Sweet lady, place no one above you...
Sweet lady, don't you know we love you...
Merci Tupac pour cette intro fort à propos. C'est toujours sympa de commencer une critique sur une note wholesome.
Mother commence sur les chapeaux de roue avec son pilote qui compte sans doute parmi les meilleurs que j’ai pu voir dans une série. Le sujet est sérieux (la maltraitance infantile) et traité comme tel. L’émotion, bien réelle, ne repose que sur ce qui est montré à l’écran, heureusement sans artifice ni fioriture.
Le drama s’appuie pour cela sur ses deux actrices phares, Lee Bo-young et Heo Yool dans le rôle de la maman de substitution et de la fille maltraitée respectivement. Celle-ci va être kidnappée par celle-là afin d’échapper aux brimades et aux coups qui lui sont infligés quotidiennement par sa mère (biologique) et son petit copain sadique. Attention : Mother est un drama difficile, qui évoque un sujet dérangeant ; il s’adresse donc à un public averti, tant certaines scènes peuvent révulser de par leur abjection.
Les premiers épisodes impressionnent par leur sens du rythme et leur grande sensibilité, le tout servi par une réalisation de haute volée et une bande-son magnifique. Cependant, le drama s’enferme par la suite dans un faux rythme qui aura eu plusieurs fois raison de ma détermination à continuer coûte que coûte son visionnage...
Le scénario est simple, trop pour éviter à plusieurs reprises de s’aider de situations peu réalistes afin de relancer artificiellement l’attention du spectateur. On pense notamment aux fois où les inspecteurs ou le copain psychopathe sont tout proches d’attraper Soo-jin (l’héroïne) à la suite d’une bourde de sa part qui aurait été évitable... Une fois soit, on peut mettre ça sur le coup de l’émotion, de l’impréparation. Mais au bout de la troisième fois, mes yeux se sont levés au ciel tant la situation paraissait tirée par les cheveux.
Néanmoins ces pirouettes scénaristiques à répétition ne viennent pas atteindre ce qui fait le cœur de la série, à savoir les relations entre mère et fille qui interviennent à différents niveaux et offrent plusieurs axes de lecture. La question de la légitimité de la mère selon qu’elle est biologique ou d’adoption est notamment bien amenée, donnant lieu à certaines des scènes qui m’ont le plus plu. On pourra regretter au demeurant de voir la relation entre Soo-jin et sa mère adoptive si distendue, si froide, sans réelle raison (que je sache), d’autant que celle-ci est gravement malade et approche du trépas. Le rapport à la mort est un peu survolé, alors qu’il y avait probablement matière à mieux l’exploiter. La thématique de l’abandon est en revanche l’une des mieux abordées, contribuant à mettre en lumière la situation catastrophique de la Corée du Sud à ce niveau et de la réponse maladroite des autorités à l’égard des enfants victimes de maltraitance (ce comme partout ailleurs, malheureusement).
Au rang des points forts on peut aussi citer les très bonnes performances des acteurs secondaires, Lee Hye-young (Young-sin) et Lee Jae-yoon (Jin-hong) en tête, qui font que les intrigues annexes ne s’étiolent pas à mesure que l’histoire avance. La réalisation, constante et consistante, parvient à bien mettre en valeur un jeu sans accroc de leur part (cela vaut aussi pour les personnages principaux).
Mother est un drama au-dessus du lot quand il s’agit de le comparer à ce qui se fait ailleurs dans cette industrie. Il parvient à traiter d’un sujet particulièrement infâme sans presque jamais tomber dans le travers du tire-larmes ou du sentimentalisme. C’est une série qui m’a plu, mais peut-être pas autant que j’aurais pu l’espérer.
Il y a en effet durant l’histoire pas mal de rebondissements qui m’ont paru forcés voire incohérents, au point de me décourager à en voir immédiatement la suite. La seconde moitié de la série, beaucoup moins marquante que la première, accuse son lot de redite pour gonfler artificiellement 16 épisodes qui auraient pu n’en être facilement que 12 (c’est le cas de la version originale japonaise). Comme si, par convention (conformisme ?), les scénaristes n’avaient pas voulu donner à leur scénario tout le souffle tragique et haletant auquel il paraissait pourtant destiné...
Au lieu de ça, le drama s’enferme souvent dans une narration sans grand panache, qui contraste avec la critique sociale acérée portée sur la société coréenne. J’en veux pour exemple ce choix de confiner l’intrigue principale à la maisonnée de Young-sin pendant les trois quarts de la série, alors qu’on est quand même sur une histoire de kidnapping, qui supposerait de la cavale, de l’adrénaline, des moments de doute voire de désespoir intenses pour les protagonistes, à même de renouveler les enjeux auxquels ils sont confrontés. C’est bien le cas au détour de quelques épisodes, mais de façon trop sporadique et pas assez vraisemblable pour être convaincant en fin de compte.
On peut sans doute voir ça comme une volonté de ne pas saper la crédibilité de l’intrigue, lui conserver son « vernis » réaliste. Mais ce parti pris se répercute donc sur le rythme général de la série, inégal. La fin du drama, un poil décevante compte tenu du dénouement intervenu dès l’épisode 14, vient renforcer en moi cette impression d’inachevé.
Comme si le pas supplémentaire qui aurait pu faire de Mother une œuvre vraiment mémorable n’avait pas été franchi. La série n’en reste pas moins intéressante, et contribue à sensibiliser sur un problème terrible qui gangrène nos sociétés tout en le reliant à d’autres sujets non moins passionnants, aidée pour cela par de formidables acteurs.