Que pourrait-on craindre avant de voir cette série ? Qu'elle verse dans une nostalgie de bon ton, et qu'elle nous propose une vision consensuelle de l'Amérique des années 60. Or, c'est le brio de l'auteur, elle s'évite cet éceuil de manière magistrale, en nous proposant justement de vivre le "rêve américain" de l'intérieur, parmi ceux qui le construisent.
Le premier épisode de la série démarre par une explication de titre : Mad Men est un jeu de mots ("mad" veut dire "fou","dérangé" ) sur Ad Men ("publicitaires") pour désigner plus spécifiquement ceux travaillant sur Madison Avenue, poumon économique du New-York de l'époque. Le ton est donné.
Le personnage central, campé par Jon Hamm, est Donald Draper, père de famille apparemment respectable et comblé, directeur créatif au sein de Sterling & Cooper, ambitieuse compagnie publicitaire new-yorkaise. Doué d'un sens de l'humour certain, d'une imposante carrure, c'est un séducteur patenté. Autour de lui gravitent toute une galaxie de personnages secondaires savoureux et torturés. Des publicitaires alcooliques, fumeurs patentés. Des femmes au bord de la crise de nerf (coucou Almodovar). Des secrétaires méprisées, occasionnellement honorées par leurs patrons. Tous s'ennuient, sont étouffés par le corset d'acier des conventions.
Conventions racistes et misogynes. Ainsi, Roger Sterling s'offusque t'il que le groom de l'hôtel où il fornique sa secrétaire soit blanc, puisque c'est un métier de noirs ! De même, Peggy Olson doit faire face au mépris, quand ils ne l'ignorent pas purement et simplement, de ses collègues. Le sort des homosexuels est aussi évoqué. Le directeur artistique de la boîte, est par exemple contraint de "limiter son exposition", pour ne pas nuire à l'image du cabinet. Ou bien encore cette scène savoureuse, où un tout nouveau venu du département artistique, déclarant ouvertement son homosexualité, provoque une gêne mémorable dans l'assemblée.
La série prend parfois des airs de "série noire", tant les situations peuvent être étouffantes. Les scénaristes ont toutefois suffisamment d'art pour inclure des touches d'humour bienvenues. Et les personnages ne sont pas des salauds définitifs. Ils se révèlent tous capables de générosité, d'amour, par instants. Mais, emportés par leurs passions, dans une société qui les répriment, ils souffrent tous.
Dotée d'un souffle puissant, passionnante, chaque saison se termine sur un évènement historique majeur (élection de Kennedy pour la première saison, crise de Cuba pour la deuxième, je suppose que ce sera la mort de Kennedy pour la troisième). Historique, dramatique, esthétique, psychologique, critique, c'est une série qui ne démérite pas ses qualificatifs dithyrambiques.
A voir absolument !
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