Travelers (2016)
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le 16 mars 2023
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Ce qui séduit, dans Travelers, ce n'est ni sa trame de SF grand-guignol usée jusqu'à la corde (les 4400, le retour), ni l'opportunisme assumé avec lequel elle surfe sur la grande mode télévisuelle du moment (Sense 8, le retour), ni son casting de catalogue La Redoute Printemps-Eté 1996 (caricatures, le retour), ni le nom de Brad Wright au générique (Stargate, le retour), mais l'étrange malaise que la série distille dès ses premières minutes et qu'elle ne cherche jamais à apaiser, à éviter ou à justifier.
Malaise fascinant, pour peu qu'on soit sensible aux destins croisés de ces personnages à la fois monstrueux (par nécessité) et pathétiques (par accident). Jamais on ne s'y attache, jamais on ne s'identifie et pourtant ils finissent par faire leur place, lentement, sûrement, dans leur 21ème siècle de carte postale comme dans l'esprit de leur public, faute de pouvoir toucher leur cœur... si bien qu'ils en deviennent touchants, jusqu'à faire oublier leur charisme de profils Facebook et leurs jeux d'acteur lacunaires, alors qu'on se surprend non à les idéaliser, non à les aimer, non à les haïr mais à les prendre en pitié, tous autant qu'ils sont, chacun à leur manière.
Difficile de dire si le propos est amoral, immoral ou d'une innocence telle qu'elle confine à la perversité. Toujours est-il qu'une fois la couleuvre avalée (et dieu sait qu'il faut s'y reprendre à trois fois pour déglutir), on suit les mésaventures futuristes de ces drôles de cobayes, avec le même intérêt qu'on observerait des rats de laboratoire, prisonniers d'un grand labyrinthe de plexiglas, tentant laborieusement de se rejoindre sans savoir si leurs chemins sont connectés ou s'ils sont condamnés à tourner en rond jusqu'à épuisement. D'où, sans doute, ces seuls matricules pour les identifier. En cela, ils apparaissent davantage comme un sujet d'étude involontaire que comme les vecteurs narratifs d'un divertissement tout public, plan en coupe symbolique d'une psyché collective en souffrance, à travers laquelle on s'efforcera de définir "l'humanité" en réfléchissant aux limites de leur propre inhumanité. Philip K. Dick style.
C'est finalement cette ambiguïté constante, souvent douloureuse, qui sauve cette drôle de série pop-corn d'un naufrage à la Intruders. Si les intrigues n'ont rien de révolutionnaire en soi, elles s’efforcent d'éviter l'écueil de la facilité et s'échinent à exploiter au mieux ce postulat bancal, daté, mais terrifiant... et contre toutes attentes, elles y parviennent brillamment, avec une finesse et une habileté qu'on n'attendait pas de la part d'une production aussi générique.
Psychologiquement éprouvante, l'écriture n'épargne à nos coquilles creuses aucun dilemme, aucun écartèlement, ménageant même quelques remarquables montées en puissances, telles qu'on n'en avait plus vu depuis la dernière partie de Tru Calling ou certains épisodes de Being Human en version U.K.
Sans doute est-ce là sa force autant que sa faiblesse, d'ailleurs. Car finalement (et est-ce bien une surprise ?), Travelers est à l'image de ses protagonistes : une série Britannique dans l'âme, téléchargée de force dans le corps lisse d'une série US, et qui se débat, s'hésite, s'interroge sur sa propre identité au cours de ces 12 épisodes, sans jamais trop savoir dans quel sens elle doit pencher ni à quel reflet elle doit se fier - déchirée, elle aussi, par une identité duelle, se cherchant avec la maladresse commune à l'ensemble de ses protagonistes, sans parvenir non plus à se trouver vraiment. Trop générique dans son approche pour susciter un engouement durable (on se moque éperdument de sa trame en fil rouge),et pourtant, riche d'aspérités aussi audacieuses qu'inédites.
A tel point qu'on pourra y voir, au choix, une réussite en demi-teinte ou un échec glorieux.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Une bonne série, c'est bien. Mais une série bizarre, c'est mieux. et Les meilleures pépites méconnues du petit écran
Créée
le 24 juin 2017
Critique lue 1.8K fois
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