Thèmes : Maltraitance infantile / Maternité / Abandon / Adoption / Société
Romance : 0% / Féminisme : 90% / Paternalisme : 0% / Bromance : 0 % *
L’institutrice remplaçante Kim Soo-jin découvre qu'une de ses élèves, la petite Kim Hye-na, est maltraitée par sa mère et par le petit ami de celle-ci. Soo-jin kidnappe alors l'enfant pour la soustraire à cette violence. Toutes deux sont alors prises en chasse par la police et par le beau-père...
Je suis un peu partagée sur Mother, parce que j'ai des réserves sur les choix scénaristiques et la vision de certaines thématiques. Il y a, en tout cas, beaucoup de choses à dire sur la série. Ca va être un peu pêle-mêle...
Les thématiques de Mother ont été peu traité en série télé donc le drama est très intéressant de ce point de vue là. Celles abordés ici sont la maltraitance infantile, l'abandon, l'adoption et la maternité. Ce dernier est le thème principal.
La maternité dans Mother
En effet, Mother est une série sur les mères et sur la façon dont on l'est, dont on le devient. Mère biologique, mère adoptive, mère maltraitante, mère abandonnante, mère solo, mère poule, mère de substitution...
Forcément, c'est un sujet qui (me) touche et qui est intéressant. Et dur aussi. La série met en avant plusieurs mères (Soo-jin, sa soeur, leur mère, la mère bio de Soo-jin, la mère de Hye-na, la nounou de l'orphelinat où a vécu Soo-jin, l'ancienne concubine du tonton etc.). Elles sont toutes des mamans et sont plus ou moins toutes semblables et différentes, ayant pris des chemins variables, ayant fait des merveilles et/ou des erreurs. Certaines sont faites pour ça quand d'autres pas du tout, beaucoup subissent leur maternité (à ce jeu, la mère bio de Hye-na est médaillée d'or) dans une société toujours aussi patriarcale qui restreint souvent les femmes à un rôle précis. Celui de mère en est un, avec ses contraintes et ses règles.
La société sud-coréenne porte un regard spécifique sur les mères, piliers du foyer, protectrices de leurs progénitures (qui doivent plutôt être des créatures issues d'elles, c'est préférable), dévouées corps et âmes à ces derniers. En cela, la mère abandonnante ou maltraitante dénote et est condamnable. Ici, il y en a deux, deux mères biologiques : la mère de Hye-na et celle de Soo-jin. L'une sera condamnée, l'autre pardonnée. Mais celle qui sera punie n'aura pas fait preuve de remords et sera apparue comme une erreur de la nature, tandis que l'autre aura abandonné "par amour" et à cause du regard que la société porte sur elle, et sera graciée. C'est une vision un peu simpliste mais qui est sans doute réaliste dans la société sud-coréenne d'aujourd'hui.
La vision des "mauvaises" mères de la série, je l'ai trouvée un peu limitée. Il est dommage que la série ne fasse finalement qu'effleurer le mal être de ces mères qui n'arrivent pas à en être, surtout qu'elles sont ici toujours mères solos (aïe ! pas simple en Corée du Sud !) et de condition modestes, ce qui reste caricatural. On peut ne pas réussir à "être mère" dans d'autres conditions aussi... Bref, c'est dommage d'en rester un peu à une caricature...
Le patriarcat est un sujet important de la série. La mère de Hye-na ne peut pas envisager d'être heureuse sans un homme a ses côtés, peu importe qu'il traite mal sa fille. Est-ce réellement un besoin de sa part ou n'est-ce pas conditionné par ce que la société renvoie des femmes solos ayant un enfant à charge ? La famille sans homme n'est pas une famille ? Les mères célibataires restent toujours sous pression parce qu'elles sont mal considérées par la société et parce qu'une mère solo aura toujours beaucoup de mal à trouver un compagnon qui accepte l'enfant d'un autre... Il n'est d'ailleurs pas rare qu'un enfant issu d'une première union soit laissé pour compte lorsque le parent se remarie...
L'abandon
Pour continuer sur l'abandon, il faut savoir que la Corée du Sud a été pendant plusieurs décennies le premier pays d'origine des enfants adoptés (plus de 155000 enfants adoptés entre 1954 et 2004 à l'international). L'abandon est donc un thème que connaît bien le pays. Les raisons de l'abandon étant principalement dues à la pauvreté d'abord (la part d'orphelins étant bien souvent marginale), mais ensuite surtout à l'origine des enfants : issus de relations extraconjugales, mère trop jeune et isolée ne disposant pas des ressources nécessaires dans un pays dont la protection sociale est l'une des moins développée des pays de l'OCDE, ou tout bonnement mère célibataire. La série rappelle ainsi au pays son histoire, pas si lointaine et même toujours contemporaine, où la société reste très patriarcale, où l'enfant doit naître d'un couple marié (2 % seulement d'enfants naissent officiellement aujourd'hui hors mariage), où l'enfant biologique reste la préférence, les Sud-Coréens eux-mêmes n'adoptant pas beaucoup dans un pays où l'enfant biologique reste le Graal. La pression mise sur les femmes encore aujourd'hui en Corée du Sud est donc écrasante... Le personnage de la mère de Soo-jin en est l'incarnation.
Elle apparaît en effet comme une mère très symbolique d'une époque où l'abandon était monnaie courante. Ses raisons étaient liées à ce que la société renverrait ensuite à son enfant... Elle ne fait à aucun moment référence à elle-même, elle apparaît en fait comme une femme qui sacrifie sa maternité pour sauver son enfant... C'est encore une fois assez simpliste. Dans la réalité, il faut être honnête : il ne s'agit pas de juger, mais factuellement, l'abandon reste un choix. On ne sauve pas un enfant en l'abandonnant. On abandonne avant tout pour soi. On peut abandonner parce qu'on ne peut pas s'occuper d'un enfant, mais on abandonne aussi parce qu'on choisit de ne plus s'en occuper : l'abandon est toujours un choix. Un enfant ne peut s'entendre dire qu'on l'a abandonné par amour. Comment peut-il ensuite faire confiance à un autre adulte, se construire et accepter son amour, puisque si on m'aime, on peut m'abandonner ? C'est d'ailleurs le cas de Soo-jin qui souffrira par la suite de troubles sévères de l'attachement. Sur ce point là, que la série fasse de la mère de Soo-jin une victime d'un système patriarcal qui a fait ce choix malheureux, ok, mais au final, elle apparaît presque comme une sainte.
L'adoption en Corée du Sud
Pour reparler de l'adoption (que je connais pas trop mal), il faut savoir qu'il n'y a actuellement quasi plus d'adoptions françaises en Corée du Sud, le pays ayant drastiquement limité les possibilités internationales, à l'exemple de nombreux autres pays, l'adoption internationale étant devenue en quelques années moribonde en France, mais également globalement dans le monde. Comme toujours, on n'a pas trop d'infos sur les adoptions intra aux pays, mais en aucune façon, si les abandons continuent au même rythme, un pays ne peut absorber le flux d'enfants abandonnés, surtout un pays qui n'a pas vraiment la "tradition" de l'adoption, ce qui est le cas dans beaucoup. Et dont les candidats à l'adoption ne sont pas formés pour accueillir des enfants à qui ils ne révéleront peut être jamais la vérité sur leurs origines
(le cas de la mère de Soo-jin dans Mother)
ce qui peut générer un autre trauma. Mais c'est un autre sujet...
La vision de l'adoption dans Mother
Il y a deux mères adoptantes : celle de Soo-jin et Soo-jin elle-même. La première n'est pas exempte de défaut mais elle présente la qualité d'être d'aimer sa fille inconditionnellement malgré ses difficultés d'attachement. Elle a été présente, elle a pris soin d'elle, elle est toujours là. Elle a toutefois le défaut d'avoir caché une vérité écrasante
(elle a adopté également ses deux autres filles sans leur dire, WTF ?)
et qui est ensuite mal exploitée scénaristiquement : l'impact est absurdement infime...
L'autre mère adoptante bien sûr, c'est Soo-jin et sa relation à Hye-na. Leur adoptation est un peu trop rapide à mon goût, surtout entre deux personnes ayant vécu de telles blessures, mais la série nous dit au final que la maternité n'est en aucun cas limitée au gênes et au sang, ce qui réchauffe mon coeur de maman non biologique. Le fil rouge entre Soo-jin et Hye-na devait être présent depuis toujours.
La pauvreté
La richesse est également une thématique bien présente, comme souvent dans les kdramas. Soo-jin a été adoptée par une richissime actrice, qui considère d'ailleurs sa fille comme pauvre, alors que, perso, je n'ai pas l'impression qu'elle le soit du tout : elle est ornithologue, elle doit donc bien gagner sa vie, elle séjourne avec Hye-na dans de magnifiques chambres d'hôtel en plus... Je possède une vision différente de la "pauvreté" sans doute ! Pour le coup, la mère de Hye-na et son amant sont bien plus "pauvres". La série met donc en opposition le clivage riche/pauvre.
Autres remarques
-la relation entre Soo-jin et Hye-na me pose problème, dans le sens où j'ai du mal à admettre qu'elles s'attachent aussi vite l'une à l'autre. Hye-na est maltraitée mais ne souffre d'aucun trouble de l'attachement, ce qui est un peu surprenant. D'un autre côté, elle a quand même eu une figure d'attachement en la personne de sa génitrice, donc pourquoi pas... Pourtant, elle n'a aucune méfiance envers Soo-jin alors qu'elle devrait avoir du mal à faire confiance aux adultes. Ici, elle accepte volontiers de la suivre aussitôt que l'autre en fait la proposition. C'est un peu bizarre quand même. Mais comme dit plus haut, peut être que les deux étaient reliées originellement que leur rencontre était une évidence ?...
-Hye-na est vraiment une gamine facile qui s'adapte à tout, tout le temps, qui sourit en permanence. Bon, ok, on voit quand même un peu le trauma au cours de la série avec quelques larmes, mais dans l'ensemble, le personnage a vraiment l'air d'aller (trop) bien. D'un autre côté, la maltraitance et la façon dont sa mère l'a élevée l'ont fait grandir trop vite : elle est devenue très mature trop jeune et elle a une bonne analyse des situations et des gens. D'ailleurs, elle apparaît bien plus adulte que sa propre mère à de nombreuses reprises... Pourtant cette maturité, cette conscience des choses sont-elles compatibles avec une attitude aussi positive ? Comment peut-elle avoir déjà fait sa résilience ?
-la police n'est vraiment pas douée, à se laisser distancer par la mère et le tonton qui trouvent les deux fugitives avant elle : c'est un peu énorme...
-les 16 épisodes sont trop longs, ensemble et individuellement. Il y a pléthore de scènes redondantes, de chansons tire-larme avec des gros plans sur les personnages les yeux dans le vague. Je pense que la série aurait gagné en efficacité en partant sur un format plus court (6-7 épisodes).
-il y a trop de coïncidences et le scénario est un peu tarabiscoté (mais bon, quand on part sur un format aussi long, il faut bien meubler j'imagine) : Soo-jin qui retrouve sa mère biologique en passant la porte d'un commerce, l'oncle qui aperçoit comme par hasard la gamine dans le bus le soir où les deux s'enfuient, la journaliste chargée de l'affaire qui n'est autre que la sœur de Soo-jin, les révélations finales sur la fratrie des trois sœurs etc.
-le personnage de Soo-jin est glaciale et peu attachante, ce qui est assez réaliste. Elle a vécu un abandon, brutal en plus, et elle s'est fermée comme une huitre. Elle voit la petite comme un autre elle-même et veut en prendre soin. Je trouve que le personnage est assez crédible vu son trauma.
Pour terminer, je dirais que c'est un drama très intéressant sur le fond car il aborde des thématiques peu courues et qu'il met en avant le passé compliqué du pays. Il se permet également une critique de la façon dont les femmes et surtout les mères sont traitées encore aujourd'hui en Corée du Sud. C'est également une série très juste et sensible. Les comédiennes, et surtout la petite Heo-yool sont formidables. D'un autre côté, la série n'est pas exempte de défauts scénaristiques et les messages peuvent être un peu simplistes. Le sujet semble difficile au premier abord mais on dépasse très vite la dimension de la maltraitance finalement, qui n'est visible que dans les tous premiers épisodes.
*Voir page d'accueil de ma liste pour plus d'explications : https://www.senscritique.com/liste/Kdramas_vus/2850094