J’ai toujours une certaine méfiance vis-à-vis des œuvres filmées ou jouées qui reprennent en les mettant « au goût du jour » d’autres œuvres plus anciennes également filmées ou jouées. C’est donc avec une certaine réticence que j’ai abordée la série Lupin : dans l’ombre d’Arsène. Autant le dire tout de suite, cette réticence n’était pas justifiée.
Autant dire aussi tout de suite que certains pourront sans doute voir dans cette série un compendium de bons sentiments parmi lesquels les thématiques raciales ne sont pas absentes. Certes, Omar Sy, y campe Assane Diop, un fils d’immigré africain, revanchard mais instruit, honnête dans sa malhonnêteté, fidèle en amitié et au grand cœur. Aborder ou critiquer cette série selon cet angle raciale serait néanmoins à mon sens une erreur. Il s’agit en effet avant tout d’un divertissement efficace, certainement pas toujours crédible, mais franchement, l’œuvre de Maurice Leblanc qui l’inspire l’est-elle davantage ? Par ailleurs cette série est construite avec des personnages à l’image de la société d’aujourd’hui. ... Si du temps de Leblanc, Lupin se rendait à Étretat en train à vapeur, Diop s’y rend en voiture Corail. Lupin écrivait sur du papier, Diop travaille sur écran d’ordinateur... Et bien entendu, Diop est noir comme presque 10% de la population française, et le flic astucieux qui le poursuit a des origines d’Afrique du Nord, là aussi comme 10% de la population française. Où est le problème ?
D’autant que la bonne idée centrale de cette série est de ne pas reprendre les romans de Maurice Leblanc pour en faire une énième adaptation, mais simplement de s’inspirer très librement de son œuvre, comme s’en inspire aussi son personnage central, Assane Diop. Sans divulgacher (« spoiler » en bon canadien du Québec) l’histoire, Assane cherche tout au long des épisodes à prouver que son père qui l’a élevé seul une fois arrivée en France, a été injustement accusé du vol d’un objet de grande valeur, délit qu’il n’aurait, semble-t-il, pas commis. Pour cela, Assane franchit la ligne rouge qui sépare l’homme honnête du voleur, avec l’efficacité - et par certains côtés l’élégance - de son célèbre inspirateur.
Le scénario de cette série est globalement simple. Pour rétablir la vérité, Assane Diop se retrouve confronté à une grosse huile, Hubert Pellegrini (Hervé Pierre) très soutenue en haut lieu, chez laquelle son père travaillait et à laquelle il aurait volé l’objet en question. Il s’agit donc de la lutte de David contre Goliath. Même si, pour le moment, Goliath gagne, on pressent que la revanche de David ne devrait pas trop tarder... A cela s’ajoute le rôle trouble joué par un policier de haut vol, le commissaire Gabriel Dumont (Vincent Garanger), également mêlé à l’inculpation du père d’Assane Diop, à la tête de la brigade chargée de s’occuper de la nouvelle affaire Diop. Dans cette brigade, seul l’inspecteur Guedira (Soufiane Guerrab), fan de Lupin, perçoit les ressemblances de ce dossier avec des éléments des romans de Maurice Leblanc, ce qui lui attire régulièrement les moqueries de ses camarades. On retrouve donc dans cette série les constituants élémentaires de nombreuses autres séries tels que la vengeance, la lutte du pot de terre contre le pot de fer, les policiers globalement dépassés, ou le policier isolé clairvoyant brimé par sa hiérarchie.
Malgré des éléments constitutifs finalement assez banals, la série est remarquablement servie par des acteurs de qualité. Outre Omar Sy, dont la « tchatche » et la décontraction, collent finalement assez bien au fait qu’il s’inspire du personnage de Leblanc, les rôles secondaires joués par Ludivine Sagnier (Claire, l’ex femme d’Assane) ou Nicole Garcia (Anne Pellegrini, femme d’Hubert), ou Mamadou Haidara (Assane Diop jeune) apportent de la densité à chacun des épisodes. De plus, la série ne manque pas de rythme, malgré des flash-backs sensés expliciter le « comment on en est arrivé là » qui tombent parfois comme des cheveux sur la soupe. Le public ne s’y est pas trompé. La série fait un malheur non seulement en France où elle a été encensée par plusieurs critiques dont certains connus pour être des clients difficiles, et aussi à l’étranger où elle est classé n°1 des séries sur Netflix USA début 2021...