Saison 1
En à peine six mois, la plateforme de VOD Netflix s'est classée comme l'un des piliers de la production de séries TV : amorcée par l'indéniable réussite House of Cards, la série de Fincher sera suivie par celle de Eli Roth Hemlock Grove qui a globalement reçu un accueil mitigé, mais sorti en parallèle de la quatrième saison de Arrested Development, près de sept ans après, grande réussite elle aussi. Alors qu'on attends Narcos (série sur Pablo Escobar) et Sense8 (la série de sci-fi des Wachowski) pour l'année prochaine, cet été 2013 a vu la diffusion de Orange is the New Black, nouvelle série de Jenji Kohan, créatrice de Weeds, qui suit l'histoire vraie (adaptée du livre réel du personnage principal) d'une jeune femme envoyée dans une prison féminine, et de son année dans le quotidien carcéral.
D'ors et déjà : Orange is the New Black n'a rien d'un Oz, et encore moins de rapport avec un Prison Break. La série est une comédie dramatique et en reprend les codes - humour léger, scènes teintées de drame de temps en temps, mais surtout souvent un aspect feel good movie loin d'être déplaisant. C'est super bien interprété par l'intégralité du casting, mais surtout, le plus important, les personnages, avec qui on est 24/24, sont clairement de grandes réussites. La plupart inspirés de personnages réels (puisque adapté d'un livre autobiographique) et ça se ressent : chacun a son histoire, sa personnalité, et si on a le droit à quelques clichés, ils sont toujours teintés et on les oublie assez rapidement.
C'est super bien écrit : les dialogues fusent, y a très rarement une scène inutile et on a jamais l'impression d'avoir affaire à un bête remplissage (le format de Netflix exclu cette possibilité), et il faut dire que c'est tellement bien construit que les épisodes s'enchaînent sans pause, on se prend à regarder à la suite trois, voir quatre épisodes sans ressentir le besoin de sortir de la prison de Litchfield. Y a une réelle créativité tant dans l'aspect "comique" que dans l'aspect plus tragique (et des flashbacks, notamment ceux de Janae Watson - la championne d'athlétisme, qui hérite de probablement l'un des meilleurs épisodes de la saison - et Miss Claudette - qui se classe automatiquement comme mon personnage favori du show).
Dans tous les cas, Orange is the New Black est clairement l'une des meilleures - si ce n'est la meilleure puisque Under the Dome est clairement décevante et on est trop tôt dans Siberia pour se fixer un avis définitif dessus - des séries de cette période estival. Netflix frappe fort en proposant un show original (la prison pour femme : thème quasiment jamais utilisé au cinéma ou à la télévision), divertissant et addictif, porté par un casting splendide, des personnages géniaux et une maîtrise de l'écriture. Une fois l'exceptionnelle dernière scène arrivée (qui pour le coup, rappelle pour la première fois les moments de génie d'Oz), on ne veut qu'une chose : être déjà en été 2014, et pouvoir savoir la suite, tant ce "coup d'essai" de Netflix dans le genre est transformé en "coup de maître" par une Jenji Kohan visiblement très inspirée.
★★★★★★★☆☆☆
Saison 2
Belle surprise de l'année passée, Orange is the New Black avait réussi à démontrer un potentiel évident lors de sa première saison. Attachante, drôle et touchante, la nouvelle création de Jenji Kohan débordait d'une originalité et d'une ambiance euphorisante en plus d'allier avec une aisance très rare la pure comédie et la tragédie. Imparfaite, certes, mais véritablement rafraîchissante et qui venait compléter avec brio le catalogue Netflix. Cette saison deux était donc attendue avec une impatience non-dissimulée, déjà parce que Orange is the New Black est le genre de série qui vous manque d'une saison à l'autre, et aussi parce qu'au vu de la dégringolade de House of Cards lors de sa deuxième salve d'épisodes, on attendait de voir si 2013 avait été un miracle du côté de la plateforme de VOD, ou si le show de Willimon n'était qu'un cas isolé.
Passé une entame un peu brouillonne et bordélique - avantage et limite du format de diffusion Netflix qui peut se permettre de prendre son temps à introduire son intrigue - Orange is the New Black, saison 2, finit par décoller. Rapidement le ton est posé : ce nouveau cru sera beaucoup plus sérieux que le précédent. La série ne tourne pas le dos à son humour, mais son atmosphère légère devient plus nuageuse, la tension monte, le fond est plus grave, les sujets abordés le sont avec beaucoup de gravité. La petite guerre des gangs qui fait rage à Litchfield (on reste loin de Oz, hein) donne à cette saison une violence et un suspense presque inexistant de la précédente. Le plus fort, c'est que ça marche à merveille. On regrettera surtout qu'il ait fallu attendre la mi-saison pour que tout s'enchaîne enfin, mais ne boudons pas notre plaisir : Orange is the New Black a su gérer ce virage narratif avec une maîtrise admirable.
Les quatre ou cinq derniers épisodes sont d'ailleurs à cette image : intrigues croisées passionnantes, rebondissements inattendus mais bien amenés, et surtout une résolution décapante, leçon de vie simple mais d'une sincérité qui fait véritablement plaisir à voir dans un paysage audiovisuel de plus en plus tourné vers le second degré de lecture. Cette conclusion était magnifique et cohérente, probablement l'une des plus belles et émouvantes de la saison séries.
Impossible de ne pas parler de la qualité stratosphérique du casting, tout juste impeccable. Aucun faux pas dans les interprétations, tant dans les rôles principaux que secondaires - les acteurs et actrices donnent véritablement vie à leurs personnages, chacun a droit à son moment de gloire (et ce malgré quelques flashbacks plus intéressants que d'autres).
C'est là le problème de la diffusion à la Netflix : le buzz est fort et intense, mais terriblement court. Cette saison 2 s'enfile en quelques jours, mais ce binge-watching empêche finalement aux intrigues et aux images de véritablement s'imprégner du spectateur au long terme. Même si ces séries sont conçues dans cette optique, cette dernière possède des limites assez importante et c'est peut-être à cause de cela que Orange is the New Black marquera moins que d'autres programmes. N'en demeure pas moins une saison deux de très bonne qualité, à défaut d'être excellente car souffrant d'une entame un peu molle, se terminant en tout cas sur une scène finale pleine d'espoir et surtout d'attentes pour la saison trois déjà annoncée pour l'an prochain.
★★★★★★★☆☆☆
Saison 3
Après deux très bonnes premières saisons, Orange is the New Black est devenu l’un des rendez-vous annuel préféré des amateurs de série : personnages passionnants, fraicheur des intrigues mêlée à des évolutions plus pessimistes – la série de Jenji Kohan était surement devenue l’une des œuvres les plus humaines de la télévision, et ce en s’intéressant à des femmes théoriquement dangereuses, pour elles-mêmes et pour les autres.
C’était intéressant car Orange is the New Black se servait de la personnalité de ses protagonistes – de leurs défauts et de leurs qualités – pour les amener à ce qui semblait être pour le spectateur une véritable fatalité, alors que les scénaristes s’essayaient avec finesse à faire mentir le destin. Le problème de cette saison trois c’est qu’elle dit au revoir à toute forme de subtilité, prenant parfois presque une forme d’allégorie absurde où les personnages interagissent selon le cahier des charges du pilote : les contrôlés deviennent contrôleurs, les exclus s’intègrent, et cetera. Tout en devient profondément prévisible, et par conséquent ennuyant, car en plus de ne jamais surprendre sur la destination, Orange is the New Black se repose aussi sur sa forme. Il n’y a plus de vie, plus d’idées, ou alors très mal exploitées (parfois qui plus est handicapées par une mise en scène affligeante).
L’autre gros problème cette année, c’est l’introduction des arcs, et l’introduction de leurs résolutions ou rebondissements. On sait rapidement où les scénaristes nous emmènent, ils font d’ailleurs du surplace pendant plusieurs épisodes avant de brutalement embrayer sur un élément déclencheur sorti de nulle part, comme si on venait de faire un bond dans le temps. Les évolutions sont saccadées, peu crédibles, et finalement incohérentes. C’est dommage car le format de diffusion de Netflix permet justement une construction au long terme plus solide, se basant sur la continuité.
Une troisième saison qui voudrait apparemment parler de religion et de croyance. Vaste terrain épineux qui aurait mérité l’écriture des années passées, mais l’instabilité qualitative de la série et son casting plus que jamais en dents de scie auront fini d’endormir le spectateur dans des arcs inaboutis, accumulations de choix trop soudains et de tentatives d’humour ou d’émotion lourdingues.
Orange is the New Black vient-elle de sauter le requin ? L’affreuse avant-dernière scène de l’ultime épisode est peut-être son arrêt de mort. Dans tous les cas, on croise les doigts pour que ce cru 2015 ne soit qu’un passage à vide et non la saison de trop. A oublier très vite.
★★★★☆☆☆☆☆☆
Saison 4
Après un troisième acte aussi décevant qu’inepte, on attendait de Orange is the New Black qu’elle retrouve les couleurs de ses premières saisons tout en parvenant à renouveler ce qui était devenu une routine scénaristique : l’impression que les personnages et leurs évolutions avaient déjà atteint leur climax à la fin de la saison 2, complétée à celle que la création de Jenji Kohan avait « sauté le requin » plus tôt qu’on ne l’aurait prévu.
Il y a, dans cette saison 4, un semblant d’amélioration. Les scénaristes semblent toujours parvenir à dénicher des fils rouges vaguement inventifs. Pourtant, derrière la bonne tenue des intrigues, difficile de ne pas regretter la fadeur des têtes d’affiche sur lesquels la série ne semble plus avoir grand-chose à dire. Une difficulté certaine pour une œuvre qui se repose autant sur la qualité des protagonistes, et qui n’est pas sans rappeler les deux dernières saisons de son homologue masculin, Oz, dont les deux dernières années n’avaient trouvé comme moteur narratif que l’arrivée régulière de nouveaux prisonniers.
Le point fort de cette nouvelle salve d’épisodes, c’est qu’elle parvient à équilibrer deux de ses facettes avec pas mal de réussite : celle du soap lors des premiers épisodes, qu’elle assume pour la première fois totalement, et celle du mélodrame en fin de saison, avec tous les rebondissements et procédés tire-larmes qu’on était en droit d’attendre d’elle. En faisant cohabiter ces deux aspects, Orange is the New Black contente les deux extrêmes de son audience tout en se heurtant à une problématique de forme : à jouer sur tous les fronts, elle perd de sa subtilité. Les méchants sont nanardesques, les séquences émotions poussives et prévisibles – cela n’empêche pas la machine de fonctionner : entre quelques épisodes qui frôlent parfois la catastrophe, Orange is the New Black livre quelques scènes remarquables.
Difficile de prendre du recul sur une saison aussi irrégulière qu’anecdotique. Cela est certes plus réussi que l’an dernier, mais on s’inquiète que la dramédie Netflix ne se heurte bientôt à un mur : a-t-elle encore beaucoup à raconter ? Car cela commence à sérieusement tourner en rond, et on voit difficilement la prison de Litchfield parvenir à être encore pertinente en 2019 – puisqu’elle a été renouvelée jusque-là. Peut-être faudrait-il qu’elle apprenne à abandonner ou transcender ses protagonistes, dont la plupart ne sont guère plus que des stéréotypes de ce qu’ils étaient dans le pilote.
★★★★★☆☆☆☆☆