Louie
7.7
Louie

Série FX (2010)

Avant de commencer, une petite précision : mon avis est entièrement basé sur la première saison.

Louis C.K. est un échec.
Un échec tout d’abord à l’échelle sociale. Petit, gros, laid et en mauvaise santé, il est l’opposé radical de ce que nous posons comme un homme optimal. Il rate sous une optique macrosociale avec un boulot qui n’en est pas vraiment un (”Comedian… it’s a job. –No it isn’t. –I guess not”) et une position tout en bas, ou presque, de ce que nous pourrions appeler « la chaine alimentaire de la société », vu qu’il se fait malmener par plus ou moins tout le monde, du simple chauffeur de bus au punk de 20 ans, en passant par son docteur. Il rate également sous une optique microsociale, ayant du mal à établir des relations et se rapprochant beaucoup du Socially Awkard Penguin (http://knowyourmeme.com/photos/3740-socially-awkward-penguin , pour prendre un exemple).

Mais Louis C.K. est aussi un échec à l’échelle personnelle, comme il n’hésitera pas à nous le rappeler à chaque instant de chaque épisode. C’est un peu son caractère comique spécifique : le gros loser marrant. En effet, à chaque défi qu’il se pose, Louis C.K. échoue. Dans le peu de choses de sa vie où il tente de réussir, il se déçoit lui-même, faisant quasiment tout le temps face à un échec cuisant. On retrouvera souvent sous cet aspect le sport et surtout les femmes (“If no one ever said « You should not have sex with animals », I would totally have sex with animals all the time.”) Le huitième épisode est même entièrement concentré sur cette thématique de l’échec personnel, sous-jacente dans toute la série. Ainsi, Louis se voit un peu comme un gros parasite, il n’aime pas du tout le présent qu’il vit (“I open my eyes, remember who I am, what I'm like, and I just go, 'Ugh'.”), ni son passé (”My life from 20 to 34 was all shit”)

Mais Louis C.K., ce gros loser, il a un don pour parler et pour nous transmettre un quotidien dans lequel on se reconnait tous un peu. La série alterne ainsi les monologues du comédien et des scènes de sa vie qui résonnent de sincérité et d’universalité. Parce que la vie ça peut être comme Louis, un peu nulle et décevante. On finit par le trouver sympathique assez facilement et on finit plus ou moins à contrecœur par s’identifier à ce petit gros roux. S’ensuit l’aspect de la série que j’ai préféré : l’impression de voir défiler dans la vie de Louis des personnages excentriques et atypiques, tous un peu fous, tous très étranges. On ne les comprend jamais très bien, qu’ils nous soient proches ou lointains (notre frère ou la vieille à poil qu’on croisera juste une fois dans notre vie) mais ils partagent tous le fait d’être profondément étranges et pourtant incroyablement normaux. Et finalement Louis, c’est un peu le centre de la raison. Lui on le comprend, le spectateur est Louis, on fait communion pour assister à ce défilé de freaks ordinaires, le même qui parade dans la vie de chacun. Cette galerie de personnages est constitué de gens qui ne sont simplement que des membres courants de n’importe quelle vie sociale, et pourtant ils sont un peu des monstres : on a l’impression qu’ils nous veulent du mal, ils sont parfois effrayants, souvent chiants ; on comprend mieux le rôle de paria social du pauvre Louis, qui a l’air d’en prendre un peu de partout.

Alors la question se pose : mais comment fait donc Louis C.K. pour vivre ? Lui qui est un profond échec, qui est la victime de tout son entourage social, qui ne se voit que comme une matière en décomposition (‘’Now I'm 42, I'm on the decline. There's never going to be another year in my life that was better than the year before’’), qu’est ce qui le fait continuer? Tout d’abord, on pourra dire que ce n’est certainement pas sa raison, qui est plutôt la cause de son malheur. Sa comédie fait usage de son énorme perspicacité et porte un regard très cynique sur toute une variété de sujets. Louis C.K. parle ainsi d’Amour, d’Histoire, de philosophie, de Dieu, de vie et surtout de mort, d’un peu tout et n’importe quoi en portant un regard intelligent et pessimiste. La seule phrase du thème du générique résonne plus que jamais « Louie louie, you’re gonna die ». C’est surement pour ça que l’humour n’a pas fait mouche sur moi, dans chacune de ses blagues se trouve l’écho d’une réalité peut être un peu trop sérieuse et déprimante. Je n’ai pas ri de tout mon visionnage, très rarement souri.

Finalement, en prenant en compte tous ces éléments, on comprend que Louie, la série, c’est plus que tout une errance. Un vagabondage dans la vie et dans le quotidien, où on est tous un peu perdus. Confrontés à la misère extérieure et à la misère en nous, on est désemparés, on ne sait plus ce qui nous retient, on perd nos repères. Finalement si on est Louis, on se pose aussi les questions qu’il se pose. Qu’est ce qui nous fait tenir un jour de plus ? Pour le protagoniste de la série, la réponse est donnée dans un magnifique dernier épisode, avec une scène finale qui m’a sincèrement ému. Lui qui est complètement perdu dans la nuit, se rend compte qu’il revient toujours à deux choses : son show de comédie et ses deux filles, voilà sa raison d’être. Et puis si un loser petit et gros comme Louis C.K. peut se trouver une volonté de vivre, peut-être qu’on peut tous se la trouver. Ou peut-être qu’en fait il n’est pas aussi loser que ça.

Je suis tout de même impressionné par à quel point la tragédie comique qu’est Louie m’a fait réfléchir. Dommage, si ça m’avait fait rire, ça aurait surement été un 9.
Vagabond
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le 2 sept. 2013

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