse de l’oeuvre originelle. J’étais donc curieux de voir si cette nouvelle adaptation, signée Netflix et annoncée comme une des grosses productions de l’année allait aussi me plaire.
Je dois dire que le premier extrait de deux minutes qui avait été publié plusieurs mois avant la sortie m’avait plutôt inquiété. On y voyait Jack, le personnage joué par John Bradley-West jurer à coup de « fuck / fucking / holy shit » au moins 5 fois en moins de deux minutes. Comme le notait un commentaire : « There is more swearing in this two-minute clip than in the entire book trilogy ». Effectivement.
Mais force est de constater que l’extrait n’est finalement pas très représentatif de la saison 1 dans son ensemble et que j’ai passé globalement un bon moment devant les 8 premiers épisodes, en prenant cette série pour ce qu'elle est : avant tout un divertissement. Je me suis cependant demandé si mon regard n’était pas biaisé par le fait de déjà connaître l’histoire. Je me suis notamment plusieurs fois dit « c’est quand même TRES rapide. »
Un premier point qui intéressera principalement ceux qui ont lu les livres : à l’issue des 8 premiers épisodes, il est clair qu’il s’agit d’adapter l’ensemble de la trilogie et pas seulement le premier tome.
Seront par exemple évoqués les colmateurs du 2e tome dans le 8e épisode, et l’épisode 7 se concentrera plus spécifiquement sur le personnage de Will, qui fait quand même furieusement penser à Yun Tianming dont l’intrigue relève davantage du troisième tome. Le personnage joué par Liam Cunningham n’est autre que Thomas Wade, là aussi au coeur du troisième tome »...
Il est difficile de présenter l’intrigue générale du problème à trois corps sans trop en dévoiler, je me contenterais donc ici de dire qu’elle couvre des évènements de plusieurs époques, qui se font écho au fil des (premiers) épisodes. Pour ce qui est du premier tome, une partie de ces évènements se passent lors de la révolution culturelle chinoise, une autre à notre époque. Le point de départ de la série (comme des livres) s’appuie sur une vague de suicides chez la communauté scientifique, sans, à première vue, d’explication rationnelle, et sur l’existence d’un étrange jeu vidéo qui semble avoir un autre but que le seul amusement. A partir de là, en dire plus me semble de nature à dévoiler des éléments clé de l’intrigue.
Le principal intérêt du matériel originel sur lequel repose cette adaptation tenait dans la place que les sciences dures y occupaient . La « hard science fiction » est une branche de la science fiction qui s’appuie sur l’état des avancées scientifiques actuelles pour produire des récits s’évertuant à être plus ou moins crédibles. On retrouve dans ces livres de nombreux détails techniques, l’exposé de certaines théories, ou encore des mises en applications possibles de certaines hypothèses scientifiques. Et il fait peu de doute que la trilogie originelle rentre dans cette catégorie.
Si l’on retrouve globalement l’architecture générale de l’intrigue des livres dans la série, difficile d’y voir transparaître en 8 épisodes menés tambour battant le même souci du détail et du goût de la controverse scientifique. Cela à cause d’un rythme qui est extrêmement rapide. Les évènements s’enchainent et les explications, même s’il y en a, sont souvent rapides. Il en résulte un rythme qui est certes accrocheur et franchement divertissant, mais cela au détriment de la subtilité de l’intrigue.
Plus largement, ce rythme, conjugué à la multiplicité des personnages empêche de vraiment s’attacher à ces derniers (au moins sur la seule première saison - peut-être que ça sera différent par la suite). Le déracinement d’une partie de l’histoire en Occident, là où les livres se concentraient sur la Chine, n’aide pas forcément non plus, enlevant un peu d’identité à l’ensemble, sans que cela n’empêche réellement d’apprécier la série. Sur ce point, ce choix de production questionne quand même : était-il vraiment nécessaire de déraciner ainsi l'action et d'occidentaliser (et féminiser) certains personnages ? Je ne pense pas. Cela n'apporte franchement pas grand chose (voire rien). Est-ce rhédibitoire ? Je ne pense pas non plus.
Malgré tout, la série reste très bien réalisée. Certains passages marquent par leur esthétisme. Un univers mêlant notamment physique quantique, jeu vidéo et astrophysique a de quoi laisser un large champ de créativité visuel pour les réalisateurs et je suis particulièrement curieux de voir la suite (si la série se poursuit), et comment vont être représentées certaines scènes qui s’annoncent d’ores-et-déjà épiques. Je pourrais regarder à nouveau cette première saison avec plaisir, tout en sachant que mon avis est assez biaisé. Il y a a des défauts, mais aussi beaucoup de choses très appréciables dans cette série, notamment si l'on ne cherche pas nécessairement à y retrouver à l'identique tous les éléments présents dans les livres.
Pour finir : que vaut cette adaptation par rapport à la série chinoise ? C’est évidemment un budget différent, mais j’avais vraiment apprécié le rythme que prenait la série produite par Tencent, qui arrivait à un résultat très fidèle au matériel originel et dont les effets spéciaux étaient corrects. Le personnage de Da Shi était aussi beaucoup plus fidèle et attachant que celui de la série Netflix, qui est très effacé. En revanche, la série chinoise, à l’inverse de celle de Netflix avait un rythme très lent, avec beaucoup de dialogues, de réunions entre scientifiques ou nations. Si les deux propositions sont différentes, elles ont chacune leurs qualités et leurs défauts et se complémentent plutôt bien, même si j'ai tendance à préférer celle chinoise pour sa cohérence globale qui rend, à mon sens, davantage justice au travail de Liu Cixin.