Je ne suis normalement pas du genre à condamner une œuvre en fonction de son "caractère moral" mais ici, force est de constater, que le motif est tellement redondant et systématique qu'il ne peut finir que par être dérangeant.
Commençons par restituer le matériau de base de Mushoku Tensei, l'anime fait le récit d'un quarantenaire NEET, asocial et "hikikomori" qui, venant de se faire mettre violemment à la porte de sa chambre suite à la mort de ses parents, trouve la mort dans un accident se sacrifiant pour sauver des adolescents. On a là le premier signe d'une "rédemption", l'homme qui vivait lamentablement trouve ici le moyen de partir sur un coup d'éclat, il se sacrifie pour sauver autrui, ce qui prouve son "bon fond" (a fortiori des adolescents alors même que celui-ci s'était fait martyrisé par ses pairs durant sa propre adolescence). Le héros se voit alors octroyer ce qui semble être une "seconde chance", il est réincarné dans un nourrisson venant de naître tout en conservant sa "conscience" de l'homme de 40 ans qu'il était auparavant. Il se rend bien vite compte que son nouvel environnement est un monde féérique / merveilleux digne d'un final fantasy où les hommes cohabitent avec démons, elfes et magie. Le jeune garçon, dont les facultés et la vivacité d'apprentissage se conjugue avec la volonté de l'adulte qu'il est "en esprit", devient rapidement un prodige en magie sous le regard bienveillant de ses deux parents, un père épéiste de renom et une mère guérisseuse.
Pour ce qui est de l'animation, bien qu'un peu classique, on ne peut que souligner la finesse et le soin déployés par le tout jeune studio Bind. L'action et les mouvements sont fluides et agréables à l'œil. L'univers tend vers un monde médiéval féérique et chatoyant qui contraste avec la froideur du monde urbain, on sent le dépaysement voulu accompagné par une bande son qui en fait l'écho.
Pour l'histoire, l'ambiance et la direction artistique, tout était donc en place pour faire, non pas une œuvre révolutionnaire, mais un shonen/seinen somme toute très sympathique où le héros évoluant dans ce nouveau monde serait confronté à péripéties où il rencontrerait ennemis, obstacles, alliés, rivaux, etc, etc ..
Pour en arriver à ce qui fait problème selon moi c'est que l'anime s'accompagne d'un autre genre, le ecchi ou le harem. On se rend bien vite compte que le héros se voit entouré de nombreux personnages féminins sensées incarner toute une déclinaison de fantasmes érotiques propres aux lecteurs masculins de manga : la figure maternelle aux attributs plus que généreux, la jeune sorcière magica doll qui lui servira de professeur de magie, une servante en tenue de soubrette, une jeune elfette androgyne à la timidité irrésistible, une guerrière bestiale etc .. Le tout jeune garçon à l'esprit de NEET mature est littéralement obsédé par la gente féminine qu'il peut reluquer à loisir sans se voir inquiété du fait de son apparence enfantine, comportement qui est d'ailleurs validé par les autres personnages masculins.
Que l'anime soit un peu pervers et mélange les codes de l'ecchi, ce n'est pas nécessairement un problème (bien qu'un peu lourd) et ce n'est certainement pas le seul anime à le faire et à abuser de ce qu'on appelle le "fan service". De plus, en prenant en compte que le jeune garçon a l'esprit d'un quarantenaire frustré, ce n'est pas tellement "étonnant" que celui-ci éprouve des "pulsions" adultes (on pourrait disserter de la complexité philosophique qu'engendrerait l'implantation d'un esprit adulte dans un corps d'enfant mais ce n'est pas le sujet ici) ..
Cependant, on arrive bientôt à quelque chose de beaucoup plus dérangeant et qui est intrinsèque au style ecchi dans l'univers du manga, c'est l'érotisation du corps infantile. Le phénomène est bien connu au Japon et fait étroitement partie de l'imaginaire érotique japonais, c'est la beauté au sens de akanai : ce qui est fragile, encore en train de se constituer, la représentation même du corps du jeune adolescent. Le problème c'est que cette tendance s'applique aussi fréquemment à l'enfance et dès lors cela devient difficilement tolérable tant cela flirte avec des pulsions pédophiles.
Il est déjà dérangeant de se rendre compte que le héros tombe "amoureux" de son amie la jeune elfette et souhaite la transformer en ce "qu'il veut" pour l'âge adulte, mais le pire vient à l'épisode 6 où le jeune garçon qui je le rappelle a un esprit d'homme de 40 ans pelote une jeune princesse endormie de 9 ans au sale caractère en y prenant manifestement du plaisir bien que je le cite "son corps ne soit pas encore bien formé" .. Le comportement plus que déviant n'est pas condamné, au contraire la colère de la jeune fille est traité comme c'est souvent le cas pour ce qui est du harcèlement sexuel dans le manga sous le prisme de l'humour. Le héros est certes un peu pervers mais cela reste "bon enfant" car il a "bon fond" et c'est ça qui est important. Pourtant, ce à quoi on a affaire ici c'est bien l'assouvissement des pulsions d'un homme âgé sur un corps d'enfant sous prétexte que celui-ci a l'apparence d'un enfant, c'est du fantasme pédophile à peine camouflé. Le problème avait déjà été abordé et débattu pour l'anime Made in Abyss où l'auteur semble lui aussi bien enclin à l'érotisation des corps infantiles et à la sexualisation de héros-enfants.
Le problème est complexe car repose sur un ensemble de codes propre à un genre. On sait que le manga pornographique ou "hentai" est beaucoup plus "permissif" et ne se donne pas de limites pour explorer les fantasmes quand bien même ceux-ci seraient condamnés moralement (je pense notamment à la culture du viol, du consentement, de l'inceste, etc..). A ce titre, on pourrait défendre la position d'une liberté de tout représenter si celle-ci restait dans le média de la pornographie et encore cela poserait un débat de taille. Cependant on a ici affaire à un programme ouvert où le public sera aussi constitué d'enfants, d'adolescents que d'adultes, ce qui me semble problématique dans les représentations véhiculées qui sont travesties et pas véritablement "assumées". Alors que connaisseur du genre et de cette dimension sexualisante très présente dans le manga, les dérives du genre et la redondance de l'aspect pervers m'ont ici freinés, voir mis mal à l'aise pour ce que j'ai évoqué d'où ma note sévère malgré les qualité indéniables que l'on retrouve dans le travail d'animation de la part du studio.