Lost : Les Disparus par Blèh
Difficile d'être objectif tant la série qui se déroule entre l'Australia et la South America déchaîne les tirades enflammées des "losties" fous qui hurlent leur bonheur devant la série "de la décennie" (sic). Face à un tel chahut, peut-on rester stoïques tel le videur de boîte, ou doit-on intervenir de toute urgence comme le surveillant de collège en pleine permanence avec des prépubères à la voix stridente ?
C'est la première option que j'ai commencé par choisir, avant de céder au regard d'un épisode, par curiosité. Déçu par mon manque d'enthousiasme (c'est le moins que l'on puisse dire), j'ai donc subit les commentaires inquiets de quelques personnes de mon entourage, et finalement poussé par une disette télévisuelle, c'est d'un regard frais et neuf que j'ai décidé contre toute attente, de regarder la série en intégralité.
Mon premier choc a été la surprise d'une saison un particulièrement entraînante, construite, et qui laisse miroiter une profondeur mystérieuse unique. Des personnages absolument excellentissimes (Locke), quoique d'autres particulièrement insipides voire irritants de vacuité ou de redondance (Claire). La série choque par son manque de constance, tour à tour fantastique, sentimentale, réaliste, ou dans l'allégorie, le mystique. Plus tard viendra même la science-fiction.
Mais voilà, à partir des saisons suivantes, c'est la dégringolade. Des situations de plus en plus absurdes, une identité qui peine à se trouver au point qu'elle est encore source de disputes après le final ultime de la saison six. On veut un fil directeur qui tient la route, des moments palpitants, et même la mort de personnages qui confinent au ridicule (Michael "they took my son" Dawson), ou à l'inutile (les Coréens).
On lance des pistes à tout va (les nombres, en fait ce n'était qu'un rêve, la dharma, le magnétisme (!)), mais aucune n'est vraiment choisie avec certitude, on erre, on se balade, mais il faut bien le dire, on tourne en rond et on s'ennuie. La sauce de la première saison ne prend plus, on s'enlise. Le symbolisme lourdingue n'aide pas (appeler plusieurs personnages par des noms de philosophes empiristes - Locke et Hume -, sérieusement, on peut trouver plus subtil comme message).
Le plus gros défaut de Lost n'est pas tant son écriture improvisée qui réussira à beaucoup d'autres séries (Battlestar Galactica, Six Feet Under), mais plutôt ses hésitations de genre. Est-ce une série à suspens (qui, pourquoi, qu'est-ce que c'est que ce bidule) ? Une série fantastique (l'île magique au coeur qui brille) ? Une série sur les gens, les sentiments (Je t'aime, je suis perdu, je sais pas, qui suis-je) ? De la science fiction (voyage dans le temps, électro-magnétisme) ? Impossible à dire encore aujourd'hui. Bien que les éléments dominants soient le fantastique et le sentimental, on ne peut pas réduire la série à ces dimensions. Certains argueront qu'il s'agit là d'une richesse, j'y ai vu pour ma part une superficialité à peine dissimulée.
En résumé : Après une saison un plutôt bonne, la série s'essouffle de façon catastrophique sur la longue durée. On s'étonne et on regrette qu'elle n'ait pas eu de date de fin annoncée dès le commencement, ce qui aurait probablement permis une écriture plus structurée et cohérente. Du gâchis, comme un soufflet raté même pas au fromage. Lost est probablement un titre bien choisi tant l'écriture est brouillonne et hésitante. Une parabole à propos des spectateurs ? On sort de là un peu agacé de s'être fait promettre le meilleur et de ressortir les mains vides après une balade de 6 ans. Je n'ose même pas imaginer pour ceux qui ont suivi la série au jour le jour. Dommage, Lost ne rentrera dans l'Histoire des séries que pour le quantitatif (spectateurs, saisons, personnages, bénéfices) mais certainement pas pour le qualitatif (profondeur, structure, jeu d'acteur, procédés de narration, scenario). A déconseiller.