Lovecraft Country
5.8
Lovecraft Country

Série HBO (2020)

N’ayant pas lu le livre original de Matt Ruff, je ne savais pas trop à quoi m’attendre avec cette nouvelle série de HBO. Au bout du compte, si on ne peut pas vraiment parler de coup de cœur, elle réserve quand même plusieurs aspects intéressants qui font que j’ai passé un bon moment. Les premiers épisodes sont un peu déstabilisant, que ce soit pour le ton, la structure et la multitude de personnages présentés (on ne voit pas trop où tout ça va conduire, ce qui n’est pas plus mal non plus). Cependant, on finit par se laisser transporter dans cette saison qui se révèle riche en surprise.


Tout d’abord, ce que j’ai beaucoup aimé, c’est l’ambiance, l’atmosphère, et sa structure. Chaque épisode peut presque se montrer indépendant des autres tant il peut différer. On y retrouve du fantastique, de la fantasy, de la SF, de l’horreur. On a des intrigues d’aventure qui font beaucoup pensé à Jules Verne, on a des maisons hantées, on a du voyage dans le temps, on a des sectes mystiques, on a du multivers, on a plusieurs folklores… De même, si Atticus et Leti sont clairement les deux personnages centraux de la saison, chaque épisode se concentrera sur un personnage, un aspect, son histoire, pour nous le présenter et l’aborder plus en profondeur. D’où la déstabilisation au début pour les personnages qui nous sont vraiment introduits que plus tard.


Bref, chaque épisode, que ce soit par son ton, ses thématiques, son atmosphère, ses personnages, constitue une pièce d’un puzzle qu’on assemble petit à petit. Jusqu’à arriver au grand final, où tout s’emboîte parfaitement, où on comprend toutes les connexions, et où tout s’écoule de façon logique et fluide. Voire peut-être même trop, tant le final ne réservera que peu de surprise et semblera un peu automatique. C’est à la fois un point fort et un point faible, parce que c’est une structure narrative très intéressante qui entretien le mystère autour de son fil rouge jusqu’à ce qu’il soit révélé ; quitte à ce que ça ne soit pas aussi flamboyant qu’espéré. La force de la série est que, malgré la diversité de ton et d’ambiance, tout conserve une certaine cohérence, une certaine unité, ce qui fait qu’on a passé le cap des 2-3 épisodes d’introduction, on se laisse porter sans problème de l’un à l’autre.


Bien sûr, l’une des thématiques centrales de la série qui avait été annoncée est le racisme et, surtout, la ségrégation raciale dans une Amérique des années 50. Je ne suis sans doute pas le mieux placé pour en parler et juger le traitement, mais je l’ai trouvé plutôt intéressant. Que ce soit en revenant sur le traumatisme du massacre de Tulsa, ou bien par des détails plus ou moins flagrants ; cette saison est surtout une émancipation. Et là où elle frappe fort, c’est que celle-ci passe non seulement sur l’aspect racial, mais elle résonne dans la métaphore du rôle de la magie dans cette saison, ses règles et comment les personnages apprennent à les appréhender, les maîtriser, les utiliser pour, en fin de compte, les retourner contre leurs oppresseurs.


Le seul problème que j’ai trouvé, au final, c’est le personnage de Leti. Pour une raison qui m’échappe totalement, elle demeure le seul, et unique, personnage principal qui n’est pas attachant, dont l’arc narratif est le moins intéressant, dont le rôle en devient même irritant à la longue. Là où j’ai adoré les personnages de Ruby, d’Hippolyta et de Christina, dans le charisme qu’elles dégagent, leurs évolutions respectives, leurs convictions personnelles, ce qu’elles représentent en terme d’archétypes ; Leti me paraît tellement fade et superficielle. Là où j’ai trouvé la relation entre Atticus et Ji-Ah charnelle, touchante, belle, romantique, là où j’ai adoré la dynamique entre Atticus et son père Montrose qui nous fait passer par tout un tas d’émotions, de ressenti et d’arcs narratifs, ou même la relation entre Ruby et Christina, qui là aussi regorge de tellement de choses intéressantes ; la relation et la dynamique entre Atticus et Leti (pourtant le couple principal) m’a paru vide, forcée, superficielle, morne…


Ça se reflète d’ailleurs sur le casting, car si je n’ai rien à reprocher à l’ensemble des acteurs et des actrices, que j’ai sans doute eu un gros coup de cœur sur Wunmi Mosaku, Aunjanue Ellis et Michael K. Williams ; Jurnee Smollett-Bell m’a paru complètement à côté de ses pompes. Alors pour le coup, elle interprète bien le personnage, dans cette forme d’exagération permanante, mais d’un autre côté jamais elle ne parvient à rendre Leti attachante. Ce qui renforce encore plus cette impression autour du personnage, et ce qui semble d’autant plus étrange quand on compare au reste du casting et des personnages.


Enfin, la saison est d’une excellente qualité technique. La musique joue sur plusieurs niveaux pour coller au mieux à l’atmosphère et créer cette ampbiance si particulière d’un épisode à l’autre. La mise en scène sera superbe, avec un visuel assez fort : certaines scènes millimétrées, des plans très géométriques à l’impact fort, une géographie spatiale utilisée au maximum, le respect des différents codes des genres traités, une photographie qui joue très bien avec la lumière, parfois irréelle. Ajoutons à cela des décors somptueux et des effets spéciaux, à la fois numériques et plus traditionnels, impeccables. Une excellent travail sur tous les plans.


Bref, cette série m’intriguait depuis son annonce et je n’ai pas été déçu ! Ce n’est certes pas un coup de cœur (en grande partie à cause de Leti), mais elle contient énormément de points forts et de visuels très marquants. Elle est viscérale, instinctive, atmosphérique, et elle excelle dans ce qu’elle tente et propose. Je la recommande fortement !

Créée

le 14 mars 2021

Critique lue 85 fois

vive_le_ciné

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