Cinq pilotes de Gundam sont envoyés depuis des colonies spatiales sur Terre pour en détruire les installations militaires. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils n’ont pas beaucoup de mal à commencer leur mission. Les Gundams des protagonistes ont une telle différence de puissance avec tous les méchas qui leur font face que les simulacres de combat auxquels on assiste deviennent rapidement très pénibles à regarder. Un Gundam attaque une base militaire, à 1 contre 100, et parvient à l’anéantir sans une égratignure, même lorsque le Gundam en question ne dispose d’aucun moyen d’attaquer à distance, ou même lorsqu’il reste immobile pendant plusieurs dizaines de secondes au milieu d’une rafale de tirs. Du reste, les pilotes de ces fameux Gundam sont des super soldats tellement surentraînés qu’ils parviennent, même sans leur mécha, à s’infiltrer à l’intérieur d’une base et à la faire à moitié exploser de l’intérieur.
Il est difficile, en constatant au début de la série que l’ensemble des forces armées terrestres ne parvient pas même à vaincre un seul Gundam, d’envisager qu’il pourra y avoir par la suite un antagoniste suffisamment puissant pour vaincre l’équipe des cinq Gundam dans sa totalité. Et effectivement, le problème observé au sein des premiers épisodes ne s’arrangera jamais vraiment. Les antagonistes ont beau perfectionner plusieurs fois dans la série les machines qu’ils produisent en série, elles ne parviendront jamais, même à 30 contre 1, à devenir une réelle menace. La quasi-totalité des scènes de combat se réduisent au spectacle de dizaines de machines détruites à la suite, et le plus souvent en un coup, par les Gundam des protagonistes. Il n’y a presque aucune machine dans la série capable de rivaliser avec eux. Ce n’est que dans les 10 derniers épisodes qu’ils finissent par faire face à une menace crédible.
Il est symptomatique que la première victoire des antagonistes soit remportée (au bout de presque 10 épisodes d’ailleurs) dans un duel à l’épée. Pour le dire plus précisément : l’un des pilotes de Gundam accepte de descendre de son mécha pour se battre à l’épée avec le chef de la faction ennemie, qu’il aurait tout simplement pu anéantir avec son robot. Cet épisode illustre assez bien une tendance qu’a la série de faire faire à ses personnages des actions qui n’ont aucun intérêt sur le plan stratégique, mais qui ont plutôt un intérêt en termes de symbole, d’apparence, ou de mise en valeur de telle ou telle caractéristique d’un personnage.
Ce dernier point est d’ailleurs assez bien réussi. Les différentes personnalités des personnages sont dépeintes et soulignées avec force, et on découvre chez celles des antagonistes quelque chose de fascinant. Treize Khushrenada et Zechs Merquise ont une véritable aura, qu’ils conserveront tout au long de la série (Lady Une aussi d’ailleurs ; ce personnage en apparence caricatural se révèle par la suite très intéressant et même parfois attachant). Ce halo de mystère qui entoure Treize et Zechs sera peut-être, pour beaucoup de spectateurs, ce qui les encouragera à poursuivre la série, parce que les protagonistes y apparaissent quant à eux surtout d’abord comme des super-soldats unidimensionnels, imbattables, et assez ennuyeux.
La surpuissance des Gundam fait que la série ne peut se permettre de les réunir en équipe avant les tout derniers épisodes. Chaque pilote se bat seul, ou avec un unique autre compagnon. Ce qui fait que, malgré leurs séries de victoires, ils ne parviennent jamais à avoir un impact très fort sur le plan politique et militaire. Dans les deux tiers de la série, ce ne sont pas les Gundam qui modifient l’état général du monde, mais tout simplement des luttes internes aux factions ennemies, qui ne cessent de se battre les unes contre les autres. Bien que la série ne contiennent à proprement parler aucun remplissage, on peut donc souvent avoir l’impression qu’elle ne sait pas très bien où son intrigue veut la mener, et qu’elle se perd en d’énièmes escarmouches où un Gundam détruit tout un bataillon ennemi sans aboutir pour autant à la moindre avancée significative. La réutilisation fréquente de certaines images (dans les scènes de pose ou de tirs des Gundam, ou de destructions des Leo ennemis) pendant ces combats ne contribue pas à les rendre intéressants.
Malgré tous ces défauts, Gundam Wing a un véritable charme. Ce charme est certes celui de ses deux remarquables génériques et de son esthétique très reconnaissable - celui de ses méchas, certes (qui ne sera peut-être pas du goût de tout le monde, surtout pour les méchas ennemis), mais aussi de l’inspiration néo-classique et aristocratique de certains décors, costumes et uniformes. Ce charme réside également dans le sérieux avec lequel la série appréhende sa propre intrigue : les personnages font toujours preuve d’une extrême gravité ; il y a très peu de scènes de vie quotidienne, et presque aucune blague. Ce sérieux incite toujours à l’attention et à la concentration, même lorsqu’il n’y a pas l’air de se passer grand-chose d’important.
Bien que certains discours ou dialogues politiques ou philosophiques dans la série puissent sembler assez naïfs et simplistes, les questions soulevées sur les aspirations à la paix chez l’homme, et sur sa réalisation malgré le caractère radical des instincts guerriers humains, sont toujours intéressantes et frappent l’attention. Ces questions sont portées par des personnages dont les valeurs ou les idéaux forcent l’admiration, car ils sont manifestement prêts à les vivre jusqu’au bout : il en est ainsi de Zechs, de Treize, de Heero et de Relena, qui ont, chacun à leur manière, une aspiration à la pureté à laquelle pour rien au monde ils ne dérogeraient. Les dix derniers épisodes sont une véritable réussite en termes de construction, de rythme, d’intensité, et dans leur manière de donner un rôle et un sens à l’action de chacun des personnages de la série.