Chaque année, des centaines de femmes sont enlevées et forcées à se prostituer. Matrioshki est l'histoire de dix d'entre elles.


De jeunes lituaniennes rêvent de quitter leur pays pour rejoindre les pays prospères de l'Ouest. Ayant lu une annonce, elles décident de se rendre à une audition organisée par des producteurs cherchant des danseuses pour une tournée dans toute l'Europe. Séduites par les promesses de richesse, les filles retenues signent les yeux fermés.


Débute alors une lente descente dans l'enfer de la prostitution et de l'esclavage.


Pour changer un peu des films voilà le pitch de la série que je vous propose de découvrir.


Elle démarre sur un terrain vague de nuit, près d'un cours d’eau, où nous voyons deux filles en présence d'un groupe d’homme. Ces deux premières sont abattues d'une balle dans la tête (chacune, pour ceux qui ont les synapses lentes !). Elles seront retrouvées le lendemain, par la police, décapitées. Le ton de la série est donné dès les trois premières minutes. A partir de là, on sait que le réalisme va être de mise, un réalisme que n'aurait pas renié Rob Zombie (cf. The Devil's Rejects) et qui va être aussi éprouvant que des milliers de coups de boules dans la gueule.


La suite se passe en Lituanie, où un groupe de filles passe un casting pour être danseuse. On pensait pouvoir pousser un petit "Ouf», mais celui-ci s'avère de courte durée quand nous découvrons qui fais passer les castings. Cela ne s'arrange pas lorsque les filles retenues doivent signer un contrat en grec sous le prétexte fumeux que leur tournée débute en Grèce. L'une d'entre elles renifle le coup fourré et son sentiment est renforcé par un journaliste qui les prévient que ces hommes n'en sont pas à leur premier coup. Elle va donc le signaler à la police qui se révèle impuissante face à cela (les méchants ont toujours des astuces et ça, la série nous le montre bien). Celle-ci tente de prévenir son amie Daria qu'il y a quelque chose qui cloche, que ce n'est pas normal ces contrats en grec. Mais Daria veut quitter sa misérable condition de lituanienne et signe elle-même le contrat, ses parents n'étant pas d’accord, et ira même jusqu'à se battre (au figuré) pour partir.


Le jour du départ, Daria est triste de ne pas voir sa meilleure amie venue lui dire au revoir, même si cette dernière ne cautionne pas cette méthode et ce plan foireux. Et la cause de cette absence nous est révélée dans un plan final qui annihile nos espoirs de pouvoir respirer dans cette atmosphère suffocante. Alors que le bus prend la route, le plan séquence s'attarde sur une poubelle où l'on peut voir deux jambes qui dépassent. La meilleure amie de Daria a payé son zèle de sa vie.


Fin du premier épisode. Là, plus de doute possible, on va vivre un grand huit émotionnel pendant encore neuf épisodes. Ce final terrifiant n'est que le début d'une descente aux enfers qui ne va pas cesser d'aller crescendo jusqu'à un final aussi éprouvant qu'émouvant (rien que d'y penser je pleure).


La suite est tout simplement insupportable pour qui est sensible de manière exacerbé (comme moi contrairement à ce que certains pensent.). Pour preuve, regardant la série en Dvd, j'ai dû m'arrêter à la fin de l'épisode 5, sinon ma télé passait par la fenêtre, tant on est partagé entre haine et tristesse, colère et affliction. La pause film comique d'une heure et demie que j'ai faites n'y a rien changé. À l'épisode six, je suis de suite retombé dans cet engrenage fatal et terrifiant.


Jamais je n'avais vu dans une série des personnages aussi attachants, aussi détestables. L'identification n'est pas difficile mais simplement atroce. On souffre avec ces filles qui subissent les pires choses que je n'envie à aucune fille sur Terre (mais que certaines subissent malheureusement tous les jours), et cela est renforcé par le fait que pendant tout le visionnage l'on se dit que ça arrive partout, tous les jours, tout le temps. Accepter de regarder Matrioshki, c'est accepter d'être mal-à-l'aise dix épisodes durant, mais vraiment pas bien du tout. Un sentiment tellement fort que je ne trouve pas de mot pour le décrire, tant cette série est une véritable montagne russe d’émotions, de souffrances.


Les rares moments (mais vraiment rares) de joies sont aussitôt détruits par des rouages sadiques mais plus qu'inspirés de la réalité. C'EST LA RÉALITÉ. Pendant dix épisodes on cherche désespérément des échappatoires avec ces filles qui souffrent plus que la plupart supporteraient.


A chacune sa méthode (voir Deborah qui se prend au jeu sans que l'on sache si c'est par plaisir ou par obligation). Arrive aussi deux autres filles au cours de la série, Inga et Kalinka, les deux se révélant être des putains de manipulatrices et Kalinka, la pire (regardez la série vous saurez pourquoi) tente néanmoins sa rédemption à la fin mais il est trop tard, le mal est fait. Inga quant à elle est, malgré ses volontés de liberté, trop lucide. Avant un interrogatoire de police , celle-ci conseille aux autres de dire que c'est de leur plein gré qu'elle exercent ce métier leur expliquant que la police ne peut rien contre le trafic dont elles sont victimes.


Donc pas d’échappatoires, sentiment renforcé quand l'on découvre qu'un personnage est au courant de tout mais laisse couler car. (Pour le savoir, regardez la série).


Une fois que l'on a terminé de regarder Matrioshki, nous ne sommes plus la même personne, c'est quasiment impossible. Le dernier plan du dixième épisode est (putain ça y est je chiale) est totalement destructeur même si tout se termine « bien ».


Il s'agit de Daria se recueillant sur la tombe de son amie et s'excusant de ne pas l'avoir écouté. Le plan se termine sur Daria marchant seule dans le cimetière enneigé sur une musique atrocement triste de David Julian (Memento, Insomnia, The Descent, The Prestige). Une fois le pied posé en Enfer, la rédemption est impossible. Daria l'a appris douloureusement. « Elles devaient juste danser ».


Voir Daria marcher seule, en larme, dans ce cimetière me fait pleurer, même y penser me fais chialer. Mais ça sera la deuxième fois que vos larmes couleront à la vue de cette série. Vous laissant découvrir la première cause de pleurs.


Un jeu d'acteur époustouflant, une tension presque inhumaine, une musique lancinante et déchirée, un réalisme hallucinant. Matrioshki vous changera à jamais.


Co-production hollando-belge, jetez-vous sur cette série qui montre que quand on n’a pas peur de ses sujets on peut offrir une série qui même si elle est suffocante, qui est de qualité et que nous en Europe nous pouvons faire bien mieux que les Ricains.


A nous, en France, de montrer que nous aussi nous pouvons faire notre Matriochki.


A noter des extraits de la série sont utilisés dans des films de préventions d'Amnesty International à l'attention des jeunes filles de l'Europe de L’Est.

Cybellio
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le 11 janv. 2022

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