Nathan for you propose à des commerces en difficultés de rebooster leur C.A à l'aide de plan com ébouriffant ou d'une opération promotionnelle révolutionnaire. Et il va de soi que les commerçants qui acceptent les élucubrations de Nathan Fielder ne sont pas plus sérieux que cela (enfin j'imagine), et qu'ils se prêtent de bonne grâce aux stratagèmes absurdes durant une poignée d'heures pour bénéficier d'un passage à la télévision. Pour certaines PME c'est déjà ça de pris, même si ce n'est qu'une exposition réduite que leur offre Comedy Central.
Fielder peut être décrit comme un trentenaire canadien à l'aspect incroyablement banal, malgré son diplôme décerné par une des meilleures écoles de commerce canadiennes avec de très bonnes notes. Un visage souvent inexpressif à la limite du spectre autistique, des cheveux de plus en plus poivre et sel, des vêtements de garçon sage, d'où trop rien ne semble dépasser. Il paraît clairement dans la norme, sauf qu'il est plus barré que les faux excentriques à la con au look bariolé qui errent dans les vidéos Golden moustache ou de MacFly & Carlito. Il est dans tous les cas bien moins formaté dans son approche du rire. Ce Droppy ashkénaze reprend les codes de la télévision et des succes stories abondamment diffusées (the apprentice, cauchemar en cuisine...) pour les détourner d'une manière totalement inattendue.
Bien sûr, aucune des idées trouvées par Nathan pendant les 4 saisons ne va faire tomber le jackpot pour les commerces ciblés - mêmes si certains épisodes vont devenir viraux, et c'est là que le show devient génial. Comme il l'explique en interview, certaines idées de business actuels, nous auraient fait pouffer de rire il y a 20 ans. Et comme tout le monde a bien compris que le capitalisme n'avait ni règle, ni bienséance, et que tous les coups étaient permis, tous les pires stratagèmes sont dès lors admis. Fort de cette mise au point, Fielder peut proposer à ses clients "le buzz". Ce n'est pas du C.A assuré, mais c'est une exposition qui peut être profitable à contrecœur.
Si la qualité est variable, au regard du caractère incertain et des réécritures inévitables, certains épisodes spéciaux sont de véritables épopées (the claw of shame, the hero, The concept, Finding Frances ou le célèbre dumb starbuck). The anecdote a ma préférence. Invité chez Kimmel pour faire la promo de la 4e saison du programme, Nathan théorise sur l'importance d'avoir une bonne anecdote à raconter à cette occasion pour se présenter à son avantage.
Il va élaborer l'anecdote parfaite en se fondant sur des dizaines d'interventions de stars dans l'émission, dont les récits trouvent des constantes troublantes. Les histoires de bagages perdus à l'aéroport, de mariages, ou d'intervention de la police sur la route, un facteur que les stars adorent mettre en avant (la position de faiblesse devant l'autorité étant l'un des rares rapports sociaux que ces richissimes personnages peuvent partager avec le commun des mortels.) Et non content d'imaginer une anecdote alambiquée, il va faire en sorte de la vivre pour de vrai, afin de ne pas être suspecté de mensonge. Je vous laisse imaginer les étapes de cette coûteuse mise en scène, mais c'est un truc que je n'ai jamais vu avant à la télévision. Un esprit d'entreprise très aiguë au service de la blague.
Fielder a donc plus à voir avec Charlie Kaufman (adaptation, dans la peau de john malkovitch) qu'avec Raphaël Mezrahi.
Nathan for you est une formidable porte d'entrée à son univers torturé et rempli de dérision. Un "emotional midget" qui tape juste dans tous les registres. Et réussir à concilier le gag, l'observation, le comique de situation et le comique absurde est une sacrée performance. Une expérience télévisuelle mémorable qui mérite d'être vécue. Et il est assez intéressant de noter qu'une série comique s'arrête à son pic de créativité. C'est rare.