Plata o plomo
Le pilote était très fort. Il y avait du Scorsese là-dessous, tant dans les procédés de narration que dans les sujets énoncés. On était alors pris d'un dilemme : la saison pourrait-elle continuer...
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le 21 sept. 2015
57 j'aime
4
Saison 1 ;
Après l'impressionnante réussite des deux "Tropa de Elite", on retrouve avec plaisir le duo Padilha - Moura à l'épicentre de la série Netflix "Narcos" consacrée à une reconstitution détaillée de la brillante carrière criminelle de Pablo Escobar à la fin du XXe siècle. Le ton de "Narcos" est quasi documentaire, ou en tout cas délibérément non-sensationnaliste, ce qui tranche agréablement avec les pratiques en usage dans l'univers sans pitié des séries TV : il s'agit ici de recruter et de fidéliser le chaland avec le récit obstiné de "la vérité", ou tout au moins ce que les Etats Unis, finalement vainqueurs du bras de fer avec le narcotrafiquant le plus riche et le plus puissant de l'histoire, pensent être la vérité... Et avouons-le, cette "vérité historique" est sufisamment énorme pour qu'en effet, on soit rapidement accro à son pouvoir addictif à elle, et que les 10 épisodes de cette première saison s'apparentent tout à fait à un rail de coke ! Wagner Moura cabotine un peu quand il s'agit de représenter les pétages de plomb de plus en plus sévères d'Escobar mais reste quand même joliment crédible en Colombien : c'est toujours un danger quand on utilise un acteur d'une autre nationalité, il y a d'ailleurs ça et là des acteurs latinos non Colombiens dont l'Espagnol passent beaucoup moins bien que celui de Moura, donc... chapeau ! La mise en scène est sèche, efficace et complètement en phase avec une narration classiquement au service des faits, et donc du projet général. On pourra quand même déplorer certains petits arrangements avec la vérité "connue", surtout au niveau de personnages rendus un peu trop "acceptables" pour le grand public : Escobar et sa famille étaient semble-t-il bien plus haïssables et abjects que leur représentation dans "Narcos", mais on peut comprendre que des portraits "à charge" auraient paradoxalement pu sembler trop manichéens ! On remarquera aussi que la série n'est pas tendre avec la politique de Reagan et avec les manipulations de la CIA, ce qui contribue à offrir un recul bien venu sur la situation colombienne, qui n'est pour une fois pas réduite aux habituels clichés vaguement racistes de circonstance. Bref, une oeuvre passionnante, pas forcément pour tous les goûts (on est loin ici des fables de Scorsese ou Coppola aux échos spirituels ou moraux...), dont on suivra avec intérêt la seconde saison. [Critique écrite en 2016]
Saison 2 :
Dans la ligne directe de la première saison, ce second volet de "Narcos" lui est légèrement inférieur dans à peu près tous les domaines : le cabotinage de Moura finit par incommoder, le rôle des deux agents de la DEA est beaucoup moins intéressant au sein d'une narration qui prend - logiquement tant elle est dantesque - le parti de raconter plutôt l'Histoire Officielle de la chute sanglante de Pablo Escobar et de l'avènement du "Cartel de Cali", et les partis pris de mise en scène sont moins saisissants, même si subsistent de nombreuses scènes explosives et mémorables. Heureusement, même si l'on s'est un peu ennuyé çà et là au cours de ces 10 épisodes, la dernière partie de cette saison, qui se recentre sur les aspects les plus médiocrement "humains" de la monstrueuse famille Escobar, retrouve une certaine grâce cinématographique. Qui permet en outre à ce volet de "Narcos" (car la série se poursuivra sans Pablo) de se conclure sur un sentiment ambigu de gâchis tranchant avec le "mood" conventionnel du genre. [Critique écrite en 2017]
Saison 3 :
Contre toute attente, la liquidation de Pedro Escobar semble avoir donné des ailes à "Narcos", la belle série de Netflix qui souffrait parfois d'un excès de respect envers les faits historiques, et d'une tendance lourde à la "pédagogie" quant au fonctionnement de l'empire disparu des narco-trafiquants de Colombie. En passant au récit de l'ascension et - surtout - de la chute du Cartel de Cali, hydre à têtes multiples et gérant un business moins flamboyant, plus pragmatique, plus moderne que celui d'Escobar, les scénaristes de "Narcos" semblent s'être libérés de l'ombre imposante d'un personnage historique trop envahissant, et nous livrent cette fois la chronique savoureuse et dévastatrice - même si moins originale - de la lutte de la DEA (en se centrant cette fois sur l'agent Peña, toujours aussi bien incarné par la révélation de la série, Pedro Pascal) contre les Frères Rodriguez, les "Gentlemen de Cali". Alternance ininterrompue de scènes de traque tendues, d’imbroglios politiques complexes et d'explosions de violence souvent insupportable, la troisième saison de "Narcos" est tout simplement une bombe : la combinaison parfaite entre un thriller divertissement haut de gamme furieusement crédible (filmage en Colombie, langue des protagonistes respectée, etc.) et un point de vue pertinent sur la pourriture contaminante d'un monde noyé sous l'argent et les compromissions en tous genres. Parfait ! [Critique écrite en 2018]
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Créée
le 16 déc. 2016
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2 commentaires
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