Quelques semaines après « l’incident » qui a touché New York, Hell’s Kitchen se reconstruit péniblement. C’est dans ce contexte que sévit une nouvelle forme de crime organisée, alors qu’apparaît un étrange homme masqué, capable à lui tout seul de défaire plusieurs assaillants armés, qui vient en aide aux innocents.
Il est difficile de songer que « daredevil » se situe dans le même univers que les films marvel, tant l’ambiance et le style de l’histoire sont différents.
Hormis son sixième sens, Daredevil n’a en effet pas de super pouvoirs, pas de super force ni de technologie avancée qui peut l’aider à affronter ses ennemis. Il ne peut compter que sur son habilité au combat. Une vulnérabilité qui procure un réalisme accru, combiné avec des scènes de combat bien chorégraphiés. The devil of Hell’s Kitchen est en effet fréquemment blessé, parfois même sévèrement, il reçoit souvent des coups, étonnement souvent pourrait-on penser pour un super-héros (voir l’étonnant plan séquence de l’épisode 2 où, très affaibli, il neutralise à grande peine plusieurs adversaires). L’adjectif super est sans doute un peu galvaudé dans son cas. Reste le terme « héros », encore que sa façon d’agir ne soit pas tout à fait celle que l’on attend d’un héros…
En outre, il n’y a aucun élément fantastique dans la série (outre les capacités sensorielles augmentées), une absence bienvenue qui permet une meilleure identification du héros et de l’univers dans lequel il évolue.
Ajouté à ces faiblesses, il se montre dépassé par les événements. Car c’est un criminel d’une autre catégorie qu’il s’apprête à affronter, un homme intelligent, qui œuvre dans l’ombre, quasi intouchable et dangereux. Lorsqu’il entend pour la première fois le nom de Wilson Fisk, il n’a aucune idée de qui il affronte, ni de l’ampleur du réseau criminel et de toutes ses ramifications qui est en place. Il est seul contre tous. Il croyait avoir à faire avec la pègre russe, mais il se retrouve également à affronter les Yakuzas et la Triade chinoise, ainsi qu’une corruption qui gagne la police et de puissantes entreprises.
En parallèle, on apprend à connaître ce fameux Wilson Fisk, un méchant ambigu, troublé et troublant, ce qui là aussi contraste agréablement avec la majorité des méchants marvel. Car Fisk est un homme avenant, calme, appréciateur de l’art et hanté par un passé difficile. Les premières scènes le voient ainsi tomber sous le charme d’une femme élégante, révélant son sentiment de solitude qui le pèse. Mais sous son calme apparent se cache une forte pulsion qui peut le transformer en une bête furieuse. Et même les criminels tremblent en entendant son nom de la crainte de ce qu’ils pourraient subir s’ils le trahissaient.
La première partie met ainsi le futur affrontement en place, nous permet d’apprendre à connaître les deux protagonistes, leur histoire, leur passé et leurs failles.
Qu’est-ce qui pousse Matt Murdock à revêtir un masque la nuit pour arrêter des criminels ? Pour venir en aide à la ville, ou alors parce que ça lui permet de libérer la violence contenue en lui ? Car à voir le héros aveugle frapper sans retenu les ennemis, les jeter en haut d’un toit sans se soucier de leur état, la question se pose. Une dualité qui se retrouve avec ses deux identités, avocat le jour chargé de défendre les plus faibles et de faire respecter la loi, justicier masqué la nuit qui enfreint ces mêmes lois pour blesser des criminels. D’une certaine façon, Wilson Fisk présente d’ailleurs lui aussi un double aspect. Sauveur le jour et parrain du crime la nuit, calme en public et cruel dans l’ombre.
Matt refuse catégoriquement d’ôter la vie, mais face à un homme de la trempe de son adversaire, il remet en question son serment et se demande s’il devrait franchir la ligne. On se rend compte qu’il agit sans réelle préparation, se contentant de foncer tête baissé, au risque de tomber dans un piège.
La confrontation tant attendue avec les deux éclate dans une explosion de feu et de sang, dans une séquence forte ou le héros aveugle parle pour la première fois au téléphone avec l’homme derrière tous les crimes qu’il a juré de combattre. Mais alors que Wilson sort de l’ombre, prenant ces adversaires de cours, se posant comme le sauveur de Hell’s Kitchen, the devil lui devient l’ennemi public numéro 1, craint par ceux qu’il a juré de protéger.
Le passé de daredevil est révélé, son entraînement avec Stiff, père de substitution, sa culpabilité dans la mort de son père, ses premiers actes en tant que justicier.
Le voile se lève également sur le passé de Fisk, et on le découvre avec étonnement dans les traits d’un enfant craintif et inoffensif, avant qu’une terrible tragédie ne finisse par le transformer en celui qu’il est devenu.
Outre les éléments évoqués, « Daredevil » surprend par plusieurs choix audacieux dans sa narration, ce qui la différencie des histoires classiques dont on a l’habitude. Ainsi le costume n’apparaît qu’en fin de saison, il opère longuement sans identité définie ni nom véritable. Les scénaristes n’hésitent pas à causer la mort de personnes de premier plan, certaines même importantes dans les comics, et ce d’une façon parfois inattendue. L’identité de Daredevil ne reste pas un secret longtemps pour certains de ses proches, ce qui permet une confrontation avec eux et un bouleversement majeur dans leur relation, ainsi qu’un questionnement sur la moralité de Matt Murdock et ses motivations.
Le générique inspiré, qui montre une reconstruction de la ville dans le sang, offre à la série une identité visuelle.
Charlie Cox dans le rôle du justicier aveugle se devait d’être à la hauteur. Il campe avec justesse un avocat inoffensif en apparence, sage et réfléchi, et en même temps un guerrier sauvage à la voie grave et menaçante. De même que Vincent D’Onofrio dans le rôle du Caïd, en parrain du crime tourmenté pour lequel on ne sait que penser.
Si Karren Page (la sexy Jessica de True Blood) peut paraître un peu idiote, malgré un rôle actif et courageux, Foggy apparaît plutôt sympathique, maladroit mais intègre, dont l’insouciance contraste avec l’alter ego de son ami d’enfance. Les seconds couteaux ne sont pas en reste. Que ce soit Ben Urich, en journaliste blasé, le bras droit de Fisk, poli et implacable, ou encore Gao, la surprenante chef Yakuzas, féroce mais avenante, marchant avec une canne mais pas inoffensif pour autant.
Je n’aurais qu’une seule réserve à émettre ici, comment peut-on penser que Fisk soit sincèrement convaincu d’aider la ville, de se conduire comme un homme bon, en commandant sans remords l’assassinat de personnes innocentes ? Ce point aurait mérité d’être traité avec plus d’adresse.
« Daredevil » est donc une série audacieuse, tant dans son propos que son aspect, qui a su se différencier du genre, que ce soit des films du même studio ou des séries de la concurrence. Elle a su faire oublier définitivement l’image négative du film pour proposer au grand public un nouvel héros trouble et captivant. En espérant que les prochaines séries Marvel de Netfix soient du même acabit.