Douloureusement émouvante
Avant d’être une mini-série HBO, Olive Kitteridge est un roman d’Elizabeth Strout paru en 2008, puis couronné du prix Pulitzer en 2009. Après sa lecture, Frances McDormand en acquis les droits, proposant la réalisation à Lisa Cholodenko, avec laquelle, elle avait déjà tourné en 2002 dans « Laurel Canyon ».
Durant près de 4 heures, on va découvrir la vie d’Olive Kitteridge étalée sur 25 ans et magistralement interprétée par Frances McDormand, qui trouve là, un de ses plus grands rôles. Une femme dure et insensible, une épouse acariâtre, une mère froide, qui rejette son mal-être sur ceux qui lui sont proches, au risque de les blesser ou de les perdre, ne montrant que rarement, ses sentiments.
A travers l’histoire de cette femme, la série parle aussi de la vie de couple, de la difficulté de vivre et de vieillir ensemble. Le couple qu’elle forme avec Henry (Richard Jenkins), démontrent bien que les opposés s’attirent. C’est un homme sociable et prévenant, tout l’opposé de sa femme, dont les sorties en société, accentuent encore plus leurs différences.
Olive pousse à l’extrême l’expression « qui aime bien, châtie bien », même si elle ne fait pas preuve d’amour, du moins, pas en apparence. Olive est une femme amoureuse de Kim O’Casey (Peter Mullan), mais c’est aussi une femme d’une autre époque, qui ne quitte pas son mari. Elle fait souffrir ses hommes, de par son attitude, ses mots et ses choix de vie. Comme cette vie ne l’a rend pas heureuse, il en sera de même pour ceux qui l’entourent, du moins ceux qui sont trop près d’elle : son mari, son fils, son amant et ceux qui sont proches d’eux. Car Olive est aussi une femme jalouse et possessive. Elle n’aimera jamais les femmes qui entourent son mari : Denise (Zoe Kazan) qu’il embauche dans sa pharmacie et convoite du regard, ou les femmes qui vont partager la vie de son fils Christopher (John Gallagher Jr).
Frances McDormand est exceptionnelle dans ce rôle. Elle réussit à rendre un personnage fortement antipathique, presque sympathique. Malgré la violence de ses mots, de son regard ou de son rictus. Elle fait preuve d’un humour noir salvateur, face aux douleurs de cette ville, ou chacun semble souffrir de dépression. Les enfants lui demandant même, si elle n’est pas une sorcière, à la vue de son visage marqué par son mal-être.
L’ambiance est pesante et cette ville pluvieuse, n’aide pas à combattre la morosité qui s’installe au cours du récit. Mais à l’image du personnage d’Olive, des éclaircies apparaissent, même furtivement. On l’a doit à Henry, souvent émouvant, avec qui, l’on ne peut-être qu’en empathie et qui lui vole presque la vedette. Ce sont leurs confrontations qui sont les plus intéressantes, son fils Christopher ayant quitté le foyer familial et même la ville, surement pour échapper à cette mère castratrice.
La série, Olive Kitteridge, a un rythme lent, en osmose avec celui de cette ville et de ses habitants. Il ne s’y pas grand chose, c’est à l’image du quotidien. On côtoie une mère bipolaire et un fils suicidaire, à l’image de ce monde en souffrance. Pourtant, elle procure beaucoup d’émotions, l’œil devenant souvent humide et la gorge se nouant face aux drames qui se déroulent sous nos yeux.
Mais encore une fois, elle se sauve par la présence de Jack Kennison (Bill Murray). Un personnage aussi froid qu’Olive au premier abord, mais qui va apporter une touche de douceur bienvenue.
Olive Kitteridge est un personnage marquant, à l’image de Tony Soprano (James Gandolfini) dans « Les Soprano ». A la différence, qu’elle ne bouffe pas les autres interprètes, tous sont réussis et magnifiquement interprétés. Cela en est même frustrant de ne pas mieux les connaitre, de les voir plus souvent. Mais avec un format aussi court, il ne pouvait en être autrement, puis cela n’enlève rien à la réussite de cette série, bien mis en image par Lisa Cholodenko, tout en retenue, offrant parfois de beaux plans mélancoliques à travers les yeux d’Henry.
Un casting exceptionnel : Frances McDormand, Richard Jenkins, Peter Mullan et Bill Murray, entre autres. Pour une série exigeante, et de qualité, comme souvent avec HBO.