Le Serpent, c'est d'abord un matériau brut qu'on est ébahi de découvrir. L'histoire, affreuse et improbable, d'un routard de l'arnaque ayant poussé le vice jusqu'à devenir, ni plus ni moins qu'un tueur en série. C'est l'histoire originale, vraiment passionnante, qui tirera la série vers le haut tout du long, bien aidée par sa contextualisation dans une Asie touristique des 70s, ambiance backpackers première génération, pattes d'eph' et patchouli, plutôt bien restituée.
Pour raconter cette histoire, cette production BBC récupérée par Netflix use et abuse d'une narration à la temporalité compliquée et dont les aller-retours peuvent être fatigants. Ce choix sensé faire monter en intensité le récit aboutit en fait à un suspens très artificiel voir même agaçant tant les cliffhangers sont inutiles. L'enquête qui mettra un terme à l'immunité de Sobhraj par une bande de "gentils" diplomates et voisins est le fil rouge de ce méli-mélo scénaristique. Problème, sans doute pour meubler et surtout inventer de la tension, les actions et réactions de ces derniers sont difficilement crédibles, justifiables et compréhensibles.
Cette mise en tension est également flinguée par une direction d'acteurs vraiment aux fraises avec des flagrants problèmes d'accents, de dialogues en version originale quasi incompréhensible et qui sonne surtout très faux. En soit, on a rien contre les actrices et acteurs anglais.es qui jouent des personnages néerlandais ou québécois mais la précipitation leur faire dire des dialogues complètement hors ton et hors rythme pour qui comprend la langue utilisée. On a même pas envie de blâmer les acteurs et Tahar Rahim en criminel pervers et manipulateur s'en sort plutôt correctement. C'est le manque d'application et de précision, notamment dans cet usage des langues non-anglophones, qui fait que même Mathilde Warnier en français par exemple est souvent complètement en décalage avec ses partenaires. Tout cela n'est pas aidé par une écriture des personnages franchement unidimensionnelle qui ne leur donne pas d'arc ni d'attache avec le spectateur sur 8 épisodes qui peuvent paraître bien longs.
Alors, tout n'est pas à jeter, il y a quelques moments qui marchent bien et touchent comme l'épisode centré sur l'évasion (ou la tentative ?) de Dominique ou encore celui qui revient sur l'origin story de Sobrajh à Bombay et tente d'expliquer le personnage. Mais vraisemblablement, on sait que ce n'est pas l’œuvre que l'on retiendra mais plutôt les faits rapportés. Guère mieux.