Après la réussie série Daredevil, Netfix continue de prolonger son propre univers partagé avec cette deuxième série. Pari plus risqué car Jessica Jones est une illustre inconnue, et un personnage plutôt secondaire des comics.
Même ambiance sombre, héros torturé, univers réaliste, à la différence que contrairement à l’homme sans peur, la super héroïne et son Némésis possèdent des facultés hors normes, là où le précédent évoluait dans un cadre réaliste. Les références aux films sont d’ailleurs plus marquées. Toutefois, malgré le géant vert et sa bande devenus mondialement connus après avoir repoussé une invasion alien, les personnes dotées de capacités surhumaines restent encore une exception. L’humanité continue de vivre dans un monde normal, à peine troublé par quelques incursions de phénomènes exceptionnels. On pourra noter cependant l’apparition d’un phénomène qui pourra avoir des répercussions pour la suite, sur petit comme sur grand écran : l’apparition d’un mouvement de haine envers les surhumains, jugés responsables des morts causés durant ces événements.
Pour continuer avec la comparaison, précisions que « Jessica Jones » est plus psychologique, là où Daredevil était plus orienté action. A noter que le générique des deux séries manifeste une recherche esthétique évidente.
Jessica Jones est ainsi doté d’une grande force, lui permettant sans peine de se débarrasser de ses adversaires et de sauter très haut. Elle n’a pourtant rien d’une héroïne classique. Elle boit, jure, prend des photos de couples en pleine adultère pour vivre. Contrairement à l’avocat aveugle, elle serait plutôt du genre à foncer sans réfléchir. L'un manie la rhétorique, l'autre est brute de décoffrage. L'un se dissimule derrière un masque, l'autre se montre telle qu'elle est. La série a choisit de ne pas révéler tout de suite l’origine de ses pouvoirs, ni même de commencer par narrer la première rencontre avec son ennemi juré.
Ce dernier Killgrage, sauveur de l’univers dans une autre vie, s’avère être un vilain immensément redoutable, pervers et manipulateur. Jugez plutôt, Il a le pouvoir d’obliger les gens à lui obéir aveuglément sur simple ordre vocale, y compris tuer ses propres parents, ou s’arracher la peau du visage… Un pouvoir qu’il utilise sans limite, pour un plaisir malsain ou pour se protéger. Chaque personne peut devenir une arme, ou un moyen de protection. En une seconde il peut bouleverser la vie d’une personne, le transformant en meurtrier et le traumatisant à jamais. Il peut également envoyer des inconnus transmettre des messages ou se salir les mains à sa place. En plus d’être très dangereux par ce pouvoir, il est aussi intelligent. Devinant les actions de Jessica, il anticipe pour se protéger et empêcher l’héroïne de l’arrêter. Un cauchemar pour cette dernière, où chaque tentative pour le stopper fait courir un risque sur des innocents.
David Tennant incarne avec une force jubilatoire et délectable ce super-vilain qui ne connait aucune limite morale et que rien ne semble pouvoir arrêter.
Car si Jessica est forte, elle est totalement désarmée face à un pareil ennemi, sa force se retournant même contre elle. C’est que malgré ses mauvaises manières et son caractère, elle reste une personne sensible, héroïne dans l’âme, hésitant même à écraser un cafard qui traîne dans sa salle de bain. Elle envisageait bien d’utiliser ses pouvoirs pour aider les gens, mais sa rencontre avec Killgrave l’a tellement traumatisée et perturbée quant à ses pouvoirs, qu’elle préfère rester dans l’ombre, faisant juste ce qu’il faut pour gagner sa vie. Elle rejette toute personne trop proche d’elle, et se cache derrière une façade de dure à cuire pas commode, jusqu’à ce qu’il réapparaisse. Elle aurait volontiers fuit si la vie d’une innocente n’était en jeu. Alors elle lutte contre la peur qu’il lui inspire et la profonde culpabilité qui l’anime pour lui venir en aide et faire ce qui est juste. Mais le contrôleur d’esprit ne laissant jamais aucune trace ni aucune preuve de ses capacités spéciales, Jessica se retrouve seule à pouvoir l’arrêter. D’autres personnes cherchent bien à lui venir en aide, mais elle sait qu’ils courent un grand risque si elle les laisse combattre à ses côté, ce qu’elle ne peut accepter.
Krysten Ritter (déjà aperçue dans Breaking bad) incarne avec brio cette héroïne, plus proche de l’anti-héros, à la fois forte et vulnérable. Un héros au féminin résolument moderne, qui montre qu’il n’y a pas besoin de mettre une tenue moulante.
Un jeu du chat et de la souris commence alors, entre ruses, manœuvres psychologiques et affrontement direct. Car Killgrave, ayant développé tôt ce pouvoir suprême qu’il a utilisé sans conscience, fait une fixation sur la jeune héroïne, persuadé que à cause de ses pouvoirs elle sera rejetée et qu’elle ne pourra trouver le bonheur qu’avec lui. Une faiblesse que la belle héroïne tente d’exploiter. Elle ne veut pas l’éliminer, pas uniquement en raison de questions éthiques, mais parce qu’elle veut apporter la preuve de son existence et innocenter la jeune victime dont elle se sent responsable. Mais en raison du danger sans précédent qu’il représente, ne vaudrait-il pas mieux l’arrêter tout de suite ? Pour tout autre criminel, la réponse serait négative, mais dans ce cas précis la question se pose.
Après la confrontation psychologique, les deux ennemis comprennent que l’autre ne pourra pas être contrôlé. Il faut alors se rendre à l’évidence et cesser toute manipulation : l’autre doit être éliminé.
L’affrontement passe donc par plusieurs étapes, mais on sent qu’il a parfois du mal à remplir toute la saison. Par deux fois de suite, quelqu’un permet à Killgrave de s’échapper, ce qui devient un peu redondant. N’avoir qu’un seul visage comme ennemi était sans doute un peu limité. Les seconds rôles qui entourent Jessica constituent plus un fardeau qu’un soutient, entre le policier qui pête un câble, son amie qui apprend les arts martiaux mais qui a visiblement du mal à s’en servir, et l’avocate opportuniste (dont l’intrigue sur sa relation adultère peine à intéresser), d’autant que leurs réactions ne sont pas toujours très compréhensibles. On pourrait aussi regretter que certains n’aient pas une plus grande implication, comme l’inspecteur de police. De fait, contrairement à Daredevil, il n’y a pas vraiment de personnages secondaires que l’on aimerait retrouver dans une seconde saison (confirmée !) ou dans the defenders, à part peut-être son voisin repentit. Exception faite bien sur de Luke Cage, charismatique dans son rôle de gros dur bienveillant, qui préfère dissimuler ses pouvoirs. Il aurait pu être le compagnon idéal de Jessica si ce n’était leur histoire compliquée.
En fin de saison, une société privée menant des recherches biologiques illégales apparaît. S’il est révélé plus tard qu’elle serait en lien avec les pouvoirs de Jessica, son introduction apparaît un peu comme un cheveu sur la soupe.
Malgré quelques erreurs de parcours, mais on se souviendra que « Daredevil » pêchait un peu par un vilain trop alambiqué, « Jessica Jones » conserve une très bonne qualité et inaugure du bon pour la suite des projets Netfix.