Ah, Les Enquêtes de Morse, ou comment prendre une tasse de thé bien britannique, y ajouter une bonne dose de mystère, et saupoudrer le tout d'une ambiance des années 60, comme si Hercule Poirot avait échangé ses moustaches pour une cravate fine et des disques de jazz. Dans cette série, pas de courses-poursuites effrénées ou d'explosions à la Michael Bay — non, ici, on résout les crimes avec classe, lenteur calculée, et beaucoup de regards songeurs à travers des vitres embuées.
Endeavour Morse, avant d’être le flic bourru et cynique qu’on connaît dans la série originale Inspecteur Morse, est ici un jeune enquêteur tout frais (enfin, presque) mais déjà bien désabusé. Il a ce petit côté solitaire, mélancolique et obsédé par les détails qu’on adore chez les grands détectives. Sauf que lui, il fait tout ça avec un amour profond pour la musique classique et le jazz, et une capacité à résoudre les mystères tout en étant perpétuellement habillé comme s’il sortait d’un roman de Raymond Chandler.
L’Oxford des années 60 est l’un des personnages principaux de la série : une ville majestueuse où les énigmes flottent entre les murs des collèges austères, des pubs enfumés, et des manoirs anglais aussi pleins de secrets que les bibliothèques locales. Et au milieu de tout ça, Morse, avec son trench-coat, son air un peu perdu mais toujours alerte, et ses relations compliquées avec ses supérieurs. Mention spéciale à l’inspecteur Thursday, le mentor bourru mais bienveillant de Morse, qui ressemble à un bulldog avec un chapeau mou et un cigare en main.
Le rythme de Les Enquêtes de Morse est à l’image de son héros : réfléchi, introspectif, et souvent plus préoccupé par le pourquoi du crime que par le simple qui. Les intrigues sont à tiroirs, complexes et pleines de sous-textes, où chaque personnage cache quelque chose (un peu comme une partie de Cluedo géante). Ce n'est pas le genre de série où le méchant finit toujours par se trahir bêtement avec une phrase cliché. Non, ici, c'est Morse qui fait tout le boulot mental, en tirant sur ce fil invisible que personne d’autre ne voit. Et il le fait en écoutant du Wagner ou du Miles Davis, parce que, oui, pourquoi pas ?
Les enquêtes sont souvent des casse-têtes, des puzzles qui demandent une attention aux détails quasi-maniaque. Morse, avec ses petites lunettes et son regard pénétrant, décortique les indices comme un horloger démonte un mécanisme compliqué. Mais ce qui est aussi génial dans cette série, c’est que derrière chaque crime se cache une réflexion sur la société, sur l’Angleterre d’après-guerre, ses changements, ses tensions, ses hypocrisies. Les crimes deviennent presque des prétextes pour explorer une époque en mutation, et Morse, bien qu'un peu déconnecté du monde, en est le témoin attentif.
Visuellement, Les Enquêtes de Morse est un véritable festin pour les amateurs d’esthétique rétro. Chaque épisode est filmé avec un soin presque obsessionnel du détail : les voitures, les vêtements, les intérieurs, tout est une ode aux années 60, mais sans le côté kitsch. C’est Oxford, mais avec une ambiance légèrement noire, où chaque recoin semble abriter un mystère ou une tragédie non résolue.
Ce n’est pas une série où l’action prime. Les fusillades et les poursuites en voiture ? Très peu pour Morse. Ici, tout se passe dans les têtes, dans les dialogues finement ciselés, dans les silences lourds de sens. Et pourtant, la tension est bien présente, latente, prête à éclater à tout moment, comme un solo de trompette dans une balade de jazz.
En bref, Les Enquêtes de Morse, c’est un polar cérébral et élégant, qui prend son temps pour construire ses intrigues, mais qui récompense largement ceux qui s’y plongent. C’est une sorte de mariage entre Agatha Christie et un vinyle de jazz poussiéreux, où le crime est un art, et la solution, une symphonie en plusieurs mouvements.