Geu Ru est un jeune homme atteint du syndrome d'Asperger (nb. un trouble de la famille de l’autisme, les sujets atteints par ce syndrome ont des difficultés à se sociabiliser et à interagir avec les autres personnes. Ils ont des comportements répétitifs et routiniers).
Il travaille pour l'entreprise de son père “Move To Heaven”.
Tous deux sont des “nettoyeurs de traumatismes” ils font le tri des possessions laissées par les défunts et dévoilent ainsi les histoires qu’elles racontent. Ils les accompagnent également dans leur dernier voyage en transmettant les messages à leurs proches.
À la mort brutale de son père, Geu Ru fait la rencontre de son oncle, Sang Gu désormais son tuteur légal.
Une nouvelle cohabitation s’impose à eux. Ces deux écorchés vifs diamétralement opposés, vont apprendre à s’apprivoiser. Par ailleurs, Sang Gu cache un sombre passé. Comment leur relation “chaotique” va-t-elle évoluer?
Préambule :
Cette série est inspirée de l’essai fonctionnel «Things Left Behind» de Kim Sae Byul. Il occupe l'un des emplois les plus inhabituels de Corée du Sud.
Son entreprise, nommée «Bio Hazzard», propose des services de nettoyage après des meurtres, suicides et décès sans surveillance dans des maisons privées. Il est également contacté par des accumulateurs qui sont incapables de se débarrasser de grandes quantités d'objets -y compris des déchets alimentaires et des excréments d'animaux- qui submergent littéralement les espaces de vie de leurs propriétés.
Un sujet fort, rarement évoqué sur ce métier de l’ombre. Je ne peux faire qu’un parallèle sur un phénomène tristement répandu au Japon : «kodokushi» ou les «morts solitaires».
Une nouvelle économie est générée par des entreprises spécialisées dans le nettoyage d'appartements de personnes décédées dans la solitude.
En complément de cette série, je vous recommande chaudement le sublime film japonais Departures sur les départs assistés (rite funéraire).
À peine les premières minutes enclenchées, mon sang n'a fait qu'un tour. Un protagoniste auquel j’ai pu m’identifier à travers la perte de cet être cher "le pilier" de la famille. C’est tout un monde qui s’écroule. Les souvenirs douloureux refont surface, l’émotion est à son paroxysme, d'autant plus qu’il contient plusieurs scènes, lourdes de sens, une copie conforme à mon vécu.
Le souvenir, la mémoire, la vibration de ce qui n'est plus là. La question du deuil et de comment on l'accepte. Autant de blessures, que de questionnements, sont abordés avec la plus grande délicatesse. La caméra navigue dans l’intimité de parfait(e)s inconnu(e)s sous un regard attendrissant, d’une profonde poésie.
«Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer?»
Cette citation d’Alphonse de Lamartine illustre parfaitement le fil conducteur qui relie Geu Ru au défunt :
une boîte jaune. Elle renferme
les souvenirs précieux de toute une vie. Insignifiant pour les uns, elle devient symbolique et sacrée pour celui qui l’investit de sens. Ces objets nous entourent, parlent de nous et transpirent notre histoire. Parfois, ils nous encombrent.
Une fois
cette boîte fermée
elle ne marque pas la fin d’un cycle, mais le début d'un renouveau.
À travers toutes ces tranches de vie, les plus touchantes les unes que les autres, le réalisateur nous interpelle sur certains maux de la société coréenne, où il met en lumière les minorités et les injustices qu'elles subissent (tels que l’homophobie, la violence conjugale, la précarité de la vieillesse, les failles juridiques sur l’adoption).
Tang Joon-sang, du haut de ses 17 ans, endosse à merveille le rôle de ce jeune autiste, où il se donne corps et âme. Sa magnifique performance hors norme, ne vous laissera pas insensible. Bien au contraire. Son physique longiligne à la démarche raide et saccadée, une diction robotique au regard concentré, évasif ou apeuré, ses gestes millimétrés : toutes ces caractéristiques propres à son trouble neurologique dégagent un réalisme poignant.
Lee Je Hoon (cf. l’oncle) n’est pas en reste. Il a prouvé son talent à de multiples reprises avec des rôles divers et variés (tels que I can Speak ou Signal). Un personnage intrigant haut en couleurs, tout aussi complexe et tourmenté, est exécuté sans la moindre fausse note. Son évolution (étudiée avec minutie) est amenée brillamment où l'on jongle de la colère à la peine. Son air
de loubard malpoli n’est qu’une façade trompeuse. Il dissimule des traumatismes liés à son enfance cruelle, et cette vie qui ne lui a pas fait de "cadeaux". Au fur et à mesure que les événements se dévoilent, une tournure remplie de sensibilité se développe sous nos yeux. La haine qu'il éprouvait pour son frère n'est qu'un terrible malentendu, fort tragique (on regrette peut-être une légère exagération).
Ce duo “attachiant” nous bouleverse avec une telle virtuosité. Au delà de la beauté des images d'un esthétisme épuré, c’est leur incroyable alchimie qui focalise l’attention. Notre émotion, déjà à fleur de peau, est exacerbée à travers leurs souvenirs déchirants.
Images poétiques, justesse, pudeur, cruauté et même humour sont au programme de cette très belle réussite, d'une forte intensité émotionnelle (cœur serré, gorge nouée).
C'était un "déchirement" de les quitter. Un goût de trop peu avec ces 8 épisodes défilant à vive allure. La fin laisse la porte ouverte à une suite. A l'heure qu'il est, une deuxième saison n'est pas prévue. Espérons qu'ils changent d'avis.
Je termine avec ce proverbe (comprendront ceux qui ont vu la série) : Un simple regard posé sur une fleur et voilà une journée remplie de bonheur.
Ps : Quelques chiffres pour illustrer le tout
Sur les 1 500 cas, environ 80% étaient des suicides et 30% des personnes décédées étaient des accapareurs ou vivait dans un environnement extrêmement insalubre. Et parmi les victimes de suicide, environ 70% étaient de jeunes Coréens dans la vingtaine et trentaine. Selon les données de l'OCDE, 28% des Coréens ont déclaré qu'ils n'avaient aucun réseau de soutien social significatif -pas une seule personne à qui parler ou sur qui compter- en temps de crise. Ce taux était le plus élevé parmi les pays membres de l'OCDE.
Le suicide est la première cause de mortalité chez les Coréens de 10-39 ans un fléau social depuis plus d'une décennie.