Tout « Patrick Melrose » est dans cette réplique. Acerbe, provoc, toujours pertinente et surtout jamais gratuite, la série n'a pas peur de s'engouffrer vers des chemins de traverse, faisant parler son formidable savoir-faire « british » pour nous offrir ce récit presque cinématographique, le très grand soin apporté à la photographie, aux décors et, bien sûr, aux dialogues l'amenant vers un portrait à la fois « trash » et délicat, où chaque nouvelle épisode apporte un grand éclairage sur la personnalité de celui-ci. Justement parce qu'il est agaçant, irritant, imbu de lui-même et tout à fait conscient de l'être, Patrick ne l'est en définitive jamais : on le comprend, on le soutient, et ce alors qu'il s'agit quand même à la base des états d'âme d'un grand bourgeois se complaisant dans la consommation de drogue, ce qui n'était donc pas gagné.
À l'instar d' « Un jour », roman écrit par David Nicholls, ici scénariste, le choix est fait de nous présenter cinq jours-clés dans la vie de notre héros, pour des raisons évidemment différentes à chaque fois et s'étalant sur de nombreuses années (environ quarante), le premier épisode restant à ce titre un vrai sommet dans le registre
de la débauche et de la perdition totale,
là encore presque totalement assumée. Pas mal de méchanceté, notamment à travers l'hallucinant Nicholas (brillamment interprété par Pip Torrens), de souffrances intérieures, caractérisées par un père destructeur (Hugo Weaving, glaçant) et une mère aussi
toxique que mal-aimante,
non moins brillamment interprétée par Jennifer Jason Leigh.
Mais cette méchanceté a toujours un sens, une justification dans l'intrigue, notamment quant aux névroses (nombreuses) de notre héros et ainsi justifier ses débordements réguliers. Cela n'empêche pas une certaine douceur, voire de la tendresse, notamment dans les troisièmes et cinquièmes épisodes, respectivement la
première rencontre avec sa future femme et leur séparation apaisée entrouvrant un espoir de réconciliation.
Dans le rôle-titre, Benedict Cumberbatch, cabotin en diable, jamais loin de l'outrance, livre une prestation « bigger than life » qui aurait tourné au désastre avec un comédien moyen, fonctionne fort bien avec lui. Une série courte mais au long cours, prompte au grabuge et à l'excès, mais constamment pertinente dans ses choix et son évolution, avec en prime un portrait au vitriol d'une société (notamment bourgeoise, mais pas que) en pleine déliquescence morale, n'empêchant toutefois jamais
l'humain d'émerger au meilleur moment :
troublant, marquant.