Pendant des années, j’ai arpenté les classements des “meilleures séries comiques qu’il faut avoir vues impérativement”. À la recherche du frisson inconnu, ou d’un produit de substitution aux séries usées jusqu’à la corde (la Sainte Trinité : Seinfeld, Curb your enhusiasm, the office UK). Et pendant des années, je suis tombé sur les mêmes sempiternels noms : Arrested developpement, Parks and recreation, Always sunny in Philadelphia, Friends, the big bang theory.
On m’a conseillé Fleabag 500 fois, on m’a conseillé Community 1000 fois, j’ai essayé Vampire en toute intimité, j’ai subi le pathos dégoulinant de Scrubs, et le Brooklyn 9.9 de l’abominable Adam Sandberg, je suis mort d’ennuis devant Space force, et j’ai été déçu devant Spaced.
Je ne compte plus mes tentatives infructueuses devant des séries cataclysmiques qui devraient terrer de honte leurs auteurs dans un bunker mental qui sent l’urine jusqu’à l’âge de la retraite : Aunty Donna's Big Ol' House of Fun, the pentaverate, the orville, brewsbrothers, great news....
Bref, j’ai vraiment tendu l’oreille, avec plus ou moins de bonheur, aux conseils des gens bien intentionnés persuadés de connaître leur affaire en matière de série comique. Mais aucune de ces personnes ne m’a jamais parlé de Peep Show. Série anglaise de la Channel 4 lancée en 2003, aux 9 indispensables saisons.
La série de Jesse Armstrong (Succession) et Sam Bain est le secret le mieux gardé d’Angleterre. En France du moins, peu de gens semblent célébrer ce pur chef d’œuvre de causticité et de noirceur. Pourtant, le pitch de base ne fait pas d’étincelles : la vie terne et constellée d’échecs de deux colocs névrosés à l’ultime degré. Deux façons de perdre diamétralement opposées. Mark Corrigan (David Mitchell) est l’Anglais définit par John Cleese, à savoir un compatriote dont le seul objectif est d’atteindre la tombe sans avoir éprouvé le moindre embarras en public. Un triste employé, en costard qui s’efforce de vivre son absence de vie sentimentale ou sociale le plus normalement du monde. Passionné par les biographies de figures historiques guerrières, le film Das Boot, les jeux de plateau et la masturbation.
Il partage son appartement avec Jez (Robert Webb), artiste raté qui vit à ses crochets. Un parasite branleur, menteur pathologique et passionné par les drogues et ... la masturbation. On pourrait penser que ces “El Dude brothers (Hinnnnn hinnnnnn)” ne sont guère originaux. Les losers et les branleurs étant les profils que l’on rencontre le plus en comédie populaire facile. Et si ce duo est devenu légendaire en Angleterre et chez moi, c’est en raison de deux facteurs :
- Le talent inouï des deux comédiens qui méritent une pluie de récompenses pour leur performance.
-Les dialogues imparables concoctés par Armstrong et Bain. Et surtout les monologues in petto des deux "héros", un océan de remarques acerbes vraiment hardcore.
On peut parler de trio, car une autre figure délirante vient se greffer à ce couple malade : Super Hans (Matt King), ami immoral de Jez. Un crackhead lunaire à la fois flippant et touchant par certains aspects. Il est à l’origine de quelques-unes des meilleures répliques de la série (DES séries ?). Ses jugements lapidaires sur ces rivaux musicaux plus doués sont mémorables “You can’t trust people Jeremy, they vote for Hitler and like Coldplay”. Toujours en quête de drogues ou de plans foireux, Matt King impose son regard intense "bleu piscine" aux spectateurs, c’est Pete Doherty avec le regard de Michel Morgan. Les seconds rôles sont d’ailleurs au diapason. D’Olivia Coleman - qui a fait la grosse carrière que l’on sait - en Sophie, crush de Mark avec un problème de boisson, à Joseph Patterson en cadre carnassier et supérieur hiérarchique impitoyable de Mark, en passant par les conquêtes de Jez inexplicablement sublimes (Big Suze, Nancy, Elena, Zahra, comment ce con de Jeremy a t’il fait ?!)
Mais comme beaucoup de séries supérieures, Peep Show n’est pas à mettre entre toutes les mains. Le ton de la série est souvent sombre, et dépressif malgré les gags enfantins. Ce n’est pas aussi sale qu’un sexodrome de Pigalle, mais les personnages expérimentent à la déchéance à chaque épisode. Et je n’ai pas abordé la question du titre énigmatique et répugnant. C’est en référence au style de réalisation. Le spectateur étant placé dans la peau des personnages, à la façon d’un FPS de jeux vidéo ou certains passages de Dans la peau de John Malkovitch. Ce qui est bizarre au début devient absolument évident après une poignée d’épisodes, au point de se demander pourquoi ce style n’a pas fait école.
Étant complètement révolté par l’absence de reconnaissance. Je harcèle littéralement toutes les personnes autour de moi à ce sujet. J’en ai fait un combat personnel, comme la protection des larves de moustiques par Aymeric Carron ou le droit de mourir branlé en Suisse ou en Belgique de Houellebecq.
Regardez Peep Show, c’est un ordre. Mais j’ai une confiance limitée en vous, on ne peut pas faire confiance aux gens, ils ont voté pour Hitler et ils aiment How i meet your mother.