C'est anglais, gentillet, ça dure pas longtemps... un florilège de qualités fondamentales, donc, pour une série légère susceptible de vider la tête après les infos ou une enclume comme 'L'homme mesuré', sur Arte aussi. Trois saisons. La première permet de faire la connaissance de Cathy, AESH à la britannique, qui vient de perdre son mari à l'orée de la soixantaine. Rien de drôle, rien de tragique non plus, on est dans une série plutôt marrante, dans le fond, aussi bizarre que ça puisse paraître avec ce préambule. Mais à l'anglaise, comme la recette du haggish : ça ressemble à une recette de cuisine jusqu'à ce qu'on regarde de près les ingrédients. Ici, l'héroïne est entourée d'un biotope coloré, exotique pour un français qui fait trois repas par jour en s'asseyant autour d'une table et met un point d'honneur à passer du temps avec les gens qui lui rendent visite... Bon, je n'ai pas mis sérieusement les pieds en Angleterre depuis un moment mais je me souviens très bien de l'extravagance de ce concept d'hospitalité indifférente, qui laisse vagabonder des individus chez soi et leur ouvre toute grande la porte du frigo. Ca existait déjà dans les années 70. Mais il semblerait que ça ait atteint un niveau presque olympique désormais, grâce à l'hybridation étasunienne, si l'on en croit cette série : les personnages déambulent avec un paquet de chips ou un biberon pour adulte en permanence à la main, laissent trainer des déchets et de la vaisselle dans toutes les pièces, mangent n'importe quoi, froid, à n'importe quelle heure, et ne recyclent rien. Deux explications : entre temps, je suis devenue une véritable ménagère, contre toute attente, ou alors Albion dégringole les échelons de la civilisation à toute vitesse... Exagération plaisante mise à part, le scénario met lourdement le doigt sur des travers qui ne laissent pas d'interpeler le continental non averti. Après, la plupart des personnages étant des abrutis complets, il faut certainement y voir une exagération échevelée, mais quand même, ça inquiète. Pour nuancer mon évaluation sommaire des protagonistes, précisons qu'ils incarnent joyeusement des stéréotypes contemporains un peu ridicules : la snob patentée, le nouveau riche bourrin, la godiche immature, le grand niais immature (deux jeunes seulement dans la distribution, dézingués pour leur bêtise crasse, ça ne plaide pas pour de nouvelles coupes dans le budget de l'éducation nationale anglaise...), les beaux-parents séniles et vulgaires... ça ne fait pas vraiment dans la dentelle. Tout le monde en prend pour son grade, sauf le personnage central, la veuve exemplaire, et son soupirant de toujours, Michael, seuls repères fixes dans un océan d'extravagance imbécile. Mais même eux vont passer à la moulinette critique des auteurs : en raison de leurs inhibitions toutes britanniques, ces gentils sexagénaires sont montrés comme incapables de la moindre communication directe, ce qui les pousse à supporter constamment l'insupportable. Autant dire que mon atome de patience a frôlé la fission à cent reprises. Mais il faut avouer aussi que j'ai souri et parfois même gloussé, ce qui n'est pas si fréquent de ma part dans des plans à visée comique. Parce que certaines caricatures font mouche et que des répliques tout en retenue sont plutôt bien senties. La deuxième saison met l'accent sur la romance naissante mais probablement impossible et en tout cas toujours empêchée de Michael et Cathy (on trépigne bien souvent à les voir si empotés), et la troisième sur le dépassement des blocages culturels de la plupart des personnages, entravés jusque là par des handicaps psychologiques graves. C'est une comédie, ça ne prétend pas être vraisemblable, et il faut accepter ce biais. Une fois la couleuvre avalée, franchement, le bilan est plutôt positif.