La première itération de Penny Dreadful, avec ses qualités et ses défauts, avait dans tous les cas une fin qui laissait sur sa faim. Pour des raisons obscures, le dernier épisode de la saison 3 concluait la série sans prévenir, laissant bien des intrigues non-résolues, alors que les téléspectateurs s'attendaient à au moins deux saisons de plus.
Il est donc plus intriguant encore de voir la marque revenir dans une nouvelle histoire, toujours chapeautée par John Logan. Quelle que soit la raison de la supposée annulation masquée de la première série ou celle de cette nouvelle création, nous voilà face à la proposition d'une série qui ne se passe pas dans l'univers de sa grande sœur (et reprend même l'acteur Rory Kinnear dans un rôle totalement différent).
La gothique Londres victorienne crasseuse et fantasmée où se côtoient vampires et loup-garous est plus ou moins aux antipodes d'une Los Angeles des années 30 arpentée par les policiers, les malfrats, les évangélistes et les nazis.
City of Angels (honnêtement, le "Penny Dreadful" n'est là que pour le merchandising) nous entraîne dans l'histoire de Tiago Vega, premier policier mexicain de Los Angeles, qui est déchiré entre sa communauté et son milieu professionnel raciste et xénophobe.
Dès sa prise de fonction, il s'en prend plein la gueule en faisant face au meurtre d'une famille blanche mis en scène façon Santa Muerte, puis aux émeutes provoquées par un projet d’autoroute controversé traversant le quartier Mexicain de L.A..
Ça, c'est pour l'aspect terre-à-terre de l'intrigue.
La justification du "Penny Dreadful" se trouve dans le pan surnaturel de la série : un combat entre deux entités (j'ai pas trop compris ce que c'était), deux sœurs anges/démons, l'une de la mort (la gentille Santa Muerte) et l'autre qui veut juste foutre la merde (d'après internet elle s'appelle Magda).
Se sentant rejetée par sa sœur, Magda veut apparemment se venger en faisant mourir plein de monde. Pour ce faire, elle va pousser les diverses communautés de L.A. à cultiver leur haine, en prenant des formes différentes (trois pour l'instant) pour s'infiltrer parmi eux, le tout sur fond de Seconde Guerre Mondiale imminente.
Ce qui a donc une incidence directe sur la vie de Tiago et sur les événements qu'il doit affronter.
Voilà. L'intrigue a certes l'air assez barrée comme ça. Mais j'ai tout de même trouvé la série très bien ficelée.
Bénéficiant visiblement d'un budget plus que correct (décors, réalisation, costumes, musique...), et d'un casting assez anonyme à l'exception de Natalie Dormer, la série m'a vite happé et je me suis rapidement attaché aux personnages, qui s'ils ne sont pas toujours très bien écrits sont joués avec brio, de la mère de Tiago aux deux frères Craft, en passant par le flippant petit Frank, la mafioso Benny Berman ou encore la mémé Dottie.
Même si j'ai trouvé la performance de Daniel Zovatto, l'interprète de Tiago, au-dessus du lot.
Tout comme dans la première série, l'écriture de John Logan est plaisante mais parfois pompeuse. Les dialogues à rallonge parfois excessivement niais (entre Tiago et Molly l’évangéliste notamment) côtoient une noirceur et une violence qui a été concentrée pour la plupart en un épisode (le quatrième je crois) où la violence et le sexe sont plus présents que dans tout le reste de la série.
Cette écriture parfois maladroite et caricaturale n'est pourtant pas omniprésente et permet aussi, outre le plaisir coupable de voir des personnages mal dégrossis (Kurt est le pire), de créer un contraste intéressant lorsqu'elle devient plus subtile et travaillée, et tout simplement de créer des situations fortes en drama (il faut aimer).
À l'instar de la grande sœur, City of Angels nous présente donc des personnages et un monde tantôt présentés comme cruels et impitoyables, tantôt sensibles et humains, voire fragiles, au prix parfois de la crédibilité.
Toujours est-il que cette série s'attaque visiblement frontalement à certains sujets politiques contemporains en vogue aux States (à l'instar de la récente Carnival Row), le conseiller Townsend étant clairement une pique à Trump dans certains dialogues. Et cette première saison se concluant sur un Tiago disant avec une emphase (tout sauf naturelle, mais encore une fois le placement ici et là de répliques graves et pompeuses, qu'on a l'habitude de voir tournées en dérision dans les autres fictions, sont propres à cette série) "This is not the United States of America".