Pour moi, Tim Burton n'a rien fait de réellement transcendant, de réellement formidable après Sleepy Hollow. Et ça date de 1999. Donc, depuis plus de vingt ans, ce réalisateur qui était grand, original, n'a donné depuis, au mieux, des œuvres correctes, au pire (et plus souvent !), des ratages complets ennuyeux à mourir. En conséquence, si je disais que j'attendais grand-chose de cette série, Wednesday, grand-chose de Burton, je mentirais en jouant le faux naïf. Mais, ça aurait pu accoucher d'un résultat un minimum divertissant, un minimum savoureux.
Ben ouais, Tim Burton et La Famille Addams, c'était étonnant qu'ils ne s'étaient pas déjà rencontrés. Même type d'univers, même type d'humour, même goût pour les caractères excentriques et éloignés de la société. Bon, je vais balayer vos illusions (si vous en avez !) immédiatement. La conception de l'ensemble vient surtout de deux showrunners, Alfred Gough et Miles Millar. Le rôle qui a été assigné à Burton a sûrement été de foutre son nom dessus, de réaliser la moitié des huit épisodes du mieux qu'il le peut, de donner quelques timides plans portant son empreinte. En bonus, il a eu à sa disposition Danny Elfman, son compositeur fétiche (qui a fait énormément pour l'univers Burton, qui en est indissociable !). Autrement, ça ne transpire pas vraiment le Burton. Un yes-man de dixième zone aurait pu aussi "bien faire" le job.
Alors comme le titre l'indique, l'histoire se focalise sur le personnage de Wednesday, l'unique fille du couple Addams. Dans la série originale des années 1960, c'est une fille gentille, juste un peu bizarre. Dans les deux films des années 1990 (incarnée par Christina Ricci, qui est aussi au casting de la série, ici critiquée, dans un autre rôle !), c'est une fille pas franchement gentille, voire complètement psychopathe. Wednesday choisit de mixer les deux avec un caractère ayant à son actif quelques actes psychopathes, mais qui tente de dissimuler ses émotions à travers une attitude monolithique, une obsession pour le morbide, une indifférence aux autres et des répliques sarcastiques. Pourquoi pas ! En plus, lors des deux-trois premiers épisodes (lors desquels, on peut encore espérer !), il est difficile de ne pas sourire face à sa tchatche cynique. Et, le seul gros point fort du tout, c'est Jenna Ortega. Elle est excellente dans le rôle. Sans elle, je n'aurais pas pu aller au-delà du quatrième épisode (cette scène de bal de l'Enfer, uniquement là parce que ça fait partie du cahier des charges de la série pour ados !), car je savais instinctivement dès ce dernier que ça allait donner un résultat global mauvais. Elle est talentueuse. Elle est charismatique.
Bon, ça se concentre sur Wednesday. Ce qui fait les autres membres de la famille (par leur nombre restreint d'apparitions !) restent de l'ordre de l'anecdotique pour l'histoire, pour les acteurs qui les interprètent (y compris pour Catherine Zeta-Jones !). Wednesday rentre à Poudl... pardon à Nevermore, un pensionnat pour celles et ceux qui sont appelés les "outcasts", dans lequel on peut croiser des élèves qui, derrière leur apparence humaine, sont des loups-garous, des sirènes, des vampires, des je ne sais plus quoi et je m'en fous (sûrement pour donner un ton Harry Potter ou Twilight, enfin un machin pour satisfaire le cœur de cible de Netflix qui sont les jeunes ; ah oui, je mets Harry Potter et Twilight dans la même phrase parce que ce sont deux franchises qui intéressent les jeunes, avec des créatures fantastiques, mais le premier est dix milliards de stratosphères au-dessus du second, je le précise !).
Est-ce que cela va servir à quelque chose tout ça dans l'intrigue même ? Un chouia vite fait dans le dernier épisode. C'est tout. En trouvant une autre parade pour ce dernier épisode, tout cet aspect aurait pu être supprimé. La mécanique efficace autour de la famille Addams, c'est la confrontation de leur étrangeté face à la normalité des autres. Ce qui est l'occasion de mettre en avant comment cette normalité à nous, gens normaux, peut quelquefois être ridicule. C'est ce qui rend cette famille fascinante, attachante et drôle. Là, Wednesday est juste une fille bizarre parmi d'autres êtres bizarres. Cela aurait été beaucoup plus percutant de la confronter à un pensionnat avec des élèves normaux. D'ailleurs, les relations de la protagoniste avec sa coloc de chambre (en retirant à celle-ci son côté loup-garou pas utile des masses !), le côté sociable de l'une s'opposant au côté asocial de l'autre, insufflent quelques-unes des rares séquences agréables de la série. Et ça aurait dû être ça tout du long, tout en conservant le fil conducteur avec les meurtres et le fait qu'elle s'ouvre petit à petit aux autres, qui sont nécessaires pour avancer, que l'amitié, c'est important, qu'il faut accepter la différence, qu'il ne faut pas rester tout seul dans son coin... enfin, les trucs de fond basiques... yada... yada...
Mais non, au fur et à mesure que ça avance, l'humour du début laisse très vite la place à des intrigues adolescentes clichées, insipides et gnangnan style High School Musical, faisant croire qu'un personnage féminin n'est pas capable d'être intéressant s'il ne vit pas d'une façon ou d'une autre une romance. Oui, un personnage comme Wednesday n'est pas capable d'être intéressant par lui-même... ben ouais... si vous ne vivez pas une romance (enfin deux pour notre personnage... oh mon Dieu, triangle amoureux ultra-cliché droit devant !), vous craignez trop et vous êtes trop des losers... ben ouais, losers... c'est Netflix qui vous le dit... En outre, si on excepte celle qui joue la coloc (Emma Myers !), les jeunes acteurs et actrices entourant Ortega sont d'une fadeur incroyable, dans des rôles ultra-stéréotypés. Bordel, si je regarde une série sur la fille unique des Addams, c'est pour l'humour noir, absurde, pas pour me taper High School Musical avec juste un peu de gothique sur les bords pour essayer de donner l'illusion d'un nouveau bidule.
Et pour l'intrigue fil conducteur avec les meurtres... ben, c'est ultra-prévisible... Avec son très nombreux lots d'inévitables fausses pistes bien ultra-prévisibles lors des sept premiers épisodes parce qu'il faut bien faire durer sur huit.
On se doute bien que si la série fait jouer à l'actrice de premier plan, Christina Ricci, un rôle insignifiant pendant les sept premiers épisodes, c'est pour révéler lors du tout dernier que c'est en fait elle la grande antagoniste. C'est un indice sous-jacent visible à des kilomètres.
Autrement, par pitié, mais sérieux, arrêtez de faire du suspense à deux balles quant à savoir si à un moment donné tel personnage hyper-important, essentiel à l'univers, va mourir ou non. J'en ai putain de marre de voir ce putain poncif. C'est bon, ça a déjà été fait dix milliards de fois rien que chez Disney. Et à part pour ce qui concerne Thing (ou la Chose en français !), le CGI est absolument dégueulasse.
Evidemment, les créateurs croisant les doigts pour que les chiffres d'audience de la plateforme soient suffisamment bons, les dernières minutes annoncent une suite possible avec un cliffhanger. Ce sera sans moi.