Je ne sais même pas par où commencer... Cette série frôle de très près la perfection, et Dieu sait que j'étais pas prêt ! Moi, je venais voir une petite série policière gentille, avec un humour dont j'espérais qu'il allait me faire rire même si Steve Martin, c'est un peu tout ou rien. Et je me suis retrouvé avec ce quasi-chef-d'oeuvre !
Only Murders in the building est un miracle. Un. Pur. Miracle.
Steve Martin et ses scénaristes ont trouvé le point d'équilibre parfait entre drame, humour et crime. Chacun de ces trois éléments est parfaitement valorisé dans cette série, qui témoigne d'une des écritures les plus subtiles que j'ai vues depuis très longtemps !
Bénéficiant d'une pléiade d'acteurs tous aussi exceptionnels les uns que les autres (et de seconds rôles géniaux tels que Nathan Lane, Tina Fey, Sting), la série de Steve Martin s'appuie sur un trio assez incroyable. On a déjà entendu parler de Steve Martin et Selena Gomez, et il faut déjà reconnaître qu'ils livrent peut-être ici la plus grande prestation de leur carrière. Mais le 3e - ô crime ! - je n'en avais jamais entendu parler. Or, Martin Short est indéniablement LA révélation de la série. Son rôle est absolument prodigieux et il l'habite avec une force étonnante. Pantin ridicule aux airs grandiloquents, il sait toutefois se montrer très tendre et délicat quand il le faut, là où Steve Martin joue plutôt un vieux au strict opposé, qui a l'air de ne rien savoir ressentir ou exprimer. Leur trio avec la jeune fille solitaire, victime d'un traumatisme qu'on découvrira peu à peu au fil du scénario est une merveille d'équilibre narratif.
Non seulement aucun de ces personnages n'est odieux, mais mieux, chacun a droit à un développement parfaitement soigné, laissant entrevoir les souffrances de ces personnages, qui ne se sont jamais totalement refermées et qui, en même temps, leur ont permis d'acquérir certaines forces très bien exploitées dans le scénario.
Il faut dire qu'en termes de rigueur, on a rarement vu aussi bien ficelé que ce scénario. Les éléments s'imbriquent les uns dans les autres avec une logique imparable, et chaque nouveau personnage qui débarque dans la série a une utilité, sans que jamais les scénaristes ne nous la fassent avec leurs gros sabots, en mode "deus ex machina" un peu artificiel...
Ici, plus le scénario avance, plus on est émerveillé de voir à quel point chaque détail est signifiant, plus qu'on ne le croyait quand on l'a vu. Avec ça, le récit fait preuve d'un humour et d'une tendresse pour chacun de ses personnages qui fait qu'on est littéralement obligés de fondre pour eux. Dès le premier épisode, on sent que tout a été pensé, et on s'attache à 200 % à chaque personnage principal, ce qui rend dès lors bien agréable notre avancée dans la série.
D'ailleurs, non content de lorgner du côté de la comédie et du policier, il est impressionnant de voir l'aisance avec laquelle les showrunners en profitent pour dresser un véritable portrait de société, utilisant leur résidence comme un miroir vraiment pas si déformant d'une société en pleine perte de sens, dominée par l'hypocrisie et l'ingratitude (les réunions de résidents figurent sans doute parmi les scènes les plus hilarantes de la série). Only Murders in the building se mue alors en impressionnante réflexion sur le deuil, la solitude, le handicap... et toutes sortes de barrières qui brisent les relations humaines, alors qu'il serait si facile de passer par dessus avec un peu de volonté. Cette introspection d'une rare puissance est sans nul doute ce qui tire la série à ce point vers le haut, d'autant qu'elle peut s'appuyer sur une forme irréprochable.
En plus de parsemer ici et là des indices subtilement utilisés, Only Murders in the building parvient à déployer une poésie inattendue. La mise en scène est certes très rigoureuse, mais elle peut en outre compter sur sa cohorte de scénaristes pour s'appuyer sur des effets d'une originalité inattendue, qui ajoutent une jolie touche surréaliste à un récit pourtant bien terre-à-terre. Que ce soit lors du final "en trampoline" du premier épisode, ou de la relecture d'une scène de crime en mode "répétition de théâtre", que Bugs Bunny et Porky Pig débarquent sans crier gare dans un épisode étrange ou qu'une chanson de Sting (dont le caméo physique est d'ailleurs hilarant) vienne briser la progression dramatique d'une scène tragique, Steve Martin se révèle un géant à la fois plein d'humour et d'humanité.
Le sommet de la série est sans doute cet épisode centré sur un personnage sourd-muet, qui s'appuie sur une gestion du son assez ahurissante, renvoyant au placard la scène la plus touchante de La Famille Bélier. Véritable pivot de cette première saison, cet épisode déchirant et presque entièrement muet réussit à nous faire passer en 30 minutes par tous les sentiments possibles et imaginables. On rit, on pleure, on est en colère, on est déprimés, on est pleins d'espoir, on est remplis de rage... tout cela à la fois !
Dans ces moments-là, alors oui, Only Murders in the building entre de plain-pied dans les terres du chef-d'oeuvre. Et encore, je ne suis pas revenu sur la dimension méta de la narration, non seulement très bien justifiée, mais aussi exploitée comme rarement une oeuvre cinématographique a su le faire.
Alors oui, Only Murders in the building est mon plus gros coup de cœur de cette année, et un de mes plus gros coups de cœur depuis très longtemps. Comédie policière brillante, drame humain puissant, bijou de mise en scène, cette série mérite largement le triomphe qu'elle a connu outre-Atlantique. Tout se goûte à fond dans cette série, et il est impossible de passer ce générique déjà culte, sur ce thème musical si reconnaissable...
Indéniablement, une grande série est née en 2022. Une série dont on espère qu'elle restera culte bien longtemps après sa fin...