Adaptée du roman éponyme, lequel est plein de bonnes idées mais écrit par quelqu'un ne sachant pas écrire, Lovecraft Country a un peu le même problème que son inspiration.
La série a pourtant beaucoup pour elle. Acteurs solides, effets spéciaux généralement convaincants grâce à un bon budget, concepts variés, accompagnement musical divers et bien placé, thèmes d'actualité, rythme correct... Elle ne parvient cependant pas tout à fait à me séduire.
Déjà, il est clair que le format série n'est pas bien géré par les auteurs, qui peinent à donner aux protagonistes une personnalité suffisamment fouillée par rapport à leur importance narrative. Après 10 épisodes, ils restent malgré tout assez plats, et leurs nuances ne sont pas assez bien abordées pour qu'elles ne paraissent pas des défauts rédhibitoires. Difficile en effet, dans une série centrée sur comment les blancs traitent les noirs comme des sous-humains et les utilisent, d'accepter un héros qui part massacrer des coréens pour soigner son mal de vivre.
Dans l'ensemble, une anthologie située dans le même univers, liée par des thèmes et quelques personnages récurrent, aurait beaucoup aidé la trame à être plus fluide. D'autant que faute de cosmologie unifiée cohérente, les épisodes changent très souvent d'ambiance selon l'aspect surnaturel du jour. Il n'y a pas vraiment de connections à l'oeuvre de Lovecraft (c'est juste une référence géographique, au surnaturel et à la célèbre xénophobie de l'écrivain), et les auteurs s'en donnent donc à coeur joie dans le nawak. On a, sans ordre précis : un culte de magiciens voulant atteindre le jardin d'Eden, des démons danseuses pourchassant leur proie sans jamais s'arrêter, une potion de polymorphie permettant à une femme de devenir un homme et à une femme noire de devenir un femme blanche, des indiens zombies hermaphrodites, un renard à neuf queues qui tue des hommes en couchant avec eux pour devenir humaine, des shoggoths, une maison hantée par un scientifique fou qui utilisait des bouts de corps afro-américains pour vivre éternellement, et avait aussi crée une machine permettant de voyager dans le multivers et le temps et de développer son personnage à l'aise. Et puis il y a Marion-Maréchal Lepen en antagoniste principale. Bref, tout un tas de trucs horribles, originaux et souvent très bien traités dans leur épisodes respectifs, mais qui, forcés dans un fil narratif bringuebalant, en sont un peu amoindris.
Dans ce bordel total surnagent néanmoins de très bons moments, qui à mon sens justifient amplement de donner sa chance à cette série. Les démons fillettes sont traitées avec un art de l'horreur évident, et l'épisode en Corée est une très bonne histoire isolée du reste.
La série se focalise largement sur l'oppression raciale aux Etats-Unis, avec tout les flics racistes, ségrégation effective, lynchages et humiliation quotidienne que ça implique. Ce n'est jamais très subtil, mais bon, On parle des USA des années 50, ça ne devait pas vraiment l'être non plus. L'écriture est assez directe et enflammée sur le sujet, et je dois dire que ça sonne vrai. C'est hélas un peu nuancé par le fait que les auteurs se prennent les pieds dans le tapis dans toutes sortes d'autres implications malheureuses, que ce soit sur les gays, les transsexuels ou les juifs. Une écriture mieux maitrisée aurait pu jouer sur ses aspects pour tisser une présentation plus complexe de la discrimination aux Etats-Unis, mais les auteurs n'en semblent tout bêtement pas capable. Dans le même ordre d'idée, les deux personnages les plus intéressants et nuancés n'ont finalement pas de développement conclusifs, comme si la série rechignait à plonger dans des questions plus troubles qui auraient pu donner des arcs plus cohérents, mais moins symboliques.
Reste cependant une série bien faite, du bon spectacle, de bonnes histoires isolées. Dommage qu'il n'y ait eu personne dans le studio pour prendre le Bhyakee par les pseudopodes et mener l'ensemble des personnages à travers une intrigue plus cohésive. A voir, donc, mais sans risque de devenir fou suite à la révélation.