Oz
8.4
Oz

Série HBO (1997)

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Un premier pari très réussi pour HBO (saison 1)

Les intentions du créateur et enjeux de la série
Tom Fontana situe sa série dans le Oswald State Correctional Facility, une maison d’arrêt de haute sécurité surnommée par ses occupants « Oz ». Il invente au sein de ce centre pénitentiaire fictif, un quartier expérimental appelé Emerald city. Des repris de justice violents y sont assignés afin d’être accompagnés personnellement dans leurs réinsertions. A travers ce bloc de la prison, Tom Fontana présente des réflexions sur la société américaine. Ses personnages vivent dans un univers empreint de tensions raciales, dans lequel la violence des gangs fait rage, la religion chrétienne est très présente, et les décisions politiques sont souvent conservatrices. Ce cadre lui permet même de prendre des positions tranchées sur des débats contemporains comme la peine de mort, l’homosexualité ou les systèmes pénitentiaires. Oz s’intéresse aux rebuts de la société, avec l’ambition de leur dresser des portraits humains. A travers eux, on appréhende certaines personnalités torturées, ainsi que le traitement que leur réserve la justice américaine. On réfléchit aux difficultés de la vie en collectivité, notamment en milieu carcéral. La confrontation entre Léo Glynn le directeur de la prison, et Tim McManus le responsable d’Emerald city, met en exergue ces questionnements : une vision de la justice ferme et protocolaire s’oppose à un idéalisme humain et naïf. Oz philosophe sur des hommes et leur société, aussi brutaux et violente soient-ils.

Le ton de la série
La première série produite par HBO doit surprendre à sa diffusion en juillet 1997. Elle doit convaincre le public des paris originaux qu’est capable de faire la chaîne de télévision payante. Tom Fontana adopte alors un ton particulièrement identifiable. Oz affiche un réalisme sans concession du milieu carcéral, tout en proposant une violence extrême qui classera la série TV-MA (conseillée au plus de 17 ans). Les affiliations des détenus aux gangs et leurs caractérisations marquées créent un contenu facilement accessible, notamment aux plus jeunes (17-25 ans). L’écriture des épisodes donnent également un ton particulier à la série. Très peu de perturbations narratives bouleversent la chronologie des péripéties. De nombreuses ellipses permettent un enchaînement rapide des actions. Les différents arcs narratifs de la série se développent en parallèle, progressant simultanément à chaque diffusion. De plus, chaque épisode groupe les différentes péripéties qui le composent sous une thématique générale, souvent déclinée dans le titre. D’autres partis pris scénaristiques concernant les personnages renforcent ce ton original. Oz se passe de tout héros ou antihéros. Il n’y a pas de mission à accomplir à Emerald city, le bien et le mal se confondent d’ailleurs bien souvent. De courts flashbacks mettent en scène les crimes pour lesquels les prisonniers ont été condamnés et donnent un aperçu de leurs « backstories ». Le personnage d’Augustus Hill est à la fois détenu d’Emerald city et narrateur extra-diégétique de la série. Le personnage d’Arnold « Poet » Jackson est joué par un véritable poète qui a pu réciter ses propres textes dans plusieurs épisodes.

Moteur de l’histoire de la première saison
La première saison est construite sur le modèle du scénario catastrophe. Dès le premier épisode, Tim McManus annonce en parlant du gouverneur Devlin : « Il a aboli tous les avantages des prisonniers. Il va rétablir la peine de mort. Il va réduire nos budgets, déclencher une émeute. ». Le risque d’un soulèvement des détenus d’Emerald city devient donc une menace qui plane sur chacun des huit épisodes. Ce danger constant constitue le moteur de l’histoire, car il génère une montée en puissance (diesis) créatrice de suspense. On attend avec appréhension la crise-résolution (lusis), qui clôturera cette première saison. Une possible émeute est en effet mentionnée dans différentes intrigues et intimement liée à certaines arches personnages. Pour Tim McManus, la guerre qui éclate entre le clan des italiens et celui des afro-américains pourrait déboucher sur une émeute générale. De même, les décisions du gouverneur Devlin engendreraient un climat de tensions, propices au déclenchement d’une révolte. L’imam Kareem Saïd menace quant à lui Tim McManus et Léo Glyn dès le premier épisode d’une possible rébellion, et n’aura de cesse de contester leur autorité toute la saison.

Le travail sur les arches personnages de la première saison
Tom Fontana expose avec habileté une grande galerie de personnages évoluant dans l’exiguïté d’Emerald city. Ils se côtoient chaque jour, luttent pour un pouvoir insaisissable et concluent des alliances éphémères. Afin d’être clair et d’assurer le bon déroulement des arcs narratifs de la première saison, l’auteur a écrit des arches personnages très précises. De cette manière, différentes intrigues peuvent réunir un grand nombre de protagonistes sans embrouiller le spectateur. Tom Fontana peut même s’autoriser des parenthèses dans le récit, en sachant que ces digressions n’obscurciront pas la compréhension des intrigues. Chaque protagoniste possède une trajectoire intelligemment déterminée par ses caractéristiques propres : forces et faiblesses, aspirations et angoisses, idéaux personnels. De ce fait, les arches sont tout à fait crédibles. Karim Saïd par exemple, entre à Emerald city avec l’intention de « aider ses frères à mener pleinement leurs vies » et de prendre le contrôle d’Oz. S’appuyant d’abord sur son charisme et son érudition, il ne fera pas usage de violence pour s’imposer. Néanmoins, lorsqu’il sera ébranlé dans ses certitudes, il recourra à d’autres méthodes pour arriver à ses fins. Certains protagonistes deviennent même de véritables personnages multidimensionnels, possédant plusieurs évolutions au long de leurs trajectoires. C’est le cas de Tobias Beecher. Anxieux et préoccupé à son arrivée, il s’avachit à mesure des déconvenues et des sévices que lui inflige Vernon Schillinger. L’avocat radié du barreau s’enfonce graduellement dans la drogue, jusqu’à ce qu’un entretien au parloir le bouleverse. Il s’endurcit alors au prix d’un certain déséquilibre mental. La nouvelle terreur entreprend de se venger de son ancien tortionnaire. En dehors de ces grandes arches qui créent une armature solide pour construire les arcs narratifs de la saison, des personnages secondaires assez travaillés offrent leurs lots de surprises. Certains d’entre eux possèdent une présence à l’écran importante comme le doyen d’Emerald city Bob Rebadow, d’autres n’apparaissent que le temps de développer une intrigue précise, à l’instar du musulman belliqueux Huseni Mershah (épisodes 6 et 7).

Arcs narratifs majeurs et intrigues de la première saison
Le scénario de ces huit épisodes se concentre principalement sur trois arcs narratifs majeurs. Le premier met en scène les têtes pensantes des clans italien et afro-américain, ainsi que Ryan O’Reilly. La mafia et le gang de rue se mènent une guerre de représailles sans merci pendant les quatre premiers épisodes. Le conflit perdure de l’épisode 5 à 7 autour du contrôle du trafic de drogue. Ryan O’Reilly joue les agents doubles afin de tirer parti de cette situation. Le deuxième concerne les personnages de Vernon Schillinger et de Tobias Beecher. Le chef de la fraternité aryenne a décidé de faire du nouvel arrivant sans défense son souffre-douleur. Les rôles s’inversent lorsque celui-ci se rebelle. Enfin, le dernier se cristallise autour du personnage de Karim Saïd, qui gagne progressivement de l’influence à Oz, aux dépens de l’administration pénitentiaire. Le génie de Tom Fontana réside dans sa capacité à entremêler ces arcs. Le créateur de Oz les maîtrise parfaitement de bout en bout, ce qui lui permet de créer des scènes cocasses où des détenus qu’on ne soupçonne pas de se fréquenter se lient d’amitié. Ryan O’Reilly demande à Tobias Beecher de revoir son procès, en échange de quoi il lui fournit de la drogue. Les deux détenus finissent par se côtoyer. Certaines intrigues servent même plusieurs arcs narratifs, comme la quête de spiritualité de Jefferson Kean, qui concerne à la fois la guerre de représailles et le gain d’influence de Karim Saïd. Les membres de l’administration pénitentiaire permettent également à l’auteur de lier tous ces arcs entre eux : Sœur Pete Reimondo, Ray Mukada ou le docteur Nathan interviennent dans de nombreuses scènes en ayant peu d’effet concret sur le développement des péripéties. Ils suscitent chez le spectateur des questionnements sérieux propres à chaque épisode et participent à créer l’ambiance générale de Oz. Emerald City est une grande machine dont le créateur a pensé tous les rouages au millimètre près. Il en résulte une narration bien huilée qui fonctionne à la perfection, au plus grand plaisir du spectateur !

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9

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Créée

le 30 déc. 2023

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