Gogeta émotionnel
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le 15 mai 2022
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A la définition du mot “sublime”, il risque dorénavant d’y avoir une occurrence à la série d’Apple, PACHINKO. Par sa sobriété et sa justesse, elle atteint des sommets d’émotion pour, à bien des moments, tutoyer le suprême degré du beau.
Au début des années 1930, Sunja naît dans une Corée sous occupation japonaise. En 1989, à la veille de l’explosion de la bulle spéculative japonaise, Solomon gère un dossier brûlant pour une grande compagnie immobilière à Osaka. A travers le parcours de cette famille coréenne, Min Jin Lee, auteure du roman à la base de la série, dresse le portrait d’hommes et de femmes face aux affres de la vie. Surtout, PACHINKO dissèque les conditions sociales et les imbroglios familiaux de ces coréens apatrides, les zainichi. Un récit dense qui s’étale sur plusieurs décennies et générations dont les histoires de chacun se télescopent pour rappeler combien la vie se joue parfois de nous alors qu’on pense la maîtriser. Dans sa construction, la série évoque à bien des égards LE PARRAIN - PARTIE 2 de Coppola et sa saga familiale - la mafia en moins. Sauf que la froideur et les tourments des Corleone n’a d’égale que la chaleur et la profonde empathie des Baek.
La vie ne fait malheureusement pas de cadeaux, mais est-il possible d’y trouver de la joie ? C’est une question à laquelle vont se confronter Sunja, Mozasu et Solomon, d’autant plus avec cet héritage culturel si lourd à porter dans un Japon xénophobe. La question de l’identité et de sa place dans le monde prennent alors un tout autre sens pour les Baek dont l’universalité émeut. Là où certains se seraient vautrés dans le pathos, PACHINKO s’attache à la quotidienneté et au trivial pour conter la beauté de la vie malgré ses difficultés. Comme le sous-entend le fabuleux générique au son du “Let’s live for today” des The Grass Roots, les Baek parviennent à laisser l’Histoire de côté pour s’aimer. Une magistrale leçon de résilience sublimée par la réalisation de Kogonada et Justin Chon. Le premier use de cadre fixe et d’un élégant classicisme pour conférer un opératisme à cette saga familiale alors que le second use davantage de ses mouvements pour insuffler de l’énergie. Dans tous les cas, chacun d’eux magnifie la campagne coréenne ou l'effervescence d’Osaka ou Tokyo. Surtout, les deux cinéastes s’accordent à merveille dans une harmonie visuelle du plus bel effet où judicieux choix de montage et de saisissants fondu enchaîné font se répondre des instants de vie.
Le déchirement entre deux identités, la lutte intestine pour sauver sa dignité et sa famille ou encore le combat de chaque instant contre le déterminisme sont autant de thématiques si brillamment abordées qu’il est impossible de ne pas être ému. Ce récit humain, plein de vie et débordant de sincérité, renvoie à son titre si évident. Le pachinko est un jeu de hasard où une bille tombe et se heurte à des clous pour peut-être obtenir une récompense. Dans le premier épisode, un personnage déplace un clou de quelques centimètres. Une superbe métaphore de nos vies où le moindre obstacle sur notre chemin ou la moindre décision peut déclencher une réaction en chaîne sur des décennies. Malgré tout, le libre-arbitre demeure dans ce temps si étriqué que sont nos vies. Une idée qui s'illustre dans l’histoire des Baek au travers de rebondissements non pas extraordinaires, mais d’un prosaïsme à la beauté folle tant leurs vies peut dans un certain sens être la nôtre.
Cette première saison offre une voix à toutes ces familles coréennes, et plus particulièrement ces femmes incroyables, s’étant battues avec dignité pour vivre. Et derrière ce microcosme ici dépeint, PACHINKO parvient même à toucher du doigt une certaine vérité de l’existence.
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Créée
le 28 juin 2022
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