J'aime beaucoup les sagas audios, à force d'en écouter on dégage des points communs, et on se rend vite compte que malgré son antériorité, les 2 minutes du peuple reste unique.
Il s'agit d'un mono, c'est à dire que les épisodes sont, sauf exception (la maison Slanghsters ou les aventures de Jacques Cartier par exemple), indépendants.
Une autre caractéristique est que le format est très court, ainsi, le rythme, lorsqu'il est bien géré sert l'humour autant que les gags en eux-même.
Et bien entendu, c'est une oeuvre humoristique.
Les 2 minutes du peuple se constitue de plus de 600 épisodes, parmi eux quelques chansons et quelques "faux" épisodes qui sont plutôt des exercices de montage, on retrouve également certains groupes d'épisodes partageant le même univers sans forcément se suivre : Star Trek du peuple, X-Files du peuple, le tribunal du peuple, radio associative, Urgences du peuple, Columbo du peuple...Vous remarquerez plusieurs "parodies", en réalité seul Columbo et X-Files reprennent les codes des séries, les autres ne se servent que de l'univers comme prétexte aux gags.
Mais que dire de cette oeuvre qu'on pourrait qualifier d'intemporelle ? Dire qu'il s'agit d'une bonne saga serait énoncer une évidence, dire que c'est drôle serait déjà vu et trop subjectif...Une critique pertinente se doit de se poser les bonnes questions : sa seule qualité ne réside-t-elle que dans le rire qu'elle provoque ? Pouvons nous déconstruire l'humour sans le dénaturer ?
Tout d'abord, faire rire repose sur de multiples mécanismes que nous pouvons hiérarchiser, selon moi, tout les types d'humour ne se valent pas, ce n'est jamais "juste drôle". Faire rire n'est pas toujours simple, faire rire correctement l'est encore moins, une fiction centrée sur l'humour ne trahis pas un manque d'ambition et n'a rien d'honteux. Comme l'a dit Victor Hugo : Faire rire c'est faire oublier et quel bienfaiteur sur Terre qu'un distributeur d'oubli. Les 2 minutes du peuple c'est beaucoup d'humour, mais de l'humour qui fonctionne grâce à son rythme, à sa structure, ce qui nous mène à notre seconde question.
Non. Décortiquer un mécanisme humoristique ce n'est pas expliquer une blague, déconstruire n'est pas détruire, en somme, il ne s'agit pas de dire pourquoi c'est drôle mais comment c'est drôle.
François Pérusse est, comme tout le monde le sait, l'icone francophone du calembourg, on ne reviendra pas sur ce point. Ce que tout le monde ne sait pas en revanche, c'est qu'il manie avec adresse l'art de jouer sur nos attentes, qu'il sait comment, en quelques épisodes nous familiariser au fait qu'un mot répété fera l'objet d'un jeu de mot, mais on ne sait jamais lequel. Une autre caractéristique de cet humour Pérussien est qu'en 600 épisodes il ne se répète pas (certains jeux de mots comme celui des sourcils froncés sont présents 2 fois) et qu'avec un rendement si élevé, on ne tombe jamais dans le "c'est marrant parce que c'est sale" et il sait même rire sur le fait que ce n'est pas drôle (la mouche-avion, le fameux passage du "cours vers mon poing" ou encore le tas de branches dans le sèche-linge)
On remarque très rapidement que l'auteur peut faire de l'humour avec n'importe quoi : un corps humain, un jeu de société, une poésie, un enterrement, un voyage, un condamné à mort...Mais il aime aussi l'humour mesquin qui s'acharne sur des personnalités populaires
Passons pour moi au plus important. Un format particulier doit savoir se justifier, de même que la stop motion doit utiliser la profondeur, une saga audio doit utiliser le son. Un bon usage du son dans une saga audio c'est illustrer une personnalité avec une voix, c'est savoir rendre chaque bruitage indispensable et c'est surtout montrer que cette oeuvre qu'on écoute ne pourrait pas être visuelle. On ne doit jamais pensé que le choix du format est du à un manque de budget ou à une paresse des auteurs. Cette idée peut s'illustrer par un narrateur en contact avec les personnages, dans le Donjon de Naheulbeuk ou Reflets d'Acide par exemple, c'est également mettre l'emphase sur un décor impressionnant, ce qui diminuerait son impact si on le voyait (La Ligne pour ne citer qu'un exemple) en ce sens, la description est à proscrire. Dans les 2 minutes du peuple, il s'agit de gags qui ne pourraient simplement pas être décrits ou représentés visuellement avec par exemple des mots qui changent de sens et deviennent autre chose, des éléments qu'on ne cite qu'après plusieurs minutes, et qui n'auraient pas eu d'impact si on les avait vu avant d'en parler. Cela se rapproche des "gags impossibles" de Buster Keaton, ces gags qui ne peuvent se produire dans notre réalité et que nous ne pouvons par conséquent pas voir venir. Enfin, comme on a tous un lot de répliques qui nous a marqués dans les 2mn du peuple, je me dois d'en citer au moins une pour illustrer ce dernier point (à lire rapidement) : "Mais qu'est-ce que tu fabriques avec ce revolver, ce couteau, cette corde, cette bouteille de poison, cette baignoire remplie d'eau et ce sommet d'une falaise ?"
En espérant que cette lecture vous aura donné envie de vous y remettre :)