Dans la même veine que Big Little Lies, cette mini-série de huit épisodes se déroule dans un pavillon américain aux apparences parfaites, représentée de front par la ravageuse Reese Witherspoon. Mère de quatre adolescents sans histoire, reporter dans le journal local et femme épanouie, elle entretient sa maison à l'image de sa vie active et réussie. Un personnage à la Bree Van de Kamp en somme, mais en beaucoup moins excusable. Mais cet idéal se voit soudain contrarié par l'arrivée de son strict opposé, une artiste afro-américaine, célibataire et hors-normes, vivant dans sa voiture avec sa fille unique. En bonne samaritaine qu'elle est, elle propose de la loger dans leur appartement secondaire... Mais les choses vont rapidement tourner au vinaigre. Ah oui, et l'histoire se passe dans les années 90. L'air de rien, ce détail est tout sauf anodin.
Après une scène d'ouverture tout feu tout flamme, la série démarre en douceur, exposant ses protagonistes dans une apparente banalité. Little Fires Everywhere apparait alors comme une série classique, n'exposant rien de nouveau et dont on ne saisit pas vraiment le fond. En plus, on a vu récemment Reese Witherspoon dans un rôle très similaire dans Big Little Lies, d'où une sensation de redondance. En fait, le premier épisode, très sage, ne donne pas l'eau à la bouche.
Mais il faut considérer le premier épisode comme la façade parfaite de la maison de l'héroïne. La crasse, enfouie et inavouée, ne rentre en scène que par petites touches. Et c'est de ça dont la série retourne ; une réflexion acide autour du politiquement correct et du racisme ordinaire d'une suprématie blanche inconsciente. C'est violent, insidieux, une sorte de cataclysme progressif et irrécupérable qui va secouer tout un microcosme de valeurs et de certitudes bien ancrées. S'ajoute à cela une affaire qui va ébranler toute la communauté, axée sur la maternité, les relations mère-fille et la légitimité d'être mère.
Cette série, c'est aussi une lutte des classes. Reese Witherspoon, tout en nuances et complexité, interprète avec justesse la bourgeoisie à la bonne conscience, soucieuse des apparences et des qu'en dira-t-on. De l'autre côté, on découvre Mia, Kerry Washington dont le jeu est bourré de mimiques, une artiste habituée aux galères et aux imprévus, imposant à sa fille son mode de vie sans pied à terre. Avec elle, les convenances et les mondanités sont inutiles. Et c'est ce fossé qui les sépare qui créé toute la densité des relations mais qui définit également toute la toile de fond politique, sociale, intrinsèque de la série. En effet, cette différenciation se répercute aussi chez leurs enfants qui traversent chacun leur crise d'identité. Les jeunes acteurs sont très bons et contribuent à la philosophie tabou de la série, qui, sous ses airs de drama, se veut bien plus réfléchit qu'on ne le croit. En effet, derrière une bonne volonté et une soi-disante ouverture d'esprit se cache une totale incompréhension de l'autre dans ses différences. Un schéma nuisible qui se reproduit de mère en fille, montrant ainsi que le racisme, sans savoir que ça en est, est un héritage de notre éducation.
J'ai aussi apprécié ces thématiques omniprésentes de la filiation et de la maternité qui font figure de ciment entre ces personnages féminins. L'amour d'une mère prend plusieurs formes, saupoudré de secrets et révélations. Le plus grand des dilemmes de la série, selon moi, se passe entre une mère adoptive et une mère de sang incapable de s'en occuper. Qui est la plus légitime d'être mère ? Faut-il penser au bien matériel de l'enfant avant tout ?
Bref, vous l'aurez saisi, cette mini-série suscite quelques réflexions intéressantes. Bien qu'un peu longue par moment, Little Fires Everywhere offre un dernier épisode qui vaut son pesant d'or ! Les face-à-face y sont brûlants et le dénouement est inattendu. Une bonne série à binge-watcher !